Chaque semaine, missiles et drones russes s'abattent sur le réseau énergétique ukrainien, provoquant des coupures de courant quotidiennes qui affectent la quasi-totalité de la population.
"Leur niveau de cynisme est tel que nous devons nous préparer à tout, même à des extrêmes. Pourquoi des bébés doivent-ils souffrir au moment où ils viennent au monde ?", dénonce le directeur de la maternité.
Les infrastructures énergétiques ont subi de tels dégâts qu'une remise en état dans des délais acceptables est impossible. Et si l'énergie manque en été, tous ont déjà en tête l'hiver à venir.
Jeudi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a donc ordonné l'installation de panneaux solaires dans tous les hôpitaux et écoles "le plus vite possible".
"Nous faisons tout pour faire échouer les tentatives russes de chantage énergétique et au chauffage", a-t-il martelé.
M. Guitchka n'avait pas attendu la directive présentielle. Son hôpital vient d'avoir ces équipements, mais avait lancé la procédure pour les obtenir fin 2022, lorsque la Russie avait mené une première campagne de bombardements des installations énergétiques, plongeant des millions de civils dans le noir et le froid en plein hiver.
Nervosité
En tant qu'infrastructure critique, la maternité n'est pas concernée par les coupures de courant organisées, mais elle a besoin de générateurs et de panneaux pour faire face aux imprévus et s'assurer que les couveuses continueront de fonctionner quoiqu'il arrive.
"Notre tâche est simplement de nous assurer que (les patients) ne manqueront de rien", explique le directeur, toujours sur le toit de son établissement.
Quelques étages plus bas, Alina et Pavlo Kondratiouk regardent Maksym, leur fils né une heure plus tôt en pleine alerte aérienne, au son des sirènes que la maman a à peine remarquées.
"J'avais mes propres alarmes ici", dit-elle, au sujet de son accouchement, un sourire fatigué aux lèvres et le bébé dans les bras.
Pavlo raconte lui sa "nervosité" à l'idée que l'hôpital puisse se retrouver plongé dans le noir. Mais l'équipe médicale l'a rapidement rassuré en lui disant que l'établissement restera alimenté.
"Alors on ne s'est plus inquiété", dit-il à l'AFP.
Les installateurs de panneaux solaires constatent aussi un boom des commandes de particuliers, les Ukrainiens ayant commencé à s'équiper "à la seconde où les coupures de courant ont commencé", raconte le directeur des ventes de la société Solar Tech, Iouri Skoblikov.
"Nos téléphones sonnaient comme des fous, et nos bureaux étaient remplis de clients", raconte-il, assurant avoir déjà une liste d'attente de commandes à traiter jusqu'en août.
Anastasia Kyslinska, directrice de l'école Spilno de Kiev, a installé des panneaux solaires dans son établissement en novembre 2022, et cet hiver-là "ils ont rempli leur rôle dans les moments les plus difficiles".
Non seulement, lumières et ordinateurs fonctionnaient dans l'école, mais la génération de courant était suffisante pour aider le voisinage.
"C'est faisable"
"Les gens venaient des immeubles voisins, des parents d'élèves aussi, pour charger leurs lampes de poche, leurs batteries car nous avions ces panneaux solaires", raconte-elle.
De facto, les bombardements russes ont amené l'Ukraine à se tourner vers des énergies renouvelables, qui avant la guerre ne représentaient que 11% de la production énergétique, le pays comptant avant tout sur le charbon, le gaz et le nucléaire.
"Au niveau local, les gens les utilisent, et peut-être que cette pression depuis la base va avoir un impact sur nos dirigeants et sur notre système énergétique tout entier", espère Dmytro Bondarenko, chercheur à l'Institut de l'énergie renouvelable de Kiev.
Des premières mesures arrivent. Le président Volodymr Zelensky a ordonné cette semaine de mettre en place des incitations fiscales et des prêts pour les Ukrainiens voulant installer des systèmes économisant l'énergie.
Mais pour l'expert, M. Bondarenko, il faut que l'Ukraine parvienne à transformer son infrastructure existante pour augmenter considérablement la part du renouvelable dans son mix.
"Nous pouvons changer de mode de vie, de technologies et nos activités pour nous adapter à cet approvisionnement énergétique instable. Il y a des difficultés, mais c'est faisable", estime-t-il.