Un claquement de porte au bout de dix minutes : les difficiles négociations sur l'assurance chômage ont démarré lundi avec la défection des artisans de l'UPA et sur des positions syndicales et patronales opposées.
Les discussions se poursuivaient dans l'après-midi sans l'organisation patronale des artisans et commerçants, qui a quitté le siège du Medef pour marquer son désaccord sur un autre dossier: la réforme de la représentativité patronale.
"Pour l'instant, être autour de la table avec le Medef et la CGPME, qui nous considèrent comme moins que rien, pour nous, il n'y a qu'une solution, c'est quitter la salle", a déclaré en s'en allant le négociateur de l'UPA, Patrick Liébus, visiblement énervé.
La future réforme de la représentativité patronale, qui figure dans le projet de loi El Khomri, prévoit que le mode de calcul de l'audience patronale soit pondéré pour tenir compte du nombre d'entreprises adhérentes à hauteur de 20% et du nombre de salariés à hauteur de 80%, alors que la loi actuelle, votée en 2014, tient seulement compte du nombre d'entreprises.
Cet article transpose un accord Medef-CGPME.
"Le gouvernement fait des petites affaires avec le Medef et la CGPME, c'est insupportable", s'est emporté le représentant de l'organisation, qui se sent "flouée".
"On discutera quand ce sera le moment, quand on aura trouvé des solutions et que l'Etat sera revenu à meilleure fortune concernant la qualification de nos entreprises", a-t-il ajouté, affirmant qu'un accord sur l'assurance chômage ne se ferait pas "sans les artisans".
A l'image de ce coup de théâtre, les tractations s'annoncent aussi ardues sur le fond. En arrivant, l'ensemble des syndicats a réitéré son opposition à toute baisse des droits des chômeurs et sa volonté de taxer davantage les entreprises recourant à des contrats courts (CDD, intérim...), une proposition déjà écartée côté patronal.
Sanctuariser les droits
Alors que le chômage (3,59 millions de chômeurs fin 2015) et la dette du régime (25,8 milliards d'euros) affichent des niveaux record, les partenaires sociaux doivent trouver un accord au printemps pour permettre un agrément gouvernemental avant le 1er juillet, date de péremption de l'actuelle convention.
Dans ce contexte, les directives du gouvernement sont claires: "tout faire" pour favoriser le "retour à l'emploi" et redresser les comptes.
"Ce n'est pas du tout le moment de diminuer les allocations ni de les rendre dégressives. Ce n'est pas l'Unédic qui va ramener les chômeurs plus rapidement vers l'emploi", a affirmé Franck Mikula, de la CFE-CGC. Son syndicat propose de "faire payer les entreprises qui abusent des contrats courts, quitte à exonérer celles qui sont vertueuses" car elles embauchent des CDI.
"Les demandeurs d'emploi ne sont pas responsables du niveau de chômage historique", a renchéri Stéphane Lardy, pour FO, qui appelle à "augmenter les recettes" du régime plutôt que diminuer les dépenses d'indemnisation.
La CFDT, pour sa part, demande à "sanctuariser les droits et à inciter les entreprises à des comportements vertueux". "La réduction des déficit n'est pas notre objectif. Le déficit de l'Unédic est un stabilisateur social, le régime n'est pas en péril", a insisté sa négociatrice, Véronique Descacq.
Eric Aubin (CGT) s'est dit, de son côté, "plus déterminé que jamais", notamment remonté par le projet de réforme du droit du travail du gouvernement, dévoilé la semaine dernière et qui, selon lui, "légalise les licenciements abusifs".
Quant au négociateur patronal, Jean Cerutti, il a assuré que sa priorité était d'aider "le plus grand nombre de demandeurs d'emploi à retrouver un emploi", et "d'améliorer l'équilibre de notre système", mais sans dévoiler à ce stade les propositions de son camp.
Après un exposé de la situation du régime par l'Unédic, cette séance de négociation vise avant tout à fixer une méthode, un calendrier, et à définir un cadre financier pour le régime spécifique des intermittents dont les règles seront négociées séparément par la profession.
L'actuelle convention, entrée en vigueur le 1er juillet 2014, a déjà permis des économies, estimées à 1,9 milliard d'euros entre 2014 et 2016, mais l'effort est jugé insuffisant par l'exécutif. Le gouvernement table sur 800 millions d'euros d'économies supplémentaires dès cette année.
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