L'Etat avait décrété une pause estivale du guichet MaPrimeRénov' pour les rénovations globales, qui cumulent plusieurs types de travaux d'amélioration de la performance énergétique, à cause de demandes et de tentatives de fraudes trop importantes.
Le ministère chargé du Logement a annoncé mardi qu'il sera à nouveau possible de déposer une demande de subvention à partir du 30 septembre, mais les conditions seront resserrées pour dépenser moins d'argent public par dossier et ainsi financer plus de projets dans un budget contraint.
13.000 dossiers maximum
L'Agence nationale de l'habitat (Anah) a actuellement un "stock" de dossiers à traiter de 61.000 demandes, qui s'ajoutent aux 35.000 subventions déjà accordées depuis le début de l'année, ce qui représente un total de 4,2 milliards d'euros de potentielles subventions.
Or l'Etat avait fixé un objectif de 62.000 rénovations globales financées en 2025 (hors copropriétés), avec un budget total de 3,6 milliards d'euros pour la rénovation énergétique, enveloppe qui va être dépassée.
Le gouvernement prévoit d'ores et déjà d'imputer au budget 2026, "sous réserve du vote de la loi de finances", les dossiers déposés en 2025 qui ne rentreront pas dans l'enveloppe budgétaire de cette année.
Cela concerne les demandes qui seront soumises à partir de septembre, limitées à 13.000 d'ici à la fin de l'année pour éviter d'accumuler trop de dossiers en attente de réponse.
Ce quota de 13.000 dossiers sera réparti par territoire et lorsqu'il sera dépassé, "la plateforme sera fermée jusqu'à la fin de l'année", a indiqué le ministère dans un communiqué.
Pour Julien Fortin, de l'Association des consultants en aménagement et développement, les annonces ministérielles n'offrent qu'une "visibilité à court terme" et constituent "un coup d'arrêt au développement engagé par la filière".
Hugues Sartre, porte-parole d'un groupement d'entreprises du secteur de la rénovation énergétique dénommé GERE, s'interroge lui sur "la légalité d'une subvention publique accordée au premier arrivé".
Critères modifiés
Dans un premier temps, à partir du 30 septembre, seuls les ménages très modestes pourront demander une subvention, a précisé le ministère, qui élargira "peut-être" le guichet aux ménages modestes en fonction du nombre de dossiers reçus.
Ces "nouvelles sont peu engageantes" pour Emma Rolland, enseignante en primaire dans le Lot-et-Garonne alors que la rénovation thermique de son toit est en suspens. "Je me situe dans les revenus modestes, donc je pense que je ne serai pas prioritaire", déplore auprès de l'AFP cette propriétaire d'une maison, qui assume seule les coûts d'entretien.
Le plafond maximum de travaux, sur lequel est calculé le pourcentage des subventions, va baisser de 70.000 euros à 40.000 euros pour les travaux qui permettent de gagner trois classes énergétiques au diagnostic de performance énergétique (DPE).
Les aides MaPrimeRénov' seront réservées aux logements les plus énergivores (note E, F ou G au DPE) et le bonus pour sortir de la catégorie de passoire énergétique (note F ou G) est supprimé.
Un ménage très modeste pourrait ainsi percevoir maximum 32.000 euros, soit un montant insuffisant pour rénover une maison individuelle selon Hugues Sartre.
Ces critères s'appliqueront à partir de septembre 2025 et seront conservés en 2026, même si des discussions sur le budget 2026 découleront le quota de subventions à accorder annuellement et l'ouverture ou non du guichet aux ménages aux revenus intermédiaires et supérieurs.
A ce stade, "l'encre n'est sèche nulle part" concernant le budget 2026, assure le cabinet de la ministre du Logement Valérie Létard. "La seule chose qu'on puisse dire, c'est qu'il y aura MaPrimeRénov' en 2026."
"Si le budget n'est pas augmenté en 2026, c'est 4 milliards d'euros qui manqueront et la crise qu'on a connue en juin cette année surviendra dès mars l'année prochaine", craint Jacques Baudrier, adjoint PCF à la mairie de Paris, qui appelle à créer "des recettes dédiées" à la rénovation énergétique avec "des taxes locales sur les bureaux ou sur les parkings de supermarchés".
Les règles des aides pour les copropriétés et pour les travaux isolés de rénovation (parcours par geste) restent inchangées en 2025.
5.000 cas de fraudes
L'Etat a détecté 5.000 cas avérés de fraudes parmi les demandes d'aides MaPrimeRénov' pour des rénovations globales, contre 16.000 dossiers de ce type suspectés frauduleux annoncés en juin.
Ces dossiers seront rejetés, tout comme les 8.000 autres cas de fraude détectés parmi les dossiers MaPrimeRénov' par geste.
