En attendant la constitution du gouvernement Lecornu et les grandes lignes de la future Loi de Finances 2026, le manque de lisibilité institutionnelle pèse sur la confiance des agents et fragilise la capacité de l’Etat à juguler ses déficits publics. Dans un contexte géopolitique international déjà très perturbé, la sanction des marchés financiers face à la montée de l’endettement public se traduit par une hausse des taux longs qui, de fait, fait planer la menace d’un relèvement des taux d’intérêt à l’habitat. Le réveil graduel du marché immobilier neuf et le redressement de l’activité constructive, à l’œuvre depuis quelques mois grâce au recul des taux de crédit bancaire et à quelques mesures de soutien (PTZ, rachats Action Habitat…), pourraient souffrir de ces atermoiements politiques dans les prochains mois. Pour l’heure, l’activité des matériaux continue de reculer sur les douze derniers mois même si une nette modération des rythmes de repli se constate. Les granulats, en quasi-stabilisation, profitent un peu d’une dynamique positive dans les travaux publics, qui commence toutefois à s’essouffler, tandis que le BPE, toujours en net recul, peine à se redresser et à sortir de la crise.
Chiffres clés
Sur les sept premiers mois de 2025, l'activité des granulats en volume stagne sur un an à +0,3% tandis que celle du BPE recule encore de -4,1%.
Un mois de juillet un peu mieux orienté
Selon les premières données disponibles, l’activité des matériaux se serait très légèrement redressée en juillet après un mois de juin plutôt maussade. Ainsi, la production de granulats aurait progressé de +1% au regard de juin, restant toutefois inférieure de -1,9% à son niveau de juillet 2024 (données CVS-CJO). Sur les trois derniers mois connus (mai à juillet), l’activité des granulats afficherait un repli de -1,1% en comparaison de la même période d’il y a un an mais serait en recul de -4,1% par rapport aux trois mois précédents qui, pour mémoire, avaient bénéficié d’un rebond en février-mars. Au total, de janvier à juillet, la production de granulats serait quasiment stable (+0,3%) de même que son évolution cumulée sur les douze derniers mois (-0,3%). Du côté du BPE, les livraisons se seraient également légèrement redressées entre juin et juillet (+2,1%, CVS-CJO) mais demeurent encore bien en-deçà de leur niveau de juillet 2024 (-5,4%). Certes, les rythmes de repli se modèrent : pour mémoire, en juillet 2024, les livraisons reculaient encore de -12% sur un an. Sur le dernier trimestre connu (mai à juillet), la production de béton cède encore 2,1% par rapport aux trois mois précédents et -4,1% en comparaison avec la même période de l’an passé. La tendance sur les sept mois de 2025 s’inscrit sur le même repli (-4,1% sur un an) tandis que le cumul glissant sur douze mois revient à -5,9%. L’indicateur matériaux, pour sa part, a enregistré une légère progression en juin, de +1,5% à 81,9 (CVS-CJO). Il demeure ainsi -0,7% en dessous de son niveau d’il y a un an mais traduit surtout une activité encore 18 % plus basse qu’en 2021. Au deuxième trimestre, l’index a reculé de -0,5% par rapport au trimestre précédent et de -1,5% sur un an. À la fin du premier semestre, le repli atteignait -1,3% en glissement annuel contre -2,4% pour le cumul glissant sur douze mois.
Bâtiment : du « mieux » fragile
Interrogés en septembre par l’INSEE, les professionnels du bâtiment jugent le climat des affaires plutôt stable après un redressement constaté cet été. Ainsi, dans le gros œuvre, l’opinion sur l’activité passée s’est légèrement améliorée, restant très en deçà de sa moyenne de long terme, tandis que celle sur l’activité future s’est un peu dégradée, se situant juste un peu au-dessus de son niveau moyen de ces trente dernières années. Le niveau des carnets évolue peu dans ce segment (environ 8,6 mois sur le dernier semestre) même si le jugement porté sur les commandes se replie un peu. La conjoncture reste très hésitante à l’image du solde d’opinion relatif à l’activité prévue dans le logement qui, après avoir fortement augmenté entre mars et juillet, enregistre une baisse en septembre, pour le deuxième mois consécutif. Les dernières données SITADEL du ministère à fin juillet confirment, il est vrai, une poursuite de l’amélioration de la construction neuve.

