Mais les équilibres restent très fragiles : les débats parlementaires devront aboutir au vote d’une Loi de finances, l’urgence du redressement des comptes de l’Etat étant plus que jamais indispensable pour regagner la confiance des agents économiques (ménages, entreprises, investisseurs). Dans le secteur immobilier, les prémices d’une sortie de crise ont cédé la place à plus d’attentisme au cours du premier semestre même si le réveil des permis et des mises en chantier de logements s’est accéléré ces derniers mois. Du côté des travaux publics, les élections municipales qui se profilent (mars 2026) sonnent la fin du cycle de croissance des dépenses d’investissement. De sorte que la dynamique des chantiers se tarit au fil des mois. Dans le sillage de ces évolutions, la demande de matériaux peine à se raffermir : à la fin de l’été, l’activité des granulats se stabilise tout juste en cumul sur douze mois tandis que celle du BPE reste en repli sensible.
Chiffres clés
À fin août, en cumul sur douze mois glissants, l'activité affiche + 0,1% pour les granulats et - 5,5% pour le BPE.
Après juillet, août mieux orienté
Selon les données provisoires du mois d’août, l’activité des matériaux se serait de nouveau redressée, pour le deuxième mois consécutif. Ainsi, la production de granulats aurait gagné +1,2% par rapport à juillet, se situant encore -1,6% en dessous de son niveau d’août 2024 (données CVS-CJO). Ce dernier trimestre (de juin à août), l’activité cède encore 1,4% sur le trimestre précédent et -2,3% par rapport au même trimestre d’il y a un an. En cumul sur huit mois, tout comme sur les douze derniers mois glissants, la demande de granulats est désormais stable (+0,1%). Du côté du BPE, après une hausse de 2,7% entre juin et juillet, les livraisons progresseraient de 3,6% en août (données CVS-CJO), les volumes livrés se situant encore 3,2% en dessous de ceux d’août 2024. Sur les trois mois de juin à août, la production est quasiment stable par rapport aux trois mois précédents (-0,5%) mais reste 5,1% en deçà de son niveau trimestriel de 2024. En cumul sur huit mois, l’activité BPE recule de 3,9% sur un an tandis que le cumul sur douze mois glissants revient à -5,5%.
Les autres matériaux poursuivent aussi un redressement laborieux de leur activité. En juillet, l’index Matériaux (81,7) est quasi-stable par rapport à juin (+0,2%) et affiche un repli de 3,7% sur un an. Il recule encore ces trois derniers mois (-1,3% comparé aux trois mois précédents et -2,3% sur un an, données CVSCJO). L’activité en volume du panier de matériaux cède encore 1,7% sur les sept premiers mois de 2025 et 2,1% sur douze mois, les situations étant contrastées d’un matériau à l’autre.
Des chantiers en hausse dans le logement mais plus dans les TP
À l’occasion du changement de méthode d’estimation (à présent basée sur un modèle d’apprentissage), le service des données et études statistiques (SDES) du ministère a livré ses nouvelles données de mises en chantier de logements fin septembre. Ces dernières font état d’un nombre de logements commencés sensiblement plus bas qu’initialement communiqué (environ 35.000 de moins sur 2023 et 2024). En cumul sur douze mois, à fin août, on recensait ainsi 272.785 mises en chantier (soit +3,3% sur un an), avec une dynamique plus vigoureuse ces trois derniers mois : en effet, de juin à août, le nombre de logements commencés a bondi de 22,5% sur un an et de +23,4% par rapport aux trois mois précédents (données CVS-CJO). Ce mouvement est surtout porté par le segment individuel dont la variation trimestrielle affiche une progression de 33,2% sur un an et 24,5% comparée aux trois mois précédents. Le collectif n’est pas en reste avec des hausses de mises en chantier respectives de +16,6% et de +22,8%. Cette tendance haussière des logements commencés, plus modérée si on la comptabilise en surfaces plutôt qu’en unités (+0,3% comparé à +3,3%), peut trancher avec l’activité BPE dont les volumes restent baissiers.

