Le Gouvernement annonce la refonte du code du travail sur deux ans
Législation
Par BatinfoSource : Gouvernement
Manuel Valls a présenté le 4 novembre les orientations du Gouvernement pour la réforme du code du travail, en présence de Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.
Simplifier, négocier, sécuriser, c'est ce que va faire le Gouvernement afin de créer un tout nouveau code du travail pour le XXIe siècle. Annoncée le mercredi 4 novembre 2015 lors d'une conférence de presse à Matignon, cette réforme, qualifiée de "véritable révolution" par Manuel Valls devrait s'effectuer en plusieurs étapes sur une période de deux ans.
Les enjeux
Aujourd’hui, la double fonction assignée au droit du travail est de plus en plus mal remplie. Alors qu’il doit à la fois protéger les travailleurs et sécuriser les entreprises pour leur permettre de se développer, il ne parvient qu’imparfaitement à atteindre ces objectifs, sous l’effet conjugué des bouleversements du monde du travail et de la sédimentation de règles devenues en partie illisibles.
Le monde du travail connaît en effet des bouleversements majeurs : nouvelle économie, nouveaux modèles productifs, nouveaux métiers, nouvelles organisations du travail, nouvelles pratiques professionnelles et avec elles des trajectoires professionnelles plus fréquemment discontinues, une insertion dans l’emploi plus incertaine, un besoin de gestion des transitions professionnelles plus prégnant. Face à ces évolutions, le code du travail est de moins en moins bien adapté pour protéger les salariés. Il est nécessaire de repenser la manière dont la société protège ses salariés tout en redonnant confiance aux entreprises dans leur capacité à s’adapter pour investir et créer de l’emploi.
Par ailleurs, de loi en loi, le code du travail s’est stratifié. Les exceptions se sont multipliées pour saisir la diversité croissante des situations de travail et des formes d’emploi : les chefs d’entreprise et les salariés des PME peinent à s’y retrouver. Si le code du travail a vocation à mieux protéger les salariés dans l’inégale relation qu’ils ont avec leurs employeurs, sa complexité contribue à éloigner les salariés de leurs droits et à insécuriser juridiquement les entreprises. La complexité du code du travail nourrit les contentieux, décourage l’embauche dans les TPE. Un droit peu lisible est un droit qui ne protège plus les salariés.
Créer une dynamique de la négociation collective
La France depuis de nombreuses années a fait le choix de la négociation collective car elle a permis une régulation des relations de travail au plus près des réalités de la branche ou de l’entreprise. Le gouvernement la renforcera, car la négociation demeure un outil irremplaçable de cohésion sociale et d’adaptation réciproque de l’économique et du social. La négociation collective est plus que jamais nécessaire pour s’adapter aux mutations de notre environnement.
Il ne peut y avoir de dynamique de la négociation collective sans des partenaires sociaux forts et légitimes. Dans la lignée des lois relatives à la démocratie sociale (2014) et au dialogue social et l’emploi (2015), le gouvernement poursuivra ses efforts pour renforcer la place et le poids des partenaires sociaux. Il s’agit d’instaurer dans notre pays une vraie culture de la négociation, de sortir des logiques d’affrontement et des postures.
Refonder le code du travail
Les objectifs
Mieux protéger les salariés, à travers l’affirmation des principes fondamentaux qui détermineront le socle du droit du travail applicable à l’ensemble des salariés. Ce socle définira les garanties essentielles applicables à l’ensemble des salariés sans possibilité de déroger.
Renforcer plus encore la place de la négociation collective, notamment de la négociation d’entreprise. L’entreprise est le lieu où s’expriment les besoins des salariés et des employeurs – au plus près des réalités du terrain – et qui apparaît comme le niveau le plus pertinent pour négocier des accords.
La nouvelle architecture du code du travail
Sur la base des principes fondamentaux de notre droit du travail, le code du travail sera réécrit de manière claire, accessible à tous, pour chaque chapitre et sur la base d’une architecture nouvelle qui reposera sur trois niveaux distincts :
Premier niveau : celui de l’ordre public social auquel aucun accord ne peut déroger (par exemple, le SMIC, la durée légale du travail)
Deuxième niveau : constitué par le domaine ouvert à la négociation et définissant l’articulation la plus pertinente entre la branche et l’entreprise – la loi déterminant le champ de l’ordre public conventionnel de branche.
Troisième niveau : constitué par les dispositions applicables en l’absence d’accord d’entreprise et d’accord de branche.
L’objectif est de traiter les sujets au niveau le plus adapté, le plus proche du terrain et des réalités des entreprises et de rendre plus lisible le code du travail. Il n’y a pas d’inversion de la hiérarchie des normes.
La méthode
Une mission des Sages sera constituée dès novembre pour définir des principes fondamentaux du droit du travail. Elle sera composée de deux Conseillers d’État, de deux magis trats de la Cour de cassation et de deux universitaires spécialistes du droit du travail. Elle proposera au gouvernement d’ici janvier 2016 les principes fondamentaux qui seront intégrés au projet de loi pour guider les travaux de réécriture du code.
