L'aval du conseil a été obtenu grâce au vote des six administrateurs indépendants, selon une source proche du dossier, parmi lesquels le PDG Jean-Bernard Lévy, dont la voix est prépondérante en cas de dissensions.
Les six représentants des salariés ont voté contre cette indemnisation d'au moins 446 millions d'euros, dans la lignée d'un avis négatif du comité central d'entreprise (CCE) estimant que la fermeture entraînerait un important manque à gagner et la suppression de 2.000 emplois (directs et indirects).
En situation de conflit d'intérêts, les représentants de l'État ne se sont pas prononcés.
Promesse de campagne du président Hollande, qui l'avait d'abord fixée à fin 2016 avant d'en repousser le délai avant la fin de son quinquennat, la fermeture des deux réacteurs de 900 mégawatts (MW) est désormais prévue à l'horizon 2018, lorsqu'EDF prévoit de mettre en service l'EPR de Flamanville (Manche).
La loi de transition énergétique votée en 2015 plafonne en effet les capacités de production nucléaire à leur niveau actuel de 63,2 gigawatts (GW).
Située sur une faille sismique et en contrebas du Rhin, la doyenne des centrales françaises, en service depuis 1977, suscite l'inquiétude des écologistes français, allemands et suisses depuis des années.
Mais le sort des deux réacteurs de 900 mégawatts (MW) se profile également comme un enjeu de la prochaine élection présidentielle, le candidat Les Républicains, François Fillon, ayant assuré qu'il reviendrait sur cette décision en cas de victoire.
"L'État a fait voter des lois par le Parlement. Nous appliquons ces lois par définition et sans état d'âme", a déclaré le PDG d'EDF, interrogé en marge d'un forum sur l'énergie ("Electric Days") sur une possible remise en cause de la fermeture par une nouvelle majorité gouvernementale.
Selon lui, l'indemnisation du groupe prévoit une part fixe de 489 millions d'euros minimum, à laquelle s'ajoutera une éventuelle part variable en fonction du manque à gagner d'EDF jusqu'en 2041.
EDF pose ses conditions
La validation de l'indemnisation précède le dépôt par EDF d'une demande d'abrogation de l'autorisation d'exploiter Fessenheim, que le groupe a conditionnée à trois contreparties: l'extension de l'autorisation des travaux de l'EPR de Flamanville avant son arrivée à échéance en avril, la possibilité de poursuivre la maintenance lourde du réacteur 2 de Paluel (Seine-Maritime) au-delà du délai légal de deux ans et le feu vert de Bruxelles en matière d'aides d'État.
"Notre objectif, c'est de respecter le plafond (de la loi) mais d'être au plafond. Si nous n'avons pas la possibilité de poursuivre la construction de Flamanville ou si nous n'avons pas la possibilité de redémarrer Paluel, à ce moment-là nous serons au plafond sans avoir besoin de toucher à Fessenheim", a expliqué Jean-Bernard Lévy.
"Ces trois conditions étant remplies, j'aurai à réunir, sous quinzaine, un conseil d'administration qui devra prendre une nouvelle délibération", a-t-il ajouté.
La ministre de l'Environnement et de l'Énergie, Ségolène Royal, a assuré à l'AFP qu'elle donnerait une suite positive aux demandes du Conseil d'administration.
La demande d'abrogation devra ensuite faire l'objet d'un décret gouvernemental pour entériner la décision de fermeture.
Saluant une décision "équilibrée", Mme Royal a dit avoir demandé à Berlin l'installation d'une commission mixte franco-allemande pour examiner les projets de reconversion du site : l'éventuelle installation d'une usine de voitures électriques Tesla, un projet d'usine de batteries ou la création d'un site pilote de démantèlement de centrales.
En Allemagne, Rita Schwarzelühr-Sutter, secrétaire d'Etat parlementaire auprès du ministère de l'Environnement (BMUB), a salué "un pas dans la bonne direction".
A l'opposé de Greenpeace, qui demande à EDF de "cesser de marchander à tout va", les syndicats restent totalement opposés à la fermeture, qu'ils estiment injustifiée au plan économique, social et environnemental.
FO et la CFE-CGC ont dénoncé le "chantage" exercé par le gouvernement sur EDF en subordonnant le sort de Paluel et Flamanville à celui de Fessenheim. Et la FNME-CGT a prévenu qu'elle continuera "à mettre tout en oeuvre pour empêcher ce qui serait un gâchis historique".
De même, parmi les élus, Philippe Richert, président de la région Grand Est, a exprimé dans un communiqué sa "consternation" face à "cette décision d'arrêt sans aucun projet effectif pour le territoire". Le maire de Fessenheim (sans étiquette), Claude Brender, a dit tabler "sur une alternance au mois de mai prochain pour mettre fin à cette situation absolument injuste pour Fessenheim et ses salariés".