Bilan du plan national de lutte contre le travail illegal 2013-2015
Bilan de la lutte contre la fraude au détachement
La France est l'un des principaux pays de l'Union européenne concernés par le détachement : 3ème pays d'origine des salariés détachés et 285 000 travailleurs détachés déclarés en 2015, chiffre en hausse continue. Le BTP et les entreprises de travail temporaire regroupent à eux deux plus de la moitié des travailleurs détachés en France. En parallèle du détachement déclaré, la fraude au détachement est aussi en augmentation.
Dans le cadre du PNLTI 2013-2015, la France a d'abord agi au niveau européen pour faire évoluer la réglementation communautaire. La France a ainsi joué un rôle de premier plan dans l'adoption de la directive d'exécution de 2014 qui complète la directive «de base» de 1996 sur le détachement, avec deux avancées majeures : la possibilité d'adapter les contrôles selon les pays et les secteurs, et la responsabilisation des donneurs d'ordres vis-à-vis de leurs sous-traitants directs dans le secteur de la construction.
Par ailleurs, la France a soutenu très activement la création d'une plateforme européenne de lutte contre le travail déclaré, mise en place en mars dernier et qui permet des échanges opérationnels entre services pour mener des interventions communes. Comme la France le souhaitait, la participation de tous les Etats membres de l'UE à cette plateforme est obligatoire et les partenaires sociaux y sont associés.
Au niveau national, notre arsenal juridique a été fortement renforcé à travers la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale et la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques :
- déclaration obligatoire pour le détachement de travailleurs en France;
- mise en place d'une amende administrative pouvant atteindre 500 000 euros en cas de manquement à cette obligation;
- instauration d'une responsabilité sociale et solidaire des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants dans tous les secteurs d'activité (et non seulement la construction comme l'impose la réglementation européenne);
- mise en place d'une carte d'identification professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics;
- possibilité de publication sur le site internet du ministère du travail du nom des entreprises ayant été condamnée pour travail illégal;
- possibilité de suspension de la prestation de service internationale par le ministère du travail en cas de manquement grave au droit du travail.
Les contrôles des services se sont fortement accentués sur la fraude au détachement. Ils sont ainsi passés de 600 interventions par mois au 1er semestre 2015 à 1500 aujourd'hui.
Depuis juillet 2015, près de 300 amendes administratives ont été notifiées pour un montant cumulé de 1,5 M€;
20 fermetures préfectorales ont été prononcées; 6 entreprises se sont vues suspendre leur prestation de service internationale.
Bilan de la lutte contre le travail illégal
La lutte contre le travail illégal a gagné en efficacité au cours des dernières années. Avec moins de contrôles mais davantage ciblés. Chiffres clés 2014 :
- 57 300 établissements contrôlés;
- 38 % des contrôles dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, 25% dans celui des hôtels-cafés-restaurants, 18% dans le secteur agricole;
- 15 300 infractions relevées au titre du travail illégal, dont les ¾ pour travail dissimulé, 13% pour emploi d'étrangers sans titre de travail;
- 1/3 de contrôles conjoints (plusieurs services) dans les secteurs.
Les services de contrôle se sont professionnalisés et spécialisés, avec une campagne de formation très importante et la création de services dédiés au niveau national et régional Les contrôles ont gagné en efficacité, avec une forte hausse des redressements de cotisations sociales : sur les secteurs prioritaires relevant du régime général de l'ACOSS
(bâtiment, hôtels, cafés, restaurants, agriculture, transports, etc.), 339 M€ en 2015, contre 253 M€ en 2014, 139 M€ en 2013, et 126 millions en 2012. Sur le périmètre de la MSA (agriculture), 10M€ en 2014 contre 8,7 M€ en 2013.
Le plan national de lutte contre le travail illegal 2016-2018
Faire évoluer la réglementation européenne et nationale pour lutter plus efficacement contre la fraude au détachement
Trois leviers seront actionnés : faire évoluer la réglementation européenne, renforcer les coopérations opérationnelles entre Etats membres, et renforcer les leviers de contrôle, grâce notamment aux dispositions du projet de loi travail.
Au niveau européen, la France plaide résolument pour réviser la directive européenne « de base » de 1996 sur le détachement, au-delà des avancées obtenues en 2014. Grâce aux actions menées par la France et par d'autres pays, notamment l'Allemagne, une étape capitale a été franchie en mars dernier avec les évolutions proposées par la Commission européenne.
Ces propositions reprennent plusieurs de celles de la France : la limitation de la durée du détachement; la « rémunération minimale » (notion plus large) et non seulement le « taux de salaire minimum » de l'Etat d'accueil comme plancher de rémunération; mêmes conditions de travail et d'emploi pour les travailleurs intérimaires détachés ou locaux; l'application du principe «à travail égal salaire égal dans un même lieu».
