Bois, chanvre, paille, liège... Les matériaux biosourcés n'ont aucun secret pour Marceau Bariou. Détenteur depuis un an du diplôme d'Etat d'architecte, le jeune homme, 25 ans, fait partie de cette génération où "tout le monde se considère sensibilisé aux questions environnementales. On en entend parler depuis qu'on est tout petit".
A l'ENSA (École nationale supérieure d'architecture) de Rennes, réputée pour sa sensibilité au développement durable, Marceau a décortiqué la frugalité ou sobriété, l'écoresponsabilité et la conception bioclimatique dans des modules dédiés. La construction et l'énergie consommée par les bâtiments en France génèrent de l'ordre de 30% des émissions de carbone du pays.
Les cours invitent les étudiants à une réflexion plus large, philosophique, sur la manière d'habiter un appartement en pensant le quartier dans sa globalité ou sur la sensation que procure le toucher d'un mur en terre.
"Ouvrir les horizons"
"Toute la richesse des études d'architecture, c'est d'ouvrir les horizons.
Contrairement aux ingénieurs ou aux formations dans le BTP qui proposent un cursus très technique, l'école d'architecture laisse place à la réflexion et pousse à se dénormer", considère Marceau, qui travaille comme assistant en chef de projets dans une agence parisienne.
C'est l'architecte Philippe Madec, considéré comme un pionnier de l'écoresponsabilité, qui a injecté les premiers cours de frugalité dans les ENSA.
Professeur pendant dix ans à l'école d'architecture de Lyon puis à celle de Rennes, il a "remarqué un tournant il y a cinq ans": "Depuis, tous les enseignants portent un discours écoresponsable. On a gagné la bataille des idées mais sur le terrain, il reste encore du travail à faire."
Pour remplacer des isolants comme le polystyrène, le PVC et le parpaing par des matériaux biosourcés et par le réemploi, il faut "réduire la TVA pour que le durable soit au prix du jetable", lance le professeur.
Un manifeste de la "frugalité créative", lancé par M. Madec et signé par plus de 15.000 personnes, propose des pistes concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à l'aménagement des territoires urbains et ruraux.
Rapport à la nature
Effondrement climatique, raréfaction des ressources, lutte contre l'étalement des villes... L'architecte Salomé Rigal sensibilise les étudiants de l'ENSA Paris-Belleville aux enjeux contemporains.
La professeure, qui travaille aujourd'hui pour le cabinet PCA-Stream, se souvient d'un cours sur la communication des végétaux: "On a étudié comment les arbres échangent entre eux via de multiples ramifications", le but étant de "questionner notre rapport à la nature et de développer l'esprit critique".
Dans son mémoire de fin d'études, Macha Krobski, 23 ans, questionne ce rapport au monde à travers la notion d'"atmosphère": "J'ai toujours été sensible aux espaces. Que ressent-on dans une pièce? Que transmettent les murs?" se questionne l'architecte de 23 ans.
Mais une fois sur le marché du travail, les architectes fraîchement diplômés peuvent subir de "vrais chocs" devant la réalité du métier. Ils se confrontent aux décideurs politiques, entreprises de BTP et agences d'architecture dont certaines "préfèrent encore bétonner".
"Les étudiants sont de plus en plus vigilants sur le type d'agence qu'ils choisissent. Souvent, ils s'orientent vers des structures plus petites, moins renommées, mais plus en adéquation avec leurs valeurs comme, par exemple, des associations", explique Mme Rigal.
D'autres décident de "mettre les mains dans le cambouis", comme Macha, qui a comme projet de participer, cet été, à un chantier participatif pour rénover avec de la terre une ferme qui date du 16e siècle.
"L'écologie est une manière d'appréhender notre rapport au monde. Un monde dont l'Homme n'est pas le maître mais une partie, au même niveau que la nature", philosophe Macha.