Le dépôt de dossiers reste possible pour les aides "par geste", qui concernent des travaux isolés de rénovation énergétique, et pour les copropriétés. Les particuliers qui ont déjà déposé leur dossier pourront continuer de suivre son cheminement jusqu'au versement des subventions.
Le gouvernement a décidé cette suspension face à un nombre trop important de nouvelles demandes et à de nombreuses tentatives de fraudes, qui surchargent les service d'instruction de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et des collectivités qui examinent les dossiers.
L'objectif pendant les deux mois et demi à venir est d'"assainir le marché", de "déployer des mesures de lutte contre la fraude" et de trouver une méthode de gestion "plus régulière" des afflux de dossiers pour éviter "les pics et les creux" et les délais d'instruction rallongés, selon la ministre chargée du Logement Valérie Létard.
Les pistes évoquées concernent par exemple le "recentrage" des aides pour les rénovation d'ampleur vers les logements les plus énergivores et une hiérarchisation des "gestes prioritaires" pour les aides pour des travaux isolés.
Le gouvernement aimerait également abaisser le montant maximal d'aides qu'il est possible de percevoir pour une rénovation globale, une décision qui bloquerait les projets de travaux des ménages très modestes selon la Fondation pour le logement.
Contre la fraude, l'exécutif a déployé une "task force interministérielle" et attend la promulgation de la loi contre les fraudes aux aides publiques du député Thomas Cazenave pour prendre d'autres mesures.
"Engranger les dossiers, en ne prenant pas en compte les moyens dont on dispose et sans prévisibilité, ça donne une explosion des dossiers, un retard dans les délais d'instruction et de paiement, qui pénalisent autant les artisans que les particuliers", a souligné Valérie Létard la semaine passée devant des journalistes, ajoutant vouloir "recadrer toutes les dérives".
Le ministère estime que "la dynamique de dépôt des dossiers constatée en 2025 aurait mécaniquement conduit à un épuisement du budget en 9 mois au lieu de 12", ce qui pousse aussi le gouvernement à aller chercher plus d'argent privé pour financer MaPrimeRénov', via les certificats d'économie d'énergie.
Jacques Baudrier, adjoint PCF à la mairie de Paris, appelle à une conférence de financement de la rénovation énergétique sur le long terme et propose de doubler les taxes sur les ventes de résidences secondaires.
MaPrimeRénov', la machine à rénover les logements que l'Etat suspend en partie pour l'été
MaPrimeRénov', aides de l'Etat pour la rénovation énergétique des logements, est suspendue à partir de lundi pour les nouveaux dossiers de travaux d'ampleur. Et ce jusqu'à mi-septembre, le temps de changer les règles d'octroi des subventions et de la lutte anti-fraude.
Le dispositif croule sous un nombre trop important de nouvelles demandes, alors que le budget est contraint, et l'Agence nationale de l'habitat (Anah), qui distribue les aides, fait face à de nombreuses tentatives de fraudes.
MaPrimeRénov', c'est quoi ?
Lancée en 2020, MaPrimeRénov' est la principale incitation de l'Etat pour que les particuliers se lancent dans la rénovation énergétique et thermique de leur logement.
Le dispositif, modifié à maintes reprises, est aujourd'hui structuré autour de trois branches: la rénovation par geste qui concerne la réalisation d'un seul type de travaux de rénovation énergétique ; la rénovation d'ampleur, pour les rénovations globales de logements qui cumulent plusieurs types de travaux ; et la rénovation des copropriétés qui s'adresse aux syndics pour rénover des parties communes.
Les travaux couverts sont par exemple l'isolation thermique des murs, des fenêtres, du toit, l'installation d'un système de ventilation, le changement du chauffage et de la production d'eau chaude et les dispositifs d'amélioration du confort d'été.
Le montant de l'aide dépend du type de travaux, de l'étiquette énergétique du logement, du gain énergétique permis par les travaux et du niveau de revenus des ménages. L'aide est réservée aux résidences principales.
Pour les rénovations d'ampleur, un "accompagnateur Rénov'" est obligatoire et doit suivre toutes les étapes du projet de sa conception à sa réalisation et aider le ménage dans son parcours administratif.
Qui est concerné par la suspension ?
La fermeture cet été du guichet de dépôt de nouveaux dossiers concerne les demandes d'aide MaPrimeRénov' pour des rénovations énergétiques globales ("parcours accompagné") uniquement.
Face au mécontentement du secteur du bâtiment, les aides pour les "rénovation par geste" - des travaux isolés - ne sont finalement pas suspendues.
Les demandes d'aide dédiées aux copropriétés ne sont pas non plus concernées par la suspension. Ni tous les dossiers déposés avant le 23 juin, qui seront "instruits et payés dans les meilleurs délais", à condition qu'ils ne soient pas suspectés de fraude, selon le ministère chargé du Logement.
Quelle est l'ampleur de la fraude ?
L'un des deux principaux arguments du gouvernement pour suspendre le dispositif est le niveau élevé de tentatives de fraude, évaluée par le gouvernement à 16.000 dossiers suspicieux, soit 12% du stock.
En 2024, 44.172 dossiers frauduleux avaient été détectés par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) avant leur mise en paiement, ce qui représentait 229 millions d'euros de fraudes évitées.
Le ministère du Logement affirme que huit millions d'euros d'aide font actuellement l'objet de contentieux et de procédure de recouvrement.
La "fraude potentielle" calculée par Tracfin, organisme de lutte contre les circuits financiers clandestins, serait de l'ordre de 50 millions d'euros par an.
L'Etat a dans son viseur "une centaine" d'accompagnateurs Rénov', qu'il suspecte d'usurper l'identité de ménages et de manipuler les audits énergétiques pour percevoir des aides pour des travaux inexistants ou surévalués.
Le gouvernement veut aussi limiter le gonflement des prix, affirmant que le coût des travaux a augmenté de 7% en 2025 par rapport à 2024, bien plus que l'inflation, d'environ 2%.
Combien ça coûte ?
MaPrimeRénov' dispose d'un budget de 3,6 milliards d'euros pour 2025, abondé à hauteur de 2,3 milliards d'euros par l'Etat. Le reste de l'enveloppe provient des quotas carbone et des certificats d'économie d'énergie (CEE), financés par les entreprises.
Avec ces fonds, l'objectif fixé par l'Etat est de réaliser 100.000 rénovations globales de logements et 250.000 rénovations par geste.
Ce budget a été réduit par rapport à 2024. L'Anah avait prévu un budget de plus de 5 milliards d'euros pour la rénovation énergétique l'année passée mais seuls 3,29 milliards ont été versés. L'Etat a donc réduit sa dotation de 3,7 milliards en 2024 à 2,3 pour 2025.
En 2024, 340.801 logements ont bénéficié d'aides MaPrimeRénov', dont 91.374 rénovations globales de logements. Depuis 2020, le bilan est de 2,5 millions de logements rénovés, dont 350.000 rénovations globales.
Le montant moyen de l'aide accordée par l'Anah pour une rénovation d'ampleur est de 41.201 euros en 2025.
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