
Début décembre, l'Etat, propriétaire du Stade de France, est entré en négociations exclusives avec le groupe événementiel lyonnais GL Events dans le cadre de l'attribution de la concession du Stade de France pour les trente prochaines années.
Cette décision a suscité l'ire du consortium Vinci-Bouygues, actuel concessionnaire du Stade de France situé à Saint-Denis, au nord de Paris.
Le consortium a attaqué l'Etat dans une procédure en référé précontractuel examinée par le tribunal administratif de Montreuil.
Remportée dans l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle de 1995 par le consortium détenu à deux tiers par Vinci et un tiers par Bouygues, la concession s'achève en août 2025 et le nouveau contrat doit être signé en avril.
Or l'entreprise GL Events, qui s'est récemment illustrée sur la conception du Grand Palais éphémère, ne démontre pas "la capacité à réaliser des ouvrages comparables" au Stade de France et n'a "aucune référence en matière de construction et en matière de travaux", a soutenu Me Thomas Courtel, avocat du consortium.
D'après une source proche du dossier, le consortium s'est engagé à des travaux à hauteur de 400 millions d'euros pour rénover le Stade de France. Son concurrent GL Events prévoit moins d'investissements mais souhaite dynamiser l'enceinte en y mettant de nombreux commerces, selon une seconde source.
"GL Events a su démontrer que la société avait la capacité d'exploiter ce type d'infrastructure pour des événements commerciaux et sportifs", a défendu Me Sophie Pignon, représentant cet "acteur récurrent d'événements sportifs, intervenu dans tous les Jeux olympiques depuis 1996".
Surtout, GL Events s'est fait accompagner pour la conception de l'offre par "Paris Entertainment Company", l'ex-société anonyme d'exploitation SAE POPB, détenue majoritairement par la ville de Paris, qui exploite notamment l'Accor Arena.
Le consortium Vinci-Bouygues a demandé à la justice que la place de cette société soit éclaircie, arguant que l'offre de GL Events était "incomplète" et "reposait sur des informations trompeuses".
"Nous ne sommes pas en marché, nous n'avons pas à définir avec précision", a tancé Me Dorothée Griveaux, représentant le ministère de l'Economie.
Elle a notamment critiqué un référé visant à "faire tomber la procédure en cours, obtenir de nouvelles négociations et préparer le terrain d'ici-là", qualifiant la démarche de "politique de la terre brûlée".
Relations "exécrables"
Les différentes parties sont également revenues sur le rôle des fédérations françaises de football et de rugby dans l'attribution de la concession.
Le cahier des charges impose que le stade puisse recevoir les équipes de France de football et de rugby, qui y jouent environ neuf matches par an, ainsi que "les grands événements sportifs internationaux".
Le consortium, aux relations tendues - "exécrables" de l'avis de GL Events - avec ces fédérations, estime que leur avis influe trop sur la décision de l'Etat.
"Les candidats ont été soumis aux mêmes conditions de négociation", a assuré l'avocate représentant le ministère de l'Economie, réfutant les accusations d'inégalité de traitement.
En revanche "le rapport de l'Etat avec les fédérations n'a rien à voir avec celui de 1995", lorsqu'elles étaient soumises à l'Etat, a relevé Me Dorothée Griveaux. "L'Etat ne peut pas imposer aux fédérations la négociation et encore moins la signature d'un engagement".
D'après cette avocate, le souhait de l'Etat, avec cette nouvelle attribution, est de "se désengager financièrement" d'un ouvrage qui "a pesé sur les finances publiques", "préserver sa vocation de stade pour les équipes nationales et préserver la capacité de la France à accueillir des événements internationaux".
Selon la Cour des comptes, l'enceinte a coûté 778 millions d'euros aux deniers publics depuis 1995.
L'appel d'offres pour le renouvellement de la concession a été lancé en mars 2023. Une procédure pour vente avait été lancée parallèlement mais elle a été abandonnée, faute de candidat.
La décision sera rendue en début de semaine prochaine.