Le redressement du logement, qui part d’un très bas niveau, s’opère tout autant du côté des permis que des mises en chantier. Ainsi, sur les trois derniers mois (mai à juillet), les autorisations progressaient encore de +3,6% par rapport aux trois mois précédents (données CVS-CJO) et de +22,7% par rapport à il y a un an, la dynamique de l’individuel prenant peu à peu le pas sur celle du collectif, dont les effets du Plan de relance Action Logement – CDC Habitat sur ce segment s’atténuent au fil des mois. À fin juillet, le nombre de permis délivrés sur douze mois (360.200) affichait une hausse de +3,8%. Du côté des mises en chantier, la progression des trois derniers mois (mai à juillet) atteint +11,5% au regard du trimestre précèdent (CVS-CJO) et +13,1% sur un an. En dépit de ce rebond, le nombre de logements commencés cumulé sur douze mois (294.500 unités, soit +6% à fin septembre) reste très bas comparé au passé. Il se situe 23% en dessous du niveau moyen des mises en chantier de ces 25 dernières années (384.000). Si le raffermissement de la construction de logements semble amené à se poursuivre dans le segment de l’individuel, porté en grande partie par le soutien du PTZ aux primo-accédants, l’avenir du collectif est bien plus incertain. L’absence d’un relai de soutien à l’investissement locatif (après l’abandon du Pinel en décembre 2024) conjugué au contrecoup du Plan d’investissement de l’Etat pour le logement social (non pérenne) vont peser sur la dynamique du collectif dans les mois à venir. Les derniers chiffres de commercialisation des logements neufs tendent d’ailleurs à confirmer ces craintes. Selon les données de la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers), les ventes de logements neufs aux investisseurs particuliers ont chuté de près de 52,2% sur un an au deuxième trimestre 2025 tandis que celles aux propriétaires occupants augmentaient de +2,1%. Au premier semestre, ces achats en investissement locatif représentaient 4874 logements, soit 81% de moins que la moyenne semestrielle observée pendant les dix années du Pinel (25.540). Quant à la part de ces réservations dans le total des ventes, elle est passée de 46,5% en moyenne pendant le Pinel à 18,5% au premier semestre 2025, un segment qui va donc compromettre fortement la dynamique de reprise du marché du neuf. Le marché de la maison individuelle est, quant à lui, plus prometteur. Portées par le nouveau dispositif du PTZ, par des besoins en logement prégnants mais aussi par des taux d’intérêt encore en recul au premier semestre (-25 points de base depuis décembre 2024*), les ventes de maisons des constructeurs sont restées vigoureuses cet été. Selon Markemétron, elles ont grimpé de +37,5% sur un an en juillet, portant l’évolution sur les trois derniers mois à +41,9%. Là encore, ces fortes progressions constituent un signal encourageant mais elles s’appuient sur les bases d’un marché exsangue : avec 61.800 ventes de maisons en cumul sur douze mois à fin juillet, la progression de +25,5% laisse encore le marché 48% en dessous de son niveau moyen sur vingt ans (soit 120.000 ventes annuelles environ). Il n’empêche, la sortie de crise de ce secteur est en marche et devrait se prolonger dans les prochains mois… si toutefois la confiance des ménages continue de porter leurs projets d’investissement. Le flou institutionnel et budgétaire en ce début d’automne et les incertitudes de politique économique ne plaident pas forcément dans ce sens. En août, la dernière enquête de l’INSEE menée auprès des ménages traduisait un net redressement de leurs intentions d’achat de logement, un indicateur encourageant à surveiller, à l’instar des taux d’intérêt à l’habitat qui ont cessé de reculer depuis avril pour se stabiliser à 3,08% en août*.
Travaux publics : freinage confirmé
Après deux années de croissance, le secteur des TP s’engage depuis l’été sur une décélération de son activité. D’après l’enquête menée par la FNTP en juillet, les travaux réalisés ont encore progressé par rapport à juin (+1,9% en volume, données CVS-CJO) mais ils sont (pour le deuxième mois consécutif) en retrait, de 3,2% sur un an et de -1,2% sur les trois derniers mois glissants. La baisse des marchés conclus, en phase avec l’approche des élections municipales, se confirme (- 8% sur un an, de janvier à juillet, en volume). La résilience de l’activité au premier semestre devrait ainsi se solder par un freinage graduel attendu au second semestre. L’accélération des travaux qui aurait pu être espérée en cette toute fin de cycle électoral n’aura donc pas lieu, la prudence budgétaire ayant eu raison des derniers arbitrages des collectivités locales en matière d’investissement.
*Source : Observatoire du Crédit Logement – prêts à taux fixe du secteur concurrentiel
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