Mais la France veut aller plus loin avec l'interdiction des détachements en cascade de salariés intérimaires; une relation salariale minimale de 3 mois entre le salarié détaché et son entreprise pour éviter les embauches opportunistes; l'inclusion des conditions d'hébergement dans le « noyau dur » des droits devant être respectés par les employeurs de salariés détachés.
Le travail pour faire aboutir ces propositions sera de longue haleine, plusieurs pays ayant fait connaître leur opposition par la procédure dite de « carton jaune ». Mais comme d'autres pays de l'Union européenne, la France est attachée au respect des droits sociaux et agira résolument pour que la directive de 1996 soit révisée rapidement.
Au niveau national, le projet de loi travail parachève la construction engagée en 2014 d'un arsenal juridique complet :
- garantir que les salariés détachés seront bien déclarés : en cas d'absence de déclaration, les prestations de service internationales seront suspendues par le ministère du travail, les donneurs d'ordre auront la responsabilité de veiller au respect de l'obligation de déclaration chez leurs sous-traitants et seront sanctionnés en cas de manquement;
- encadrer davantage le recours aux salariés détachés dans l'intérim, où les fraudes sont nombreuses,
- création de dispositions spécifiques dans le secteur agricole, pour renforcer les moyens de lutte contre la fraude dans ce secteur;
- mise en place d'un « droit de timbre » pour toutes les entreprises étrangères qui détacheront un salarié en France, afin de compenser les coûts liés au système de déclaration dématérialisé.
Renforcer encore davantage les contrôles et les adapter à l'évolution des fraudes
Le travail déjà engagé d'évolution des services de contrôle vers des actions conjointes, coordonnées et ciblées, afin de les rendre le plus efficace possible, sera poursuivi.
La priorité sera donnée à la lutte contre les fraudes complexes – celles qui utilisent des montages comme des sociétés écrans ou des sociétés « en cascade » -, qui demande des temps d'enquête parfois longs mais qui conduit à détruire les réseaux de fraude les plus nuisibles.
Parmi ce type de fraude, le recours abusif aux entreprises de travail temporaire sera particulièrement ciblé et la question de l'encadrement du recours au travail temporaire, dans le respect du droit européen, sera approfondie. La lutte contre le travail dissimulé ou le faux travail indépendant dans les activités émergentes liées aux plateformes numériques sera aussi approfondie, non pas pour freiner le développement de ces nouvelles activités, mais pour faire en sorte que les règles en matière sociale et fiscale s'y appliquent normalement.
Les contrôles viseront aussi les formes de travail illégal les plus graves tel que les conditions indignes d'hébergement ou les conditions de rémunération et de travail, avec une obligation de vigilance et de résultat fixée aux maîtres d'ouvrage et aux donneurs d'ordre.
L'organisation et les moyens des services seront adaptés aux enjeux. Au niveau national, une instance nationale de pilotage sera créée pour faciliter la mise en œuvre du plan national de lutte contre le travail illégal. Elle permettra d'aller encore plus loin dans la coordination, en continue, des différents services de contrôle. Au niveau régional, les préfets de région élaboreront une note d'orientation, pour définir les priorités régionales et qui sera le cadre de référence des services de contrôle.
Les contrôles conjoints entre les différents services seront encore intensifiés, avec des objectifs ambitieux : 25 % d'interventions conjointes sur l'ensemble, 50% dans les secteurs prioritaires (bâtiment, agriculture, transports), 85% des actions ciblées doivent donner lieu au recouvrement de cotisations.
Une vaste campagne d'information sera engagée, pour sensibiliser l'ensemble de nos concitoyens aux conséquences dramatiques pour notre modèle social du recours au travail illégal ou à la fraude au détachement.
Elle sera articulée avec des plans de communication régionaux, coordonnés par les préfets de région, La publicité sous toutes ses formes qui fait aujourd'hui la promotion de pratiques frauduleuses sera fermement poursuivie et sanctionnée.
La FFB approuve le plan de lutte
La FFB salue le plan national de lutte contre le travail illégal dévoilé ce 30 mai par le Premier Ministre Manuel Valls, et plus particulièrement le renforcement des contrôles sur chantier et la mise en œuvre d’un plan national de lutte contre le travail illégal.
Jacques Chanut, le président de la FFB, renchérit : « Les annonces de ce matin du Premier Ministre viennent compléter l’arsenal des dispositifs déjà existants dans le secteur comme la carte d’identification du BTP rendue enfin obligatoire. Mais au-delà du nombre de contrôle administratif, il faut amplifier les plages horaires des contrôles les soirs et week-end pour chasser les dépassements d'heures déclarées et non payées qui restent le socle de cette fraude. Alors que le recours au travail détaché a bondi en 2015 et que le secteur du Bâtiment est le plus concerné, nous devons impérativement amplifier cette lutte contre la fraude qui gangrène notre activité et l’emploi ! ».
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