Loin des tumultes commerciaux, le secteur bénéficie du cycle d’assouplissement monétaire engagé en Europe depuis plusieurs mois. Le mouvement de désinflation (y compris des prix immobiliers), conjugué à la baisse des taux d’intérêt et l’entrée en vigueur au 1er avril des mesures de soutien de la Loi de Finances 2025 (nouveau PTZ élargi, défiscalisation donations…) permettent de restaurer la solvabilité des ménages et de ranimer le marché du neuf. Le chemin qui mène du réveil des ventes à celui de la construction est certes encore long mais l’amorce d’une sortie de léthargie est déjà perceptible du côté des permis, des mises en chantier mais aussi des matériaux dont les rythmes de repli se sont sensiblement modérés depuis quelques mois. Pour le moment, le secteur des travaux publics permet encore d’alimenter le mouvement mais son soutien devrait se modérer ces prochains mois, la fin du cycle électoral approchant et les contraintes budgétaires des collectivités se faisant plus prégnantes…
Chiffres clés
Au premier trimestre 2025, l'activité des granulats enregistre une hausse de + 3,2% sur un an tandis que celle du BPE recule encore de – 2,2%.
Mars prolonge la tendance
Les premières tendances pour le mois de mars semblent confirmer la poursuite du redressement graduel des matériaux. Ainsi, l’activité des granulats a augmenté de +2,4% par rapport au mois de février et de +9,3% comparé au mois de mars de 2024 (données CVS-CJO). Au premier trimestre 2025, la production de granulats affiche une progression de +3,2% au regard du trimestre précédent et de +4,4% sur un an. En cumul sur douze mois glissants, l’activité demeure cependant en recul de -1,3%. Du côté du BPE, l’inflexion de tendance est beaucoup plus récente et encore hésitante mais elle se dessine toutefois depuis quelques mois. En mars, les volumes livrés ont encore cédé -2,2% par rapport au mois précédent et s’inscrivent encore -3,8% en dessous de ceux de l’an passé (données CVS-CJO). Sur le premier trimestre, la production de BPE fléchit à nouveau, de -2,2% au regard du quatrième trimestre 2024 et -4% comparé au même trimestre un an plus tôt. L’activité continue donc de reculer mais à un rythme plus modéré ; en cumul sur douze mois glissants, elle affiche toutefois encore une contraction de -8,7% à fin mars, contre -11,2% à fin décembre 2024. Notre indicateur matériaux, disponible pour le mois de février (81,3), décrit lui aussi une tendance globalement comparable. En dépit d’un indice encore baissier par rapport à janvier (-0,9%) et à février 2024 (-6,3%, données CVS-CJO), le repli sur douze mois glissants à fin février s’atténue, affichant -5% contre -10,5% un an plus tôt. En cumul sur les deux premiers mois, l’indice en volume recule de -1,8% sur un an mais quelques matériaux, dont certains avaient accusé de fortes chutes d’activité, se stabilisent (tuiles et briques), voire renouent avec des évolutions positives (granulats, produits en béton). Le soutien des TP pour les produits de la préfabrication et le réveil des mises en chantier de maisons individuelles pour les tuiles et briques, contribuent sans doute à ce frémissement.
Logement neuf : des signaux positifs...
Le climat conjoncturel dans l’industrie du bâtiment apparaît contrasté. S’il continue globalement de se s’assombrir en avril, c’est notamment en raison d’une dégradation de l’activité dans le segment de l’entretien-amélioration. Du côté de la construction en effet, les soldes d’opinion sur l’activité prévue continuent de se redresser même s’ils demeurent en dessous de leur moyenne de long terme, notamment s’agissant des logements. Les carnets de commandes dans le gros œuvre évoluent peu (8,7 mois en moyenne depuis janvier) et le jugement que portent les chefs d’entreprise sur le niveau de ces carnets, bien qu’en légère amélioration, reste bien inférieur à la moyenne de longue période. Le climat conjoncturel de la promotion immobilière, quant à lui, bien qu’il reste dégradé, s’améliore sensiblement.

