L’AIMCC déplore une décision non concertée qui porte atteinte aux objectifs de réduction des factures énergétiques des ménages et à la rénovation performante de leurs logements
L’AIMCC regrette l’absence d’étude des impacts économiques et sociaux de cette décision ainsi que le manque de concertation préalable avec les professionnels de la construction. Elle s’interroge sur les objectifs d’une « consultation publique » devant être réalisée dans les prochains jours, après l’annonce de cette décision.
Cette évolution est en outre peu justifiée sur le fond. Présentée comme un alignement avec les recommandations européennes, cette évolution intervient alors que ce coefficient avait déjà fait l’objet d’un ajustement en 2020 pour refléter le mix énergétique à venir et la montée en puissance de l’électricité renouvelable. Or, la part d’électricité renouvelable connaît des situations très différentes entre les pays d’Europe. Elle a de surcroit peu augmenté en France depuis 2020.
Pour le gouvernement, il s’agirait de « permettre de concentrer les aides à la rénovation sur les logements chauffés aux énergies fossiles » et de « faire sortir environ 850.000 logements principalement chauffés à l'électricité du statut de passoire énergétique ». En réalité, cette évolution apparaît comme un instrument discret de désengagement budgétaire des aides à la rénovation. Loin d’être anodine, cette évolution représente une fragilisation de la politique française de rénovation énergétique des bâtiments.
Elle porte atteinte à la crédibilité du DPE
En modifiant pour des raison politiques, le coefficient d’énergie primaire, qui devrait être purement technique, la mesure introduit une décorrélation entre la performance réelle du logement et son étiquette énergie. L’amélioration en trompe l’œil des étiquettes des logements chauffés à l’électricité ne changera en effet ni les consommations réelles, ni les factures correspondantes et aura pour conséquence de brouiller la lisibilité et la crédibilité du DPE. Les acheteurs comme les locataires seront induits en erreur par des étiquettes plus flatteuses mais masquant un coût de fonctionnement plus élevé.
Elle oriente les choix vers le tout-électrique
Si l’électricité représente une très grande opportunité pour décarboner les usages des bâtiments, d’autres formes d’énergies renouvelables et leurs vecteurs efficaces - géothermie, réseaux de chaleur, PAC hybrides, chaudières fonctionnant au biogaz/biofuel…- peuvent également y contribuer. Les choix énergétiques peuvent aussi dépendre des natures de bâtiments, de leurs performances énergétiques ainsi que du contexte local. La distorsion des critères de choix en faveur d’un seul type d’énergie peut ainsi conduire à des erreurs d’optimisations et nuire à la diversité du dispositif énergétique.
Elle ne conduira pas à la réduction des factures énergétiques des ménages
La baisse du Cep n’a aucun impact sur leur facture énergétique, calculée en énergie finale, et pourrait donner une fausse impression de gain de pouvoir d’achat.
Revaloriser artificiellement l’étiquette énergie des logements chauffés à l’électricité ferait instantanément sortir de nombreuses passoires thermiques chauffées par des convecteurs électriques des classes F et G sans travaux de rénovation. Les premiers perdants d’une telle mesure seraient bien entendu les occupants, souvent précaires, de passoires et bouilloires thermiques qui n’auraient plus d’incitation ni obligation à rénover.
Elle va à l’encontre de l’objectif de massification des rénovations performantes et met en difficulté la trajectoire de décarbonation fixée par la SNBC
L’atteinte de nos objectifs climatiques repose sur des rénovations énergétiques dites « globales et performantes » des bâtiments, permettant de traiter 6 postes de travaux : l’isolation des murs, des planchers et des toitures, ainsi que la ventilation doivent être garantis avant la pose de systèmes de chauffage efficaces. La modification du coefficient d’énergie primaire qui permet de supprimer des passoires énergétiques chauffées à l’électricité d'un simple trait de plume va à l’encontre de l’objectif de massification des rénovations performantes et met en difficulté la trajectoire de décarbonation fixée par la SNBC. Les passoires thermiques doivent avant tout faire l’objet d’une rénovation performante de l’enveloppe pour limiter réellement leurs consommations.
En concentrant artificiellement les efforts sur l’électrification des usages, sans corriger les défauts structurels du bâti, une baisse artificielle du coefficient Cep ne peut que freiner l’élan collectif nécessaire à la réussite de la transition énergétique déjà mise à mal avec la suspension par le gouvernement des aides pour les rénovations globales et performantes, jusqu’en septembre 2025.
