Les artisans et professions libérales accusent le gouvernement de "donner les clés du dialogue social" au seul Medef et de "marginaliser" les petites entreprises, pourtant créatrices d'emploi. Les représentants de ces professions, qui s'exprimaient lors d'une conférence de presse commune, ont ainsi ajouté leurs voix au concert de critiques contre le texte porté par la ministre du Travail Myriam El Khomri, présenté la semaine dernière au Conseil d'Etat et salué par le Medef.
La raison de leur colère? L'article 20 du projet de loi, qui modifie plusieurs articles du code du travail sur la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs en transcrivant un accord conclu entre le Medef et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).
Le numéro un de l'Union professionnelle artisanale (UPA), Jean-Pierre Crouzet, qui parlait au côté du président de l'UNAPL, principal syndicat des professions libérales, Michel Chassang, a dénoncé une "mascarade" des membres du gouvernement "qui crient leur amour pour les TPE-PME (très petites entreprises et petites et moyennes entreprises) et qui dans les faits font presque tout pour les entreprises du CAC 40" représentées par le Medef.
Selon le projet de loi, les critères retenus pour mesurer la représentativité patronale à partir de 2017 - essentielle pour la répartition des sièges dans les instances paritaires et celle des fonds de financement du paritarisme - tiendront compte du nombre d'entreprises adhérentes à hauteur de 20% et du nombre de salariés à hauteur de 80%, comme le prévoit l'accord du Medef et de la CGPME, dont l'UPA a été exclu.
Un revirement complet par rapport à la loi actuelle, votée en 2014, qui tient seulement compte du nombre d'entreprises, selon le principe "une entreprise égale une voix".
"L'UPA demande au gouvernement de revoir sa copie", a sommé M. Crouzet, indiquant que si l'exécutif ne le faisait pas, son organisation et l'UNAPL (qui regroupe des professions très diverses, comme les médecins, avocats, architectes...) se tourneraient vers les parlementaires pour modifier le texte lors des débats à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Le gouvernement se renie
"Le gouvernement se renie", a-t-il regretté, rappelant que l'exécutif avait lui-même défendu la loi actuelle en janvier devant le Conseil constitutionnel.
Les sages du Palais-Royal, saisis à la demande du Medef d'une question prioritaire de constitutionnalité sur ce sujet, ont finalement débouté l'organisation dirigée par Pierre Gattaz.
"Les TPE-PME sont totalement oubliées dans la loi", a regretté M. Chassang, qui a rappelé que 98% des entreprises en France employaient moins de 50 salariés.
"Les clés du dialogue social ont été données à une seule organisation patronale, le Medef", a-t-il fustigé, annonçant la "disparition programmée de la représentation des TPE-PME".
"En 15 ans, l'industrie a perdu un million d'emplois", a-t-il rappelé, soulignant que les secteurs d'avenir étaient ceux des "services, des professions libérales, artisanales et commerciales". "Au lieu de se préoccuper de ces entreprises, le gouvernement fait tout l'inverse", a-t-il dénoncé.
Artisans et professions libérales s'étaient déjà heurtés au gouvernement à propos de réformes portées par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, visant à encadrer les tarifs des professions réglementées et à assouplir les critères de qualification de certains métiers.
"Je ne sais pas si (le gouvernement) mesure bien que nous sommes au bord de l'explosion", a par ailleurs affirmé M. Crouzet, évoquant une "exaspération" de la part des chefs d'entreprises mais aussi des salariés des petites structures.
Lundi, l'UPA a claqué la porte de la négociation sur l'assurance chômage en signe de protestation contre cette disposition. Interrogé pour savoir si l'organisation allait revenir autour de la table, M. Crouzet est resté vague.
"L'objectif est évidemment de participer, mais eu égard à ce que nous représentons", a-t-il dit.
Sur la possibilité de se tourner vers le Conseil constitutionnel pour contester l'article 20, M. Chassang a estimé qu'il était encore trop tôt pour l'envisager, soulignant que le texte n'avait pas encore été présenté en Conseil des ministres et pourrait encore être amendé d'ici là.
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