Cette évolution, présentée comme un alignement avec les recommandations européennes, intervient alors même que ce coefficient avait déjà fait l’objet d’un ajustement en 2020 pour refléter le mix énergétique à venir et la montée en puissance de l’électricité renouvelable.
La CAPEB déplore une décision qui impactera fortement l’activité des entreprises artisanales du bâtiment et freinera la nécessaire rénovation énergétique des logements
Une nouvelle baisse arbitraire qui interroge sur sa pertinence et ses effets concrets
En abaissant le CEP de l’électricité à 1,9, le Gouvernement modifie en profondeur les repères et les équilibres des politiques de rénovation énergétique. Cette décision pourrait avoir plusieurs conséquences directes :
- Une valorisation automatique des logements chauffés à l’électricité, qui bénéficieraient d’un meilleur classement énergétique sans modification de leur bâti ni de leurs équipements ;
- Une sortie artificielle du statut de passoire thermique : près de 850.000 logements seront ainsi reclassés sans que des travaux n’aient été réalisés, vidant de son sens la classification du DPE ;
- Un risque de dérive vers une électrification massive des systèmes de chauffage, au détriment des solutions techniques raccordées à une boucle d’eau chaude (PAC, PAC hybrides, chaudières fonctionnant au biogaz/biofioul…), alliant confort, maîtrise des coûts et capacité à intégrer les énergies renouvelables ;
- Des rénovations a minima, sans prise en compte de la performance réelle des équipements et du bâti ;
- Une confusion pour les ménages, car la baisse du CEP n’a aucun impact sur leur facture énergétique, calculée en énergie finale, et pourrait donner une fausse impression de gain de pouvoir d’achat ;
- Une atteinte à la lisibilité du DPE du fait de la décorrélation entre l’étiquette énergie et la performance réelle du logement ;
- Pour les propriétaires bailleurs, un logement classé F devenant E, ou E devenant D, sans investissement, réduit la pression réglementaire et sociale à la rénovation. Cela va à l’encontre de l’objectif de massification des rénovations performantes et met en difficulté la trajectoire de décarbonation fixée par la SNBC.
Un signal contraire aux principes de mixité énergétique et de rénovation performante
Cette évolution du CEP est de nature à pénaliser les artisans engagés dans la mise en œuvre de solutions techniques variées, adaptées aux besoins des bâtiments et aux réalités locales. 850.000 logements sortis par un simple ajustement technique du statut de passoires thermiques sont autant de chantiers en moins pour les entreprises artisanales du bâtiment qui subissent déjà un fort repli de leur activité.
En concentrant artificiellement les efforts sur l’électrification des usages, sans corriger les défauts structurels du bâti, une baisse du CEP ne peut que freiner l’élan collectif nécessaire à la réussite de la transition énergétique.
La CAPEB appelle le Gouvernement à réévaluer les impacts de cette mesure et à privilégier une approche plus équitable et plus stable de la performance énergétique des bâtiments de nature à apporter de la clarté et de la confiance aux ménages, à donner de la visibilité aux entreprises et à respecter nos engagements en matière de décarbonation.
Coénove dénonce "une décision déplorable, sur le fond et sur la forme"
Coénove alerte, une fois de plus, sur les conséquences multiples, contre-productives et risquées de cette décision.
Le tripatouillage politique d’un outil scientifique
Le coefficient Ep/Ef est un indicateur scientifique qui reflète une réalité physique. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur le DPE de juin 2025 : «Il n'est pas possible de se chauffer directement avec de l'énergie nucléaire.L'existence d'un coefficient de conversion en énergie primaire plus défavorable pour l'électricité est donc le reflet de principes thermodynamiques. »
Le réduire arbitrairement reviendrait à déconnecter le DPE des flux physiques réels, à négliger des pertes aux conséquences bien tangibles (réchauffement des cours d’eau obligeant l’arrêt de certains réacteurs nucléaires, prélèvements d’eau,…) et à accorder un avantage indu à des systèmes énergétiques peu performants.
L’électricité n’est à ce jour pas défavorisée. Le DPE comporte déjà une double lecture, via l’étiquette énergie et l’étiquette carbone et prend donc en compte le fait que l’électricité est une source d’énergie moins émettrice de Gaz à Effet de Serre(GES).
Un impact majeur sur les ménages les plus vulnérables
Alors que la précarité énergétique touche des millions de Français, que les passoires et bouilloires thermiques continuent d’aggraver les inégalités et que le taux de pauvreté atteint des sommets, le Gouvernement choisit de modifier un indicateur pour faire sortir artificiellement des logements de la catégorie des passoires, sans aucun gain réel pour les occupants.
Un DPE décrédibilisé et une instabilité nuisible à l’action
Le Gouvernement fait fi de l’objectif principal du DPE qui est , comme le rappelle la Cour des comptes,« de pouvoir interclasser les logements entre eux, permettant de prioriser les logements qu’il convient de rénover […] de protéger les locataires de passoires thermiques et, partant, de réduire la précarité énergétique ».
Le DPE, déjà fragilisé par une instabilité règlementaire chronique, perdrait encore en crédibilité. Untel changement renforcerait l’attentisme des ménages, découragerait les rénovations et freinerait les investissements indispensables, accentuant la crise majeure que connaît déjà le secteur du bâtiment.
Une surélectrification néfaste et risquée
Une telle réforme accélérerait l’électrification à outrance du secteur des bâtiments, fortement thermosensible, en particulier via des équipements peu efficients. A court et moyen termes, cela accentuerait le risque de défaillances ou de « black out » lors des pointes électriques hivernales et fragiliserait la sécurité d’approvisionnement du pays.
Pour Jean-Charles Colas-Roy, Président de Coénove : « En actant cette révision, le Gouvernement prendrait la responsabilité du tripatouillage politique d’un outil scientifique pour sortir artificiellement des logements du statut de passoires énergétiques au détriment des plus vulnérables . C’est une décision techniquement contestable, socialement injuste et environnementalement contreproductive. Cela revient, par un tour de passe-passe règlementaire, à dissimuler la précarité énergétique sans action réelle. Changer les règles du DPE ne rénove aucun logement, ne baisse aucune facture, n’améliore aucun confort. Ce n’est pas le coefficient Ep/Ef qu’il faut modifier, ce sont les logements qu’il faut rénover. Ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on soigne la fièvre. Prendre cette décision en catimini, au cœur de l’été, sans analyse des conséquences sur la sécurité d’approvisionnement du pays et sans véritable concertation avec l’ensemble des parties prenantes fait montre d’un mépris pour les acteurs et les ménages concernés. »
Toute évolution du DPE devrait faire l’objet d’une évaluation transparente, d’un débat public éclairé, d’une concertation approfondie avec la filière, et d’une analyse d’impact, rigoureuse notamment sur les trajectoires de rénovation, d’électrification des usages et de sécurité du réseau.
Coénove appelle le Gouvernement à revoir sa position et à entendre l’ensemble des professionnels du secteur des bâtiments, les acteurs qui luttent contre la précarité énergétique et les associations de consommateurs, vent debout contre cette mesure inique.
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