La montée des tensions tarifaires mondiales, couplées aux annonces d’un plan de réarmement de l’Europe, ont ravivé les incertitudes des marchés financiers (faisant grimper les taux longs), mais aussi celles des banques (un peu moins enclines à répercuter la baisse des taux courts et à prêter) et des ménages (moins confiants dans l’avenir et plus frileux à investir dans un logement). En dépit de ce contexte moins favorable, la remontée des indicateurs de la filière se poursuit toutefois, y compris dans les matériaux de construction… mais avec moins de vigueur. Si les conditions d’une poursuite de ce mouvement restent pour l’heure globalement réunies (taux d’intérêt assagis, mesures de soutien pour la primo-accession, importants besoins en logements…), la vigilance et la prudence restent de mise au second semestre face aux répercussions économiques de facteurs d’instabilité plus nombreux : tensions douanières, risques géopolitiques (conflit au Moyen-Orient avec l’embrasement israélo-iranien) ou encore nouvelles menaces de censure du gouvernement à la rentrée, avec le vote du budget 2026.
Chiffres clés
De janvier à avril, l'activité des granulats enregistre une hausse de +2% sur un an tandis que celle du BPE recule encore de -4,4%.
Avril marque le pas
Après un mois de mars plutôt encourageant, les premières estimations sur le mois d’avril sont plus mitigées. Ainsi, du côté des granulats, l’activité se replie de -5,2% au regard du mois de mars et de -3,2% comparée à avril 2024 (données CVS-CJO). Sur les trois derniers mois (de février à avril), la production de granulats affiche une légère baisse de -1,4% par rapport aux trois mois précédents mais reste toutefois en hausse en comparaison de la même période d’il y a un an (+0,6%). Le redressement de l’activité granulats se poursuit toutefois puisque, en cumul sur les quatre premiers mois de l’année, elle s’inscrit en hausse de +1,5% sur un an, tandis que le cumul glissant sur douze mois revient désormais à -1,4% à fin avril (contre -4,1% à fin décembre 2024). Du côté du BPE, l’inflexion de tendance est plus tardive et plus graduelle. En avril, les livraisons ont également reculé, de -1,4% par rapport à mars et de -6,5% au regard d’avril 2024 (données CVSCJO). Au cours des trois derniers mois connus (février à avril), l’activité BPE a encore cédé -3,2% par rapport aux trois mois précédents et -5,3% comparé au même trimestre d’il y a un an. La production de BPE continue donc de fléchir, certes à un rythme plus modéré, mais le point bas de l’activité n’est toujours pas atteint ! De janvier à avril, les cubages cumulés affichent encore une contraction de -4,4% sur un an tandis que, sur douze mois glissants, le repli revient à -8,3% (contre -11,2% à fin décembre 2024).
L'indicateur matériaux de l'UNICEM témoigne d’une relative bonne tenue de l’activité de la filière minérale en mars : à 82,9, l’index a progressé de +1,8% par rapport à février et de +1,1% sur un an (données CVS-CJO). Toutefois, au premier trimestre, l’activité en volume a de nouveau reculé au regard du trimestre précédent (-3,6%), confirmant le tassement de la dynamique de fin 2024, même si, sur un an, le repli continue de se modérer (-1%). Certains matériaux, comme les granulats, les tuiles et briques et le produits en béton renouent même ce trimestre avec des évolutions légèrement positives. En cumul sur douze mois glissants, la baisse de l’activité matériaux revient à -4,1% à fin mars (contre -6,8% à fin décembre).
Logement neuf : vents contraires...
