Pour mieux accueillir le public à l'Assemblée, un chantier déjà contesté

Le futur bâtiment, prévu pour ouvrir en 2028 au terme d'un chantier plus vaste à environ 53 millions d'euros, remplacera l'actuel pavillon, exigu et mal adapté à l'afflux de visiteurs.

"Toute personne qui est venue un jour à l'Assemblée nationale sait que nous accueillons le public dans des conditions déplorables", a regretté jeudi lors d'une conférence de presse la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet.

Elle qui a fait de la politique d'ouverture de l'Assemblée une priorité, avec désormais environ 200.000 visiteurs par an, pointe notamment des "groupes qui attendent dans la rue" ou l'absence de lieux pour déjeuner pour les groupes scolaires.

En 2023, elle lance ainsi un concours d'architecture, avec un jury composé de fonctionnaires de l'Assemblée en charge du patrimoine, d'architectes extérieurs, et d'anciens présidents de l'institution.

Le projet gagnant est approuvé à l'unanimité en septembre 2024 par le bureau de l'Assemblée, sa plus haute instance exécutive.

Mais la diffusion d'un visuel montrant la future façade en verre, accolée aux célèbres marches du bâtiment historique, déclenche la réaction outrée de plusieurs élus du Rassemblement national fin juin.

"C'est ignoble, moche, de mauvais goût", tacle le député RN Matthias Renault. "Ras-le-bol des gabegies d'argent public qui défigurent notre patrimoine", embraye son collègue Jean-Philippe Tanguy.

Une pétition demandant l'annulation du projet a même été lancée par une association, Sites & Monuments.

Enfourchant l'argument budgétaire, le vice-président du RN Sébastien Chenu a demandé samedi dans une interview au JDD un moratoire "sur les 30 à 50 millions prévus pour réaménager l'accueil des visiteurs" de l'Assemblée, au nom de l'exemplarité de l'institution en matière de dépenses publiques.

4.000 m2

Ces critiques laissent l'architecte du projet, Alain Moatti, de marbre.

Celles-ci se résument à "des généralités", des "avis à brûle-pourpoint, mais sans personne qui connaît vraiment le projet", dit-il à l'AFP. "Je suppose que dans les critiques il y a beaucoup de gens qui sont contre" Yaël Braun-Pivet, avance-t-il.

Le nouveau pavillon aura les mêmes dimensions que l'actuel (10 mètres de haut), construit au XIXe siècle et au "faible intérêt patrimonial", selon l'agence Moatti-Rivière. Lauréate du concours, elle a notamment réaménagé le premier étage de la Tour Eiffel.

Le pavillon de la discorde accueillera à l'avenir la boutique de l'Assemblée et une cafétéria d'une cinquantaine de places à l'étage.

Sa façade, orientée vers la Seine, sera faite de quatre cylindres en verre, en écho à la colonnade du Palais Bourbon, et symbolisant les quatre valeurs de la République : laïque, indivisible, sociale et démocratique.

Le projet a été présenté à l'Architecte des bâtiments de France, et "respecte absolument" la réglementation s'appliquant aux secteurs sauvegardés tels que celui-ci, selon M. Moatti.

Mais surtout, "le pavillon c'est un cinquième du projet, le vrai projet est en sous-sol", souligne l'architecte.

Deux niveaux seront creusés en dessous de l'actuelle cour, pour totaliser environ 4.000 m2 d'espace, avec une verrière servant de puits de lumière, des vestiaires, ou encore un auditorium. La capacité d'accueil sera ainsi doublée.

Un parcours éducatif, dont la scénographie est réalisée par la même agence, y est également prévu, "immersif et innovant", selon l'Assemblée.

"Un peu voyant"

"J'entends que le choix architectural ne convient pas à certains", mais il a été fait "dans des conditions très transparentes", a défendu Mme Braun-Pivet. Bien que trouvant le projet "particulièrement réussi", elle a rappelé n'avoir pas fait partie du jury.

L'ancien président de l'Assemblée nationale de 2007 à 2012, Bernard Accoyer, a lui participé aux délibérations. Le projet retenu n'était pas son favori. Il le juge "un peu voyant", "pas assez discret par rapport à la façade historique", a-t-il dit à l'AFP.

Mais "je respecte parfaitement la décision du jury, qui a été acquise à une large majorité", a-t-il ajouté.

Pour lui, un seul impératif désormais: ne transiger sur aucun "dépassement de budget" pour les travaux. Financés par les réserves de l'Assemblée, ils devraient pouvoir commencer début 2026, selon M. Moatti.