En 2022, 3,1 millions de logements étaient vacants en France, dont un million depuis au moins deux ans, la plupart se situant en dehors des zones tendues en matière d'offre de logements.
La vacance structurelle de plus de deux ans des logements a de multiples causes, liées aux caractéristiques du logement, ainsi qu'aux choix et situations des propriétaires, constate la Cour des comptes, qui en déduit donc que "l'outil fiscal seul ne saurait répondre à des enjeux de lutte contre la vacance différenciés selon les territoires".
La Cour constate que les taxes sur les logements vacants, perçues par l'État et les collectivités, ont explosé entre 2017 et 2024, passant de 116 à 378 millions d'euros.
"Toutefois, la montée en puissance effective de cette fiscalité n'a en rien endigué le phénomène de la vacance structurelle", examinent les Sages de la rue Cambon, suggérant de "repenser ces leviers et notamment leur articulation avec la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS)".
En outre, le gouvernement a lancé un "plan national de lutte contre les logements vacants" en 2020, face à une augmentation de la vacance structurelle depuis 2005, mais il se réduit à "un outil de sensibilisation et d'accompagnement des collectivités locales dans le repérage des logements vacants" sans mesure "réglementaire ou budgétaire".
"Les collectivités disposent de plusieurs dispositifs pour accompagner les propriétaires bailleurs et les inviter à remettre leur bien sur le marché de la location", mais des indicateurs d'impact manquent.
Les deux recommandations du rapport concernent d'ailleurs l'évaluation de dispositifs mis en place dans le cadre du plan national.
Par exemple, l'intermédiation locative, qui consiste a confier la gestion d'un logement à un tiers qui s'occupe de le louer avec des critères sociaux tout en garantissant le paiement des loyers au propriétaire, aurait "permis de remobiliser 40.000 logements entre 2017 et 2022".
La Cour des comptes appelle à "distinguer les enjeux propres aux zones tendues et détendues" dans les politiques de lutte contre la vacance et estime que "ce sont principalement les collectivités (...) qui pourront agir le plus efficacement".
Quel rôle des multipropriétaires dans la vacance des logements ?
Les multipropriétaires accumulent de plus en plus de logements, ce qui constitue un des nombreux facteurs des difficultés d'accès à un logement abordable, selon une chercheuse, même si le lien avec l'augmentation du nombre de logements vacants n'est pas prouvé.
"A Paris, 60% du parc privé est détenu par des personnes qui possèdent au moins cinq biens immobiliers. Ils ont plein de logements, des millions d'euros de patrimoine donc les loyers ils s'en fichent", accuse Jacques Baudrier, adjoint PCF de la mairie de Paris chargé du logement.
Côté propriétaires, on réfute le chiffre de 20% de logements vacants de la mairie de Paris. Sylvain Grataloup, président de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) assure, à partir des remontées de ses adhérents, qu'"il y a très peu de propriétaires qui laissent leur logement vacant, ou alors c'est de la vacance pour faire des travaux".
Des liens directs entre multipropriété, augmentation de la vacance des logements et réduction du parc de résidences principales sont difficiles à établir, selon la chercheuse Laure Casanova Enault, faute d'étude spécifique sur le sujet.
Elle explique cependant à l'AFP qu'il existe depuis le début des années 2000 "une dynamique d'accumulation de logements à travers une diversité d'usages, que ce soit des résidences secondaires, des locations, des biens hérités", tandis que dans le même temps le nombre de propriétaires occupants s'est stabilisé.
Ce renforcement des multipropriétaires, qui "ont du pouvoir d'achat", laisse "moins de place pour l'accession à la propriété, pour d'autres catégories de ménages, notamment les jeunes et les plus modestes qui ont reculé parmi les propriétaires occupants", développe la maître de conférences en géographie et aménagement à l'université d'Avignon.
Selon l'Insee, les 9,6 millions de multipropriétaires, qui représentent un tiers des propriétaires, concentrent les deux tiers des logements privés en France en 2022.
Parmi ces 19,1 millions de logements détenus par au moins un multipropriétaire, 2,1 millions sont vacants, soit 68% des 3,1 millions de logements vacants que comptait la France en 2022. Le taux de vacance des logements est plus élevé en zone rurale.
"C'est peu coûteux de stocker de l'immobilier" et "c'est un placement peu risqué, même si ce n'est pas toujours le plus rentable", explique Laure Casanova Enault, également coordinatrice d'un programme de recherche sur la multipropriété.
Elle analyse que "certains multipropriétaires vont être moins intéressés par le taux de rentabilité locative, que par l'éventuelle plus-value à la revente qu'ils pourront faire de leurs biens ou par la capitalisation liée à la détention d'un bien immobilier". Un facteur qui peut donc les inciter à laisser un logement vacant en attendant que les prix de l'immobilier remontent.
Parmi les personnes de plus de 25 ans qui possèdent deux logements, 14,8% possèdent au moins un logement vacant. Cette part monte à 53,7% chez les propriétaires de 5 à 9 logements et à 82,7% chez ceux qui détiennent plus de 10 logements.
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