Les dossiers en stock "continuent d'être passés au peigne fin", a assuré le ministère, ajoutant que des agréments d'accompagnateurs Rénov' et de mandataires seront retirés.
La CAPEB approuve la volonté de stabilité et d’écoute des entreprises artisanales qui doit impérativement se concrétiser dans le prochain Budget
Le mardi 22 juillet, Mme Valérie Létard, Ministre chargée du Logement, a réuni les acteurs de la filière de la rénovation énergétique pour un point d’étape après la suspension du parcours accompagné de MaPrimeRénov’ et annoncer les grandes tendances de l’ensemble du dispositif en vue de 2026.
La CAPEB prend acte de la réouverture du parcours accompagné de MaPrimeRénov’, le 30 septembre prochain, avec un recentrage de ses bénéficiaires et un ajustement de ses paramètres en raison de l’importante dérive constatée ces derniers mois. Par ailleurs, la stabilité annoncée de l’ensemble du dispositif MaPrimeRénov’ en 2026 et la plus grande territorialisation de sa mise en œuvre vont dans le bon sens.
- Ainsi, les monogestes, qui n’ont pas subi de suspension, continueront d’être financés en l’état jusqu’à la fin 2025, puis en 2026 selon la volonté exprimée par la Ministre. La CAPEB ne peut que saluer cet objectif de stabilité qui devra donc impérativement se concrétiser dans le budget 2026 et dans la reconduction du cadre réglementaire actuel.
- La territorialisation accrue dans la mise en œuvre du dispositif, amorcée par la Ministre, est également un point positif en faveur de la lutte contre les fraudes et de l’adaptation aux réalités du terrain. Les collectivités locales qui connaissent leur bassin d’activité devront pleinement être associées.
- Par ailleurs, la Ministre a réaffirmé sa détermination à mettre au point un parcours de rénovation globale par gestes. Elle a apporté son plein soutien à cette approche, ce dont nous nous félicitons. Un tel parcours, demandé de longue date par la CAPEB, visera à réellement massifier les rénovations énergétiques ce que ne permet pas le parcours de rénovation accompagné actuel. La CAPEB est pleinement engagée avec la filière pour voir aboutir rapidement cette proposition.
- Enfin, la Ministre a indiqué souhaiter mettre en œuvre la facilitation des groupements momentanés d’entreprises (GME) pour les artisans du bâtiment en soutenant la proposition de loi déposée en ce sens au Sénat, ce dont se réjouit la CAPEB.
Pour Jean-Christophe Repon, Président de la CAPEB : « Je salue la transparence dont a fait preuve Mme Létard concernant l’embolie et les fraudes sur le parcours de rénovation d’ampleur de MaPrimeRénov’ ainsi que le souci d’anticipation via des solutions, mêmes drastiques, pour résorber cette situation. Force est de constater les limites techniques et budgétaires du parcours de rénovation d’ampleur, qui consomme désormais l’essentiel de l’enveloppe budgétaire de MaPrimeRénov’ sans permettre d’atteindre les objectifs collectifs de massification des rénovations énergétiques. A ce titre, il est essentiel d’avancer en faveur d’un parcours de rénovation globale par gestes. En tout état de cause, la stabilité du dispositif en 2026 est la priorité et devra impérativement se traduire dans le futur budget et les mesures réglementaires du gouvernement. De nouveaux blocages du dispositif dans les prochains mois sont, tant du point de vue de la confiance des ménages que de la santé des entreprises artisanales, absolument inenvisageables. »
Pour le réseau Cler, "le Gouvernement abandonne la politique de rénovation énergétique"
Le Gouvernement a décidé d’exclure les ménages aux revenus modestes, intermédiaires, et aisés, du dispositif MaPrimeRénov’. Il tourne ainsi le dos aux nombreuses personnes qui souhaitent se lancer dans un projet de rénovation énergétique pour baisser leurs consommations d’énergie, réduire le montant des factures, et améliorer leur confort.
Le plafond de prise en charge des travaux dans les passoires énergétiques est réduit de moitié et le bonus "sortie de passoires énergétiques" est supprimé. Le Gouvernement abandonne ainsi la lutte contre la précarité énergétique. Avec un reste à charge plus élevé, les ménages aux revenus très modestes risquent d’engager des travaux moins ambitieux qui n’amélioreront pas suffisamment leur situation.
Dans un contexte budgétaire contraint, le Gouvernement fait le choix de maintenir les aides pour un seul poste de travaux (changement de fenêtre, changement du système de chauffage...). Cette décision ne profite ni à la performance énergétique des logements ni au confort des personnes qui y vivent. Bon nombre de locataires vont se retrouver prisonniers de cette situation et seront condamnés à rester dans des logements indécents.
