Report de deux semaines de sa présentation en Conseil des ministres, grèves, manifestations, réunions du PS, pétition record, consultations de dernière minute des partenaires sociaux et des organisations de jeunesse à Matignon... l'avant-projet de loi a connu une trajectoire chahutée.
L'avant-projet initial, dévoilé en février, jugé trop favorable à l'employeur et insuffisamment protecteur pour le salarié, avait fait grincer des dents jusque dans les rangs de la majorité.
La semaine dernière, après sa réécriture, le Premier ministre Manuel Valls avait vanté une réforme "intelligente, audacieuse et nécessaire", qui doit répondre au chômage de masse (3,5 millions de personnes sans emploi) "auquel notre pays s'est habitué depuis trop longtemps".
"Ne rien changer, faire le choix du statu quo, dans un monde qui change, ce serait condamner notre modèle social", avait-il expliqué. La réforme prévoit de nouveaux droits, dont le compte personnel d'activité (CPA) ou l'extension de la garantie jeunes. Elle met également en place le référendum en entreprise, fait évoluer les règles de la représentativité patronale, du licenciement économique ou de la médecine du travail. Elle réécrit intégralement la partie du code du travail relative au temps de travail, donnant plus de place à l'accord d'entreprise. La philosophie de cette réforme de 53 articles est d'"assouplir et adapter l'entreprise par la négociation collective", au niveau de la branche ou de l'entreprise.
Jamais simple de réformer
Dans sa première version, un responsable de PME avait la possibilité de prendre des décisions unilatérales (forfait-jour, pause, astreinte), mais, face à l'opposition des syndicats, le gouvernement est revenu sur ce point.
Il a également supprimé le plafonnement des indemnités prud'homales pour licenciement abusif, mesure applaudie par le patronat, mais casus belli pour les syndicats. En lieu et place, les juges prud'homaux pourront se baser sur un barème "indicatif", dont les modalités (ancienneté, plafond, plancher...) seront précisées par décret.
Un autre article controversé, celui sur les licenciements économiques, a été réécrit à la marge, contrairement à ce que réclamaient politiques et syndicats. Mais la bataille du gouvernement pour cette réforme est encore loin d'être gagnée.
S'il peut désormais compter sur l'aval d'une majorité des députés PS, "plutôt satisfaits" des changements apportés, le projet continue d'essuyer les critiques des frondeurs, leur chef de file Christian Paul promettant "une bataille parlementaire extrêmement ferme".
Et si les syndicats dits "réformistes" (CFDT, CFTC, CFE-CGC, Unsa) se montrent moins virulents, ils réclament encore des évolutions, notamment concernant l'article sur le licenciement économique. La CFDT a prévenu qu'elle ne donnait pas "un chèque en blanc" au gouvernement.
De leur côté, la CGT, FO, Solidaires, FSU, Fidl, l'Unef et l'UNL continuent d'exiger le retrait de la réforme et de ses "multiples régressions" pour les salariés. Après avoir mobilisé des dizaines de milliers de mécontents les 9 et 17 mars, elles prévoient des "mobilisations" le 24 mars et surtout des grèves et manifestations nationales le 31 mars.
L'exercice paraît d'autant plus délicat pour le gouvernement, que le patronat est, lui, très remonté contre la nouvelle version du projet. Sept organisations patronales, dont le Medef et la CGPME, ont lancé mardi "un appel solennel" au Premier ministre pour revendiquer notamment le rétablissement du plafonnement des indemnités prud'homales. "Le projet de loi El Khomri n'est pas acceptable en l'état et doit absolument être enrichi lors du débat parlementaire pour être acceptable", selon elles.
Le texte sera examiné en commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale à partir du 5 avril.
François Hollande l'a admis récemment : "Ce n'est jamais simple de réformer puisque nous sommes tous conscients que ce qui existe fait partie de notre vie et que ce qui n'existe pas encore peut la changer."
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