Les signaux conjoncturels apparaissent contrastés du côté du logement. Certains sont plutôt encourageants, tandis que d’autres invitent à plus de prudence. Ainsi, la dernière enquête menée par l’INSEE auprès des professionnels du bâtiment montre que le climat des affaires s’éclaircit nettement en mai, l’indicateur synthétique repassant au-dessus de sa moyenne de longue période, et ce, en partie grâce au rebond de l’activité prévue dans le logement et le gros œuvre. De même, malgré des carnets de commandes qui évoluent peu (oscillant entre 8,5 et 8,9 mois depuis un an), le jugement porté sur leur niveau continue de se redresser bien qu’il soit encore en dessous de sa moyenne de long terme. De façon assez logique, l’opinion des entrepreneurs sur l’emploi futur est de fait mieux orientée. Côté construction, les mises en chantier de logements progressent de +5,2% sur un an au cours des trois derniers mois (février à avril) laissant le cumul sur douze mois en hausse de +2,2%, à 291.000 unités, les segments de l’individuel groupé et du collectif étant les plus vigoureux. Quant aux locaux d’activité, leur tendance reste plombée à la baisse, avec un repli de -10,1% sur les trois derniers mois et de -8% sur douze mois (avec 19,9 millions de m²), une tendance assez peu cohérente avec le niveau et l’évolution passée des autorisations. Ces dernières continuent d’ailleurs d’augmenter, de +3,3% sur un an au cours des trois derniers mois et de +2,3% en cumul sur douze mois, portées par les permis des segments du commerce, de l’agriculture, l’industrie ou encore des entrepôts.

La dynamique des autorisations reste également bien enclenchée du côté du logement avec un rebond des dépôts de permis de +15,9% sur les trois derniers mois, tous les segments affichant des hausses, y compris dans l’individuel pur (+6,6%). En cumul sur douze mois glissants, la tendance globale demeure certes négative (-4,9% pour 341.800 autorisations) mais certains segments comme l’individuel groupé ou les logements en résidence, renouent avec des variations positives (+2,6% et +9,9% respectivement). Ces constats font écho aux récentes évolutions du marché immobilier, notamment celui de la maison individuelle, qui retrouve quelques couleurs après deux années noires. Ainsi, en avril, les ventes ont fait preuve d’une rare vigueur si l’on en croît la dernière publication de Markemétron. Après un mois de mars déjà très dynamique, le marché a rebondi de +44,7% sur un an en avril, portant la progression des trois derniers mois sur un rythme de +33,1% et le niveau annuel glissant sur une tendance de +9,5% (56.000 ventes). Dans ce contexte, les ventes de l’année 2025 pourraient désormais avoisiner 65.000 unités, un niveau certes bien supérieur à celui de 2023 (58.500) mais qui reste inférieur de près de moitié à l’activité moyenne de longue période (120.000 ventes).
La bonne tenue du marché de l’individuel ne se dément pas non plus du côté des promoteurs. En effet, alors que les réservations de logements neufs restent à la peine au premier trimestre, reculant de -7,9% par rapport au quatrième trimestre (données CVS-CJO) et de -3,3% sur un an, celles concernant les maisons progressent de +9,4% sur le trimestre (+11,5% sur un an). Le marché des appartements peine encore à se redresser mais l’offre des promoteurs se ranime doucement, avec des mises en ventes en hausse de +4,7% ce trimestre (+2,9% sur un an), ce qui suggère que les promoteurs anticipent un raffermissement de la demande après plusieurs années de profonde léthargie. Portée depuis plus d’un an par le repli des taux d’intérêt et une offre bancaire plus agressive, la demande en logements pourrait désormais être confrontée à de nouveaux défis. Inquiétés par une situation économique et budgétaire plus fragile, les ménages se montrent en effet plus frileux à investir même si le nouveau PTZ améliore leur solvabilité. Dans le même temps, la montée des incertitudes géopolitiques a mis fin à la baisse des taux de prêt à l’habitat, ces derniers ayant commencé à « remonter » en mai (+3 pt de base à 3,11%) dans un contexte de prix de l’immobilier neuf toujours tendus. Des situations à surveiller de près dans les mois à venir…
TP : le freinage à venir
Alors que les prochaines élections municipales se profilent dans moins d’un an, l’activité des travaux publics poursuit sa trajectoire positive sans toutefois marquer d’accélération, comme cela aurait pu être le cas à ce stade du cycle électoral.
électoral. Selon la FNTP, le volume des travaux réalisés en avril, bien que stable par rapport à mars (+0,3%) a progressé de +5% sur un an, laissant le cumul depuis janvier sur une croissance de +2,5% en glissement annuel (données CVS-CJO). Cependant la dynamique des prises de commandes s’essouffle (-8,1% sur un an pour les quatre premiers mois de l’année) laissant se profiler à terme un freinage de l’activité, qui pourrait intervenir fin 2025 début 2026, dans un climat de consolidation budgétaire renforcée par une croissance économique ralentie.
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