Cette réécriture aura lieu en deux ans et sera confiée à la mission élargie à des personnalités qualifiées (juristes, universitaires, praticiens des relations sociales). Le mandat lui sera donné par la loi ; elle rendra des comptes réguliers aux partenaires sociaux et au législateur.
Sans attendre, le gouvernement fait le choix de réécrire dès le projet de loi la partie essentielle du code du travail consacrée à la durée du travail, au repos et aux congés. Celle-ci touche au quotidien des salariés et des entreprises en traitant de thèmes comme les durées hebdomadaires et quotidiennes, l’aménagement du travail sur l’année, les congés, ou encore les astreintes. Elle est directement touchée par les transformations récentes du travail, notamment celle du numérique, comme l’a mis en exergue le rapport de Bruno Mettling (par exemple, les questions liées au droit à la déconnexion, au télétravail ou à l’utilisation et à la sécurisation du forfait-jours).
Renforcer les branches professionnelles
La réforme du code du travail, qui vise notamment à donner plus de place à la négociation collective, n’est envisageable qu’en renforçant la place et le rôle des branches professionnelles dont le rôle régulateur demeure essentiel.
Les branches professionnelles doivent occuper une place importante dans la nouvelle architecture qui sera définie. Elles constituent un sas entre la loi et l’entreprise dont la nécessité est évidente tant pour les TPE et les PME que pour assurer son rôle de régulation de la concurrence entre entreprises et de lutte contre le dumping social entre entreprises qui exercent le même type d’activité. Cependant, le nombre et la dispersion des branches, leur faiblesse, trop souvent leur absence de vitalité, voire de toute vie conventionnelle, sont autant de facteurs qui font obstacle à une dynamique féconde entre la loi et la négociation.
Comme annoncé dans la feuille de route de la conférence sociale du 19 octobre 2015, le gouvernement souhaite réduire le nombre de branches professionnelles à 200 d’ici trois ans et à terme à 100, contre environ 700 aujourd’hui. Pour parvenir à cet objectif, le gouvernement propose la méthode suivante :
S’ils le souhaitent, les partenaires sociaux pourront conclure un accord de méthode d’ici la fin 2015 sur ce sujet, dont les principes pourront inspirer la loi ;
La loi fixera le principe, d’ici fin 2016, de la disparition des branches « territoriales » (par leur rattachement à des branches nationales) ou de celles qui n’ont eu aucune activité conventionnelle depuis plus de dix ans ce qui constituera une simplification historique ;
La loi prévoira, en l’absence d’avancées dans les trois ans qui suivront la loi, les critères qui présideront aux regroupements par le pouvoir règlementaire, (branches de moins de 5.000 salariés, cohérence sectorielle, etc.). Elle laissera le soin aux partenaires sociaux de fixer d’autres critères et les modalités des regroupements dans cette période de transition.
La loi sécurisera enfin la période transitoire pendant laquelle les stipulations des anciennes conventions collectives pourront continuer à coexister au sein d’une nouvelle branche afin de faciliter les rapprochements.
Mieux prendre en compte les particularités des TPE et des PME
Les TPE et les PME sont au coeur de l’activité économique française. Ainsi, dans la continuité du plan TPE/PME mis en place par le gouvernement en juin 2015, le projet de loi visera à créer un environnement plus favorable pour favoriser l’embauche et ainsi leur permettre de mieux s’adapter.
En effet, nombre de PME-TPE n’ont aujourd’hui pas accès à la souplesse permise par les accords. Dans le cadre du projet de loi, le gouvernement entend ainsi prendre les dispositions pour :
Favoriser l’accès des PME-TPE aux dispositifs dont la mise en oeuvre requiert aujourd’hui un accord. L’élaboration au niveau de la branche d’accords-types spécifiques s’appliquant dans les TPE constitue à ce titre une piste intéressante, tout comme le renforcement du mandatement d’un salarié par une organisation syndicale pour négocier
Présenter aux TPE et PME et à leurs salariés une offre de services globale leur permettant, par exemple, de recourir à un contrat de travail type sur internet, incluant les dispositions légales et conventionnelles qui s’imposent. Ce dispositif devra être conçu en articulation avec celui du Titre emploi services entreprises (TESE). Un travail avec les branches sera mené pour incorporer dans ces contrats les stipulations conformes à l’accord de branche. Cette offre de services devra également faciliter les démarches des entreprises et des salariés à l’égard des administrations sociales (déclarations et demandes d'autorisation en ligne, suivi en temps réel l'instruction de leur demande). Elle leur permettra d'accéder aux textes conventionnels qui leur sont applicables, de mieux connaître leurs droits et obligations dans les domaines courants de la relation de travail (embauche, congés, rupture du contrat de travail, etc.).
Encourager les accords de site qui intègrent plusieurs entreprises et sous-traitants, ainsi que les accords de filière.