La dernière enquête trimestrielle de l’INSEE menée en avril montre en effet que l’opinion des promoteurs sur la demande de logements qui leur est adressée poursuit son redressement. Ce mouvement, amorcé depuis un an, se constate aussi sur les perspectives de mises en chantier de logements, en nette hausse ce trimestre. La proportion des promoteurs désirant mettre à l’étude de nouveaux programmes rebondit en avril, s’éloignant enfin des niveaux historiquement bas qu’elle avait atteints ces derniers trimestres. L’enquête indique également que les promoteurs s’attendent à une nette amélioration des moyens de financement de leur clientèle et qu’ils sont bien plus optimistes sur l’évolution de l’apport personnel des candidats à l’acquisition, le solde d’opinion repassant au-dessus de sa moyenne de longue période pour la première fois depuis un an. L’entrée en vigueur du nouveau PTZ élargi et la poursuite du recul des taux d’intérêt contribuent sans aucun doute à l’amélioration de ces perspectives. Ce regain d’optimisme est d’ailleurs partagé par les constructeurs de maisons individuelles dont le marché, en mars, fait toujours preuve d’une grande vitalité. Selon le dernier bulletin de Markemétron, les ventes des CMistes ont ainsi rebondi de +37,7% sur un an, laissant le premier trimestre sur une progression de +27,8%, un rythme de croissance comparable aux meilleures années. Avec 54.000 ventes à fin mars sur douze mois, l’activité renoue enfin avec la hausse (+3,3% sur un an). Mais même avec une progression de 15% des ventes attendue par la profession en 2025 (soit environ 60.000 unités), l’activité serait inférieure de moitié au niveau annuel moyen de ces quinze dernières années (120.000 unités) ! La profession confirme toutefois une demande importante de maisons individuelles, notamment dans les zones rurales et les petites agglomérations même si le climat d’incertitude actuel (situation géopolitique, ralentissement de la croissance…) peut freiner les velléités d’investissement de certains ménages. Un constat partagé par l’Observatoire CSA/ Crédit Logement qui souligne par ailleurs que la prudence reste aussi de mise chez les banques qui appliquent des critères d’octroi de prêts stricts et conformes aux recommandations du HCSF : pour preuve, l’utilisation modérée par les banques de la marge de flexibilité qui leur est accordée pour déroger à ces critères. Fixée par le HCSF à 20% de la production de nouveaux crédits immobiliers accordés, cette marge n’était utilisée qu’à hauteur de 16,2% au premier trimestre. Pour autant, la production de prêt à l’habitat (marché du neuf) reste sur une dynamique très positive (+52,5% sur un an pour les trois mois de février-avril et +71,9% pour le nombre de prêts accordés) et les taux d’intérêt continuent de baisser (3,07% en avril contre 3,31% en décembre 2024 pour le taux moyen habitat). Dans ce contexte, la construction de logements poursuit son lent redressement : les mises en chantier gagnent +7,8% sur un an au premier trimestre 2025, laissant le cumul sur douze mois en hausse de 1,1% (à 291.600 unités). Les permis, quant à eux, affichent une augmentation de +4,9% sur un an au premier trimestre, ce réveil des autorisations concernant le segment de l’individuel comme celui du collectif. En cumul sur douze mois, le nombre de permis demeure toutefois en retrait de -8%.
TP : situation stable
D’après l’enquête trimestrielle menée en avril par la FNTP, l’activité du secteur pourrait légèrement s’améliorer au cours des prochains mois, notamment parmi la clientèle privée pour laquelle le solde d’opinion sur l’activité prévue dépasse sa moyenne de long terme, tandis que, pour la clientèle publique, le solde se stabilise en dessous. Les professionnels jugent cependant leurs carnets un peu moins garnis qu’en janvier, notamment pour la commande publique. Au premier trimestre, les travaux réalisés affichaient une hausse de +1,6% en volume (CVS-CJO), les marchés conclus se stabilisant à leur niveau d’il y a un an. La part des entreprises de TP confrontées à une insuffisance de personnel ayant augmenté depuis janvier (36% contre 28%), leurs perspectives d’emploi s’améliorent pour le prochains mois. Mais c’est le manque de demande qui reste le premier obstacle à la production du secteur des TP (pour 44% des entreprises interrogées contre 42% en janvier), un ratio qui confirme l’approche d’un ralentissement de l’activité…
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