L’AIMCC appelle donc le gouvernement à reconsidérer sa mesure de changement du coefficient d’énergie primaire de l’électricité. Si le remplacement de l’utilisation des combustibles fossiles par des sources d’énergie moins carbonées est un objectif partagé, chercher à l’atteindre par une modification mathématique sans lien avec la réalité physique ne permettra pas la réduction des factures énergétiques des ménages et constitue une impasse sociale, économique et écologique. En réalité, la première action à mener est une réduction importante des consommations énergétiques réelles par la mise en place d’une politique ambitieuse de rénovation performante des bâtiments.
Le FILMM dénonce une réforme du DPE trompeuse et socialement dangereuse
Présentée comme un simple ajustement technique, cette mesure entraînera, selon les estimations du Gouvernement, la requalification automatique de 850.000 logements actuellement classés passoires thermiques, sans qu’aucuns travaux n’y soient réalisés et une baisse virtuelle de 17% des consommation d’énergie pour les logements chauffés à l’électricité. De plus cela réduirait mécaniquement leur éligibilité à certaines aides, ou retarderait leur rénovation.
Cette revalorisation artificielle des étiquettes énergie remet donc en cause les politiques publiques de rénovation performante, en donnant une image plus flatteuse du parc des logements en France que ce qu’il est en réalité.
Une bombe sociale à retardement pour les ménages précaires
La réforme alimente une illusion de performance énergétique : des logements mal isolés apparaîtront mieux notés simplement parce qu’ils sont chauffés à l’électricité. Or, la meilleure énergie reste celle qu’on ne consomme pas ! Sans travaux de rénovation préalables, les ménages continueront de subir des factures de chauffage élevées et une précarité énergétique aggravée.
En décorrélant les étiquettes DPE de la réalité thermique des logements, le Gouvernement décrédibilise un outil clé et récemment fiabilisé de la transition énergétique. Il prend le risque de relancer l’installation de systèmes de chauffage électriques peu performants, au détriment de rénovations globales, pourtant seules garantes d’économies énergétiques durables.
Un coup porté à une filière française stratégique et créatrice d’emplois
Les industriels des laines minérales (laine de verre et laine de roche) ont massivement investi sur le territoire français pour répondre aux objectifs fixés par la France : création de nouvelles lignes de production et de recyclage, modernisation et décarbonation des sites etc.
En rendant de nombreux logements artificiellement conformes aux exigences réglementaires sans travaux d’isolation, la réforme assèche la demande, fragilise les investissements réalisés et à venir, et met en péril des milliers d’emplois industriels non délocalisables. Cette décision envoie un message d’instabilité préjudiciable à l’ensemble des industriels engagés dans la transition énergétique : comment continuer à investir, recruter, innover, lorsque les règles changent unilatéralement et sans concertation ?
Un cadre européen en contradiction avec la réforme proposée
Enfin, cette réforme du coefficient d’énergie primaire soulève des interrogations quant à sa conformité avec les exigences de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB).
L’article 9 de cette directive précise que 2020 est l’année de référence pour établir la trajectoire de réduction de consommation d’énergie primaire des bâtiments résidentiels et pour définir les normes minimales de performance énergétique (MEPS) dans le secteur non résidentiel. Dès lors, il est légitime de s’interroger sur la pertinence d’un nouveau changement de coefficient en 2025, après celui déjà appliqué en 2021, pour évaluer l’amélioration d’un parc immobilier initialement mesuré en 2020.
Par ailleurs, la directive DPEB impose que « les États membres veillent à ce qu’au moins 55% de la diminution de la consommation moyenne d’énergie primaire […] soit obtenue grâce à la rénovation de 43% des bâtiments résidentiels les moins performants ». Une réduction artificielle de l’étiquette des DPE, sans travaux de rénovation, contreviendrait à l’esprit et à la lettre de cette directive. Une telle réforme contourne les objectifs fixés par l’Union européenne.
Le FILMM appelle le Gouvernement à suspendre cette réforme et à ouvrir un véritable dialogue avec les parties prenantes concernées. Seule une trajectoire claire, stable et fondée sur la performance réelle du bâti permettra de concilier les objectifs climatiques, la justice sociale et la souveraineté industrielle.