La France évite ainsi la récession - deux trimestres d'affilée de baisse du PIB - mais le premier trimestre, qui pèse arithmétiquement plus fortement que la suite, laisse entrevoir une croissance sans éclat en 2025.
Le gouvernement mise encore sur 0,7% cette année, mais la Commission européenne a revu sa propre prévision à 0,6%.
C'est un nouveau caillou dans la chaussure du gouvernement, qui va s'attaquer à la confection du budget 2026 dans les prochains jours, avec 40 milliards d'euros d'efforts à faire, répartis entre l'État, la Sécurité sociale et les collectivités locales, et des partis politiques à contenter pour éviter une nouvelle censure.
La Commission européenne prévoit désormais que la France sera au dernier rang de la zone euro avec un déficit public de respectivement 5,6% et 5,7% du PIB en 2025 et 2026, alors que le gouvernement espère encore réaliser 5,4% et 4,6%, et revenir sous 3% en 2029.
La composition de la croissance du premier trimestre est inquiétante.
Évacuer les stocks
Elle est en effet marquée par un repli de 0,2% de la consommation des ménages, après +0,1% au trimestre précédent, notamment en raison de la chute des achats d'automobiles.
L'investissement total reste tristement stable, comme au quatrième trimestre 2024.
Ainsi, la demande intérieure hors stocks contribue négativement à la croissance du PIB ce trimestre (-0,1 point).
De même pour le commerce extérieur (-0,8 point), marqué par un recul de 1,8% des exportations, notamment celles de matériels de transport, et une nouvelle augmentation des importations (+0,5%) soutenues par les importations d'énergie.
Ce sont donc les stocks qui tirent la croissance avec une contribution positive d'un point, constate l'Institut national de la statistique.
Les stocks représentent les biens produits mais pas encore vendus à la fin d'une période donnée. Une hausse des stocks peut signifier qu'on fabrique en prévision d'un boum de la demande. Mais plutôt, ici, que les produits fabriqués n'ont pas trouvé preneur.
Charlotte de Montpellier, économiste chez ING, souligne le risque qu'il faille à présent "arrêter de produire pour évacuer ces stocks", et "n'exclut pas un prochain trimestre de croissance négative".
Pour elle, on est ainsi "dans une phase proche de la stagnation, et qui va durer", et au total "une année 2025 beaucoup plus difficile que 2024". Elle anticipe une croissance de 0,4%.
"A court de moteur"
On pourrait avoir "un vent d'optimisme" avec de bonnes nouvelles du côté de l'Ukraine ou de la guerre des droits de douane avec les États-Unis, concède-t-elle, mais pour l'instant "on est un peu à court de moteur".
Parallèlement, les économistes de BNP Paribas Stéphane Colliac et Guillaume Derrien constatent que "la demande se raffermit petit à petit" en zone euro.
Une amélioration qui vient "principalement d'Allemagne", où la croissance du premier trimestre a été révisée à la hausse pour sa part, à 0,4%.
Pourtant, le pouvoir d'achat des ménages augmente. En pouvoir d'achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages par unité de consommation, il a augmenté de 0,1% au premier trimestre et le RDB de 0,8%.
Cela aurait pu se traduire par un regain de consommation, d'autant que le taux d'épargne était très élevé, et que l'inflation a vertigineusement chuté : elle est inférieure à 1% sur un an depuis le mois de février - après avoir atteint jusqu'à 6,3% début 2023.
Au contraire, le taux d'épargne est encore remonté, à 18,8% du revenu disponible au premier trimestre, après 18,5% au trimestre précédent. "La prudence" règne chez les Français, observe Charlotte de Montpellier.
La morosité ambiante se traduit enfin sur le taux de marge des entreprises, qui baisse à 31,8%, après 32,0% fin 2024.
Image d'illustration de l'article via Depositphotos.com.