Toutefois, l’analyse des évolutions passées suggère que les productions de matériaux répondent avec délai à ces inflexions, entre 6 à 12 mois selon les cycles. L’autre point positif à souligner concerne les autorisations, dont les statistiques traduisent toujours une tendance vigoureuse : à fin août, les permis logements cumulés sur douze mois augmentaient de 7,1% sur un an (+5,6% en m²), le rythme des derniers mois, même s’il tend à se modérer, restant très élevé (+29% au dernier trimestre comparé aux trois mêmes mois de 2024 et +5,8% au regard du trimestre précédent). Le collectif tout comme l’individuel participent à ces progressions, l’élan du premier segment se modérant un peu (+4,9% ce trimestre, comparé au précédent) tandis que l’individuel se maintient autour de +7,5%. Le dernier bulletin Markemétron confirme la bonne tenue du marché de la maison individuelle avec des ventes des constructeurs qui, sur douze mois à fin août, affichent une croissance de +28%, soit 62 600 unités, un chiffre encourageant mais qui laisse encore le niveau très éloigné de sa moyenne de longue période. Pour autant, la vigueur du redressement se confirme ces trois derniers mois avec une hausse de +42,3% sur un an. Plusieurs facteurs favorables portent ce mouvement : la baisse des taux, puis leur stabilisation depuis six mois (autour de 3,07% entre avril et août après le point haut de 4,2% en décembre 2023*), conjuguée à une politique d’offre de crédits bancaires volontariste et surtout l’amélioration et l’extension du dispositif du PTZ ont permis de resolvabiliser la demande des ménages, notamment les primo-accédants. Du côté du collectif, les fondamentaux de la demande sont plus fragiles. Selon la FPI, les derniers chiffres des ventes traduisent un découplage du marché entre des propriétaires occupants qui renouent peu à peu avec les achats (+10,8% au premier semestre 2025 en glissement annuel) et les particuliers investisseurs qui désertent les réservations (-48,5%). La fin du dispositif Pinel explique cette forte contraction tandis que, du côté des bailleurs sociaux, la faiblesse des ventes en bloc vient rajouter à la crise du logement locatif social. Au total, les réservations nettes de logements au détail se contractent encore de -8,7% sur un an au premier semestre 2025, le poids des particuliers investisseurs dans le total des ventes des promoteurs ne représentant plus que 18,5% fin juin (soit 4.874 logements au 1er semestre 2025) contre 42% en moyenne sur la durée des 10 années du dispositif Pinel (pour 51.000 ventes en moyenne par an). La chute de l’investissement locatif, en l’absence d’un nouveau dispositif incitatif, va donc peser structurellement sur la demande de logements, ce d’autant que la dynamique constructive du collectif devrait subir le contrecoup du soutien transitoire du Plan de relance de CDC Habitat Action Logement. C’est pourquoi les acteurs du bâtiment plaident pour la mise en place du statut de bailleur privé (initialement inscrit dans le PLF 2026 de Bayrou) pour répondre à la crise du logement locatif et ainsi consolider le redressement constructif du secteur résidentiel dans son ensemble.
Côté TP, alors que l’activité s’était bien maintenue en début d’année (+2% en volume, en cumul à fin mai), elle s’est érodée au cours de l’été pour atteindre 0% à fin août. En l’absence de changement de tendance, la FNTP s’attend ainsi pour 2025 à une stabilisation des travaux réalisés en valeur (soit -1% en volume). Il ne s’agirait donc pas d’une pause estivale mais bien de l’amorce d’une décélération à l’approche des municipales, les mesures d’ajustement budgétaire, passées et à venir, ayant bridé les projets d’investissement de cette fin de cycle. Dans un contexte en manque de lisibilité, la FNTP s’attend à un repli de l’activité travaux de 3% pour 2026, la légère croissance attendue du côté du secteur privé et des grands opérateurs ne permettant de compenser le recul plus marqué des investissements publics.
Perspectives matériaux
Dans ce contexte, si les perspectives d’activité restent inchangées pour 2025 (environ -5% pour le BPE et -1% pour les granulats, en volume), elles sont encore très incertaines pour 2026 compte tenu des incertitudes politiques et budgétaires. Côté BPE, une stabilisation est tout au moins attendue (+0%) tandis que la demande de granulats serait encore en léger repli (-2%) en raison d’une demande TP moins bien orientée.
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