Pourtant, sa situation comme ses perspectives ne manquent pas d'inquiéter la CFE-CGC, de la reconfiguration capitalistique des entreprises dont l'Etat est actionnaire aux difficultés des outils industriels d'EDF et d'AREVA en passant par le passage de l'hiver, la relance du programme électronucléaire britannique ou la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.
Même si la reconfiguration capitalistique d'AREVA et l'acquisition d'AREVA NP par EDF sont en cours, ces opérations n'ont pas encore abouti. Surtout, elles ne règlent en rien les questions fondamentales de maintien des compétences clefs, de réorganisation de l'ingénierie nucléaire française et d'adaptation de l'outil industriel d'AREVA aux standards les plus élevés. A ces questions de fond s'ajoutent les perspectives économiques et la trajectoire financière plus que tendues d'EDF. Les ressources financières de la filière nucléaire sont ainsi au plus bas alors qu'elle fait face à des investissements industriels considérables à réaliser, qu'il s'agisse des outils industriels d'AREVA, du grand carénage du parc nucléaire français ou de son futur renouvellement.
Dans ce contexte, si la décision britannique de soutenir le lancement du projet Hinkley Point est une belle reconnaissance pour la filière, la CFE-CGC considère qu'au vu des risques industriels, financiers et contractuels de ce projet, « le plus dur commence », comme l'indique le Président d'EDF. C'est bien parce que nous sommes attachés à la réussite de la filière nucléaire française que nous considérons que son redressement, d'un point de vue industriel, social et financier, est un préalable nécessaire au succès de ce projet nucléaire franco-britannique.
Plus largement, la CFE-CGC considère que le lancement de ce projet au Royaume-Uni comme les opérations capitalistiques en cours laissent ouvertes plusieurs questions fondamentales pour l'avenir de la filière nucléaire française. Comment garantir dans la durée l'excellence industrielle et la compétitivité de l'offre nucléaire française ? De quel catalogue de réacteurs la France doit-elle se doter pour réussir le renouvellement à terme de son parc nucléaire mais aussi gagner dans la compétition nucléaire mondiale ? Quelles alliances industrielles la filière doit-elle nouer au plan international sans sacrifier les outils industriels situés sur le territoire national ? Comment assurer la réussite du programme industriel majeur qu'est le grand carénage du parc nucléaire français et qui doit être la priorité de la filière ? Telles sont quelques-unes des questions fondamentales auxquelles il est indispensable de répondre pour refonder la filière nucléaire française sur des bases solides et durables.
Alors que certains sont tentés de considérer que les dernières décisions se suffisent à elles-mêmes, il est au contraire primordial de prendre le recul nécessaire et d'ouvrir un débat de fond pour définir l'avenir d'une filière industrielle cruciale pour la souveraineté et la compétitivité énergétiques de notre pays, son rayonnement international, sa politique industrielle sans parler des enjeux de décarbonation de l'économie.
Loin des montages capitalistiques et d'un projet britannique qui ne règlent rien sur le fond, la refondation de la filière doit reposer sur un diagnostic complet, tant industriel, économique, technologique, organisationnel et social. Cette opération vérité permettra de mieux redresser les entreprises de la filière mais aussi de leur permettre de retrouver cohérence et complémentarité. Pour être solide et durable, cette refondation exige du temps comme de lourds investissements industriels et humains.
C'est dans cette perspective qu'au-delà de l'urgence à relancer les travaux du comité stratégique de filière nucléaire, la CFE-CGC vient d'interpeller le Premier Ministre pour qu'il lance d'actualisation des travaux de la « mission Roussely » en s'appuyant sur l'expertise de parties prenantes comme le sont les organisations syndicales. Il en va de l'avenir de la filière nucléaire française.