Pour Isabelle Gasquet, responsable de projets efficacité énergétique au réseau Cler : « Après 10 ans d’engagement des associations, professionnels, et collectivités pour faire en sorte que la dynamique de rénovation énergétique décolle enfin, et 2 ans de mise en œuvre d’un dispositif d’aide qui fait ses preuves, le Gouvernement fait le choix de l’austérité en envoyant un signal d’abandon aux ménages souhaitant s’engager dans des travaux et aux structures de terrain qui œuvrent en faveur d’une rénovation énergétique performante accessible à toutes et tous. »
Pour HomeServe, "un dispositif sous conditions, une équité en question"
La ministre du Logement, Valérie Létard, a annoncé la relance du dispositif MaPrimeRénov’ à compter du 30 septembre. Une reprise assortie de restrictions drastiques en complet décalage avec l’annonce de la reprise des travaux de grandes ampleurs : baisse du plafond de travaux éligibles à 40.000 € (contre 70.000 € auparavant), concentration sur les seuls logements classés E, F ou G, forte diminution du nombre de dossiers acceptés avec un recentrage sur les ménages aux revenus très modestes. Ces nouvelles mesures risquent d’aggraver les inégalités sociales entre les ménages éligibles — déjà pénalisés par un reste à charge plus élevé et des quotas départementaux — et ceux qui, bien que non éligibles, ont tout autant besoin de rénover leur logement. Après une baisse en début d’année suivie d’une pause estivale, ce nouveau revirement du gouvernement provoque une forte indignation parmi les professionnels du secteur. Éreintés par ces changements successifs, ils peinent à entrevoir des perspectives positives pour 2026, d’autant que le projet de loi de finances pourrait remettre en cause le budget dédié à la rénovation énergétique.
HomeServe, acteur majeur de la transition énergétique, appelle les pouvoirs publics à faire preuve de cohérence et à garantir un cadre clair, ambitieux et durable pour accompagner la transformation du parc résidentiel.
Pour Philippe Notargiacomo, Président de HomeServe Energies Services : « On nous avait promis une stabilisation du dispositif en 2025, mais l’État persiste à changer les règles du jeu en cours de route. Ce nouveau tour de vis est un non-sens écologique, économique et social. Avec ce nouveau durcissement des critères d’attribution de MaPrimeRénov’, ce sont des milliers de projets qui risquent d’être freinés, reportés, voire abandonnés. Un coup d’arrêt brutal pour les ménages prêts à s’engager et un signal désastreux envoyé à tous ceux qui souhaitent rénover. On réduit les aides alors même que l’urgence climatique s’accélère – les grosses vagues de chaleur de ces dernières semaines en sont la preuve éclatante. Comment convaincre les Français d’engager des travaux si les soutiens publics s’effondrent ? Ce nouveau recul compromet gravement la transformation du parc immobilier français, au détriment de notre transition énergétique et du pouvoir d’achat des Français. »
Un accès très limité : Effy dénonce des conditions de reprise « en trompe l’œil »
Effy dénonce une reprise en trompe l’œil et appelle d’urgence à ce que les conditions pour 2026 soient clarifiées.
- Une jauge de dossiers dérisoire qui laisse présager une re fermeture dès octobre
Jauge de 13.000 dossiers acceptés d’ici fin d’année avec possible re-fermeture du guichet dès la jauge atteinte. Un seuil étonnement faible au regard des 65.000 dossiers déposés dans les semaines ayant précédé la fermeture du guichet.
- 75% des Français éjectés de facto du dispositif
Seules les familles les plus modestes pourront initier une demande dans un premier temps.
- Des aides à minima divisées par 2
Les aides maximum passent de 63.000€ à 32.000€ pour les chantiers permettant un saut de 3 classes ou plus. Le bonus de subvention pour les sorties de passoires (F et G) est par ailleurs supprimé.
Pour Audrey Zermati Directrice de la stratégie du groupe Effy : « Il ne faut pas se tromper, il s’agit d’une reprise en trompe l’œil. Sitôt rouvert, le guichet va aussitôt refermer ses portes en raison d’une jauge limite de 13.000 dossiers en réalité dérisoire. Sans parler des nouvelles conditions d’éligibilité, qui excluent trois quarts des Français du dispositif et divisent par deux les montants des aides. Ces conditions sont largement insuffisantes pour relancer sereinement la rénovation globale en 2025. Et pourtant, la dynamique était enfin lancée, la filière de la rénovation est structurée partout dans le pays ; les Français adhèrent massivement à l’urgence de rénover les logements et on table sur un record de 150.000 rénovations d’ampleur pour 2025. Pour la première fois, la France pourrait être à la hauteur de ses ambitions climatiques. La politique de soutien à la rénovation globale, levier parmi les plus efficaces pour éradiquer passoires et bouilloires thermiques doit à tout prix être sanctuarisée. Nous appelons à ce que les conditions prévues pour 2026 et surtout les ménages concernés soient dévoilés au plus vite. »
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