Il conditionne certes le cadrage des finances publiques et la mise en place des mesures de soutien, dont certaines sont cruciales pour le secteur du logement et du bâtiment ; mais il constitue aussi un enjeu de crédibilité institutionnelle, scrutée par les marchés financiers sur le plan international. Pendant ce temps, le secteur de la construction, ébranlé par la crise immobilière, peine à se redresser même si certains indicateurs tendent à confirmer que le plus dur est passé. Les conditions d’un redémarrage se mettent doucement en place (repli des taux d’intérêt, appétit d’investissement des ménages, volontarisme bancaire, modération des prix…) mais le terrain reste fragile et seules des mesures de soutien pourraient consolider les bases d’un redressement. Côté matériaux, l’activité reste nettement baissière en dépit d’une inflexion des tendances plutôt encourageante.
Un mois de novembre en redressement
Selon les données encore provisoires pour le mois de novembre, l’activité des matériaux aurait légèrement progressé par rapport à octobre, après le redressement déjà observé en septembre. Ainsi, côté granulats, la production enregistrerait une hausse de +4,5% sur un mois et de +7,1% par rapport à il y an un an, le mois de novembre 2023 ayant été, pour mémoire, particulièrement mal orienté, l’effet de base amplifiant l’évolution (données CVS-CJO). Sur les trois derniers mois connus, l’activité des granulats se stabilise ainsi au regard du trimestre précédent (-0,3%) mais aussi en comparaison de l’an passé (-0,1%). En cumul sur les onze mois de 2024, la production de granulats afficherait un repli de -4,5% sur un an, soit quasiment le même rythme que l’évolution en cumul glissant sur douze mois (-4,6%). S’agissant du BPE, les livraisons de novembre se sont également raffermies par rapport à octobre (+1,9%) mais restent encore inférieures de -3,6% à celles de novembre 2023 (données CVS-CJO).
Au cours du dernier trimestre allant de septembre à novembre, la production de BPE a encore cédé -2,9% par rapport aux trois mois précédents, se situant -8,5% en dessous des niveaux d’il y a un an. Quant à l’activité cumulée sur les onze mois de 2024, elle s’inscrit en repli de -11,8% sur un an.
L'indicateur matériaux de l'UNICEM tend à confirmer la modération des rythmes de recul de l’activité. Avec un indice à 84,9 pour le mois d’octobre, il progresse de +1,5% par rapport à septembre mais demeure en retrait de -1,9% sur un an (données CVS-CJO). Sur les trois mois d’août à octobre, l’indicateur se redresse de près de 2% au regard des trois mois précédents mais perd encore -3% comparé à l’an passé. En cumul sur dix mois, il décrit une activité en repli de -7,4% sur un an, soit un rythme en nette modération par rapport au début d’année (-15,5%).
Bâtiment : quelques signaux dans l'épais brouillard
Interrogés par l’INSEE en décembre, les professionnels du bâtiment font grise mine et le climat des affaires continue de s’assombrir. Leur opinion sur l’activité passée et prévue continue de se détériorer se situant désormais bien en-deçà de leur moyenne de long terme. Dans le gros œuvre, le jugement des professionnels sur leurs carnets est particulièrement dégradé tandis que le volume des commandes en mois oscille autour de 8,6 mois depuis cet été, un niveau qui reste relativement élève au regard de la moyenne de long terme (6,5 mois). Mais c’est dans le secteur du logement neuf que les entreprises se montrent les plus inquiètes quant à leur activité future, le solde d’opinion se situant à ses plus bas niveaux depuis 2015 (hormis l’épisode COVID). Il est vrai que les derniers chiffres du ministère sur la construction traduisent une situation inquiétante : de septembre à novembre, les mises en chantier de logements reculaient encore de -8,6% par rapport au trimestre précédent (données CVSCJO) laissant le glissement sur un an à -9,6%. En cumul sur douze mois, à fin novembre, on recensait 258.500 logements commencés soit 16,2% de moins que douze mois plus tôt.
Quant au secteur non résidentiel, le constat n’est pas meilleur. Le nombre de locaux mis en chantier baissait de -17,3% sur le même trimestre sur un an laissant le cumul des douze derniers mois à -12,6% pour un total de 19,98 millions de m². Cependant, les rythmes de recul tendent à se modérer, notamment s’agissant des permis. Ainsi, les autorisations logements se redressent de +1% entre le trimestre septembre-novembre et les trois mois précédents (données CVS-CJO) laissant leur niveau 9,5% en dessous de celui d’il y a un an. Avec 330.900 unités en cumul annuel à fin novembre, les permis restent en repli de -11,9% sur un an, un rythme deux fois moins élevé qu’il y a un an (-25,7%). Mais ces inflexions ne traduisent pas pour autant une reprise.
Quelques indicateurs suggèrent cependant que le creux de vague est passé : selon l’Observatoire du crédit logement, la production de crédits habitat se redresse, notamment dans le neuf. Le ralentissement de l’inflation, des prix immobiliers et des taux d’intérêt (3,37% en novembre contre 4,2% fin 2023), couplé à une offre bancaire plus dynamique ont ainsi contribué à raviver les intentions d’achat immobilier des ménages. À fin novembre 2024, l’activité de production de crédit dans le neuf, mesurée en niveau annuel glissant, a cessé de reculer (0,0% contre -41,7% en novembre 2023) et le nombre de prêts accordés progresse rapidement (+32,8% en glissement annuel contre -38,5% il y a un an !). Il est vrai que les transactions frémissent : même si l’activité du marché reste à bas niveau comparé au passé, les réservations de logements neufs par les particuliers ont augmenté au troisième trimestre (+4,6% par rapport au deuxième trimestre et +5,8% sur un an), et ce pour le troisième trimestre consécutif. Le manque de lisibilité conjoncturelle et politique, les difficultés d’accès au foncier, les rigidités réglementaires sont cependant autant de facteurs qui freinent les promoteurs dans leur politique d’offre de biens. Ainsi, les mises en ventes continuent de reculer sensiblement, de -5,7% par rapport au deuxième trimestre, soit un niveau d’offre inférieur de 30,4% à celui du troisième trimestre de 2023. Cette situation de déséquilibre devrait, à terme, contribuer à tirer les prix vers le haut : du côté des appartements, ces derniers ont déjà quasiment cessé de baisser au troisième trimestre (+0,2% comparé au trimestre précédent et -0,5% sur un an) tandis que du côté des maisons, ils sont repartis à la hausse (+5,5% et + 1% respectivement). Selon Markemétron, le marché des constructeurs de maisons individuelles reprend tout doucement des couleurs. Le mouvement de reprise des ventes est lent mais se confirme au fil des mois ; pour la première fois depuis novembre 2021, les transactions mesurées en niveau trimestriel glissant ont renoué avec une hausse (+1,6% sur un an) et le niveau annuel pourrait atteindre 50.000 unités en 2024, « limitant » le recul à -15% contre -45% en 2023. Cette amélioration reste toutefois très graduelle et, compte tenu des délais de transmission, elle prendra encore quelques mois avant de se propager aux secteurs de la construction et des matériaux. Il va sans dire que l’orientation politique et budgétaire à venir conditionnera la poursuite et l’amplification de ce mouvement. L’épisode institutionnel qui se joue actuellement est en ce sens crucial pour la filière.
Un bon mois de novembre dans les TP
Selon le dernier bulletin mensuel publié par la FNTP, l’activité du secteur a enregistré en novembre son meilleur mois de l’année 2024. Les travaux réalisés ont ainsi progressé pour le deuxième mois consécutif (+2,2% sur un mois et + 9,5% sur un an, données en volume, CSVCJO) portant la hausse de l’activité à +3% en cumul sur onze mois glissants. Même si cette croissance concerne la majorité des spécialités, elle reste inégale selon les territoires et surtout, elle est moins dynamique que ce qu’elle devrait être à un an des échéances électorales ; la fédération pointe les effets du climat d’incertitude politique et l’absence de lisibilité budgétaire, propices à l’attentisme des acteurs publics et privés, plus frileux à investir.
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