Après son adoption définitive à l’Assemblée nationale le 9 juillet dernier, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, sera signée par le Président de la République et promulguée, dès les éventuels recours devant le Conseil Constitutionnel épuisés. Une grande partie des mesures qu’elle contient seront applicables immédiatement.
Les mesures pour lesquelles il est précisé que des règlements d’application sont nécessaires, entreront progressivement en vigueur. Pour l’essentiel, ces décrets et arrêtés seront pris soit immédiatement après de cette promulgation, soit pour plus de la moitié d’entre eux, d’ici la fin de l’année 2015. Une évaluation régulière sera menée auprès du Premier Ministre par France Stratégie et le Ministre réunira plusieurs fois dans l’année qui vient les membres de la commission spéciale de l’Assemblée Nationale pour des points d’étape de l’adoption des règlements et de leur mise en œuvre.
Tour d'horizon des principaux changements pour le Bâtiment et les Travaux Publics
Simplification
La réglementation des projets industriels ou d'urbanisme sera simplifiée.
Ce qui bloque
Aujourd’hui, les grands projets industriels ou d’urbanisme souffrent de délais de réalisation trop longs, en raison notamment de la complexité de la réglementation – par exemple en ce qui concerne les autorisations connexes au permis de construire ou certaines évaluations environnementales redondantes.
Ce qui a été adopté
- Les projets d’intérêt économique majeur pourront bénéficier d’une autorisation unique, remplaçant les autorisations existantes connexes à l’autorisation ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement).
- Le Gouvernement est habilité par ordonnance à généraliser ce principe d’autorisation unique au-delà des expérimentations actuellement prévues.
- Les certificats de projets (offrant l’assurance d’une stabilité du cadre réglementaire, d’un interlocuteur unique pour le porteur de projet et d’une réponse garantie délivrée en deux mois par le Préfet de département) seront étendus à l’Île-de-France et en Rhône-Alpes pour les projets qui présentent un intérêt régional majeur pour le développement des transports ferroviaires ou lorsqu’ils sont liés à une telle opération.
- Le Gouvernement sera habilité à légiférer par ordonnance pour concrétiser l’objectif de réduction du délai et de simplification des démarches liées aux permis de construire.
Quand ?
ICPE : application immédiate.
Principe d’autorisation unique : courant 2016.
Certificats de projet : immédiat.
Réduction des délais pour le permis de construire : 1er janvier 2016.
Action en démolition
L’action en démolition sera recentrée sur les cas où elle est indispensable.
Ce qui bloque
Malgré l’ordonnance de 2013, les recours abusifs, notamment concernant les projets de logements sociaux, restent très nombreux. Les projets sont en effet bloqués en attente de purge des différents délais de contentieux potentiels. Dans l’attente, les banques n’accordent pas les garanties d’emprunt, empêchant leur réalisation. 40 000 logements seraient concernés à l’échelle nationale. Parmi les différentes procédures permettant d’obtenir la démolition, « l’action en démolition » au titre du code de l’urbanisme permet d’obtenir la démolition uniquement d’une construction réalisée conformément à un permis dans un premier temps délivré puis annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. Cette procédure qui dans les faits représente des cas très ciblés et ne conduit presque jamais à une démolition bloque pourtant un grand nombre de projets.
Ce qui a été adopté
Sur les bases des propositions du rapport du vice-président du conseil d’État, Monsieur Daniel Labetoulle :
- L’action en démolition sera recentrée sur les constructions dans les zones particulièrement sensibles (parcs nationaux, zones Natura 2000, zones inondables, etc.) ;
- Sans préjudice d’autres procédures permettant la démolition de constructions illégales ou sans permis, la procédure permettant d’obtenir en amont la suspension de travaux, privilégiant les requérants de bonne fois, sera privilégiée.
Quand ?
Immédiat.
Travaux autoroutiers
Les marchés des travaux autoroutiers seront mieux régulés et plus transparents.
Ce qui bloque
L’Autorité de la Concurrence a identifié un risque concurrentiel spécifique pour les marchés de travaux, de fournitures et de services autoroutiers, lié au fait que les sociétés d’autoroutes sont contrôlées par des groupes de BTP. Les PME du bâtiment peuvent s’en retrouver lésées, n’ayant pas accès à ces marchés. C’est pourtant un véritable potentiel de croissance et d’activité pour ces entreprises.
Ce qui a été adopté
Les concessionnaires d’autoroutes procèderont à une publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes pour les marchés de travaux, fournitures ou services. La transparence s’en trouvera ainsi accrue.
Selon la taille du marché concerné, les concessionnaires d’autoroutes devront instituer une commission des marchés, composée en majorité de personnalités indépendantes. Cette commission, contrôlée par l’ARAFER, sera chargée de définir les règles de passation et d’exécution du marché.
Quand ?
6 mois après promulgation.
Travailleurs détachés
La lutte contre la fraude au travail détaché sera renforcée.
Ce qui bloque
Dans un contexte de vive concurrence, les TPE et PME, notamment celles qui appartiennent au secteur du bâtiment, sont particulièrement sensibles à des pratiques déloyales de recours frauduleux à des salariés détachés.
Ce qui a été adopté
Les sanctions à l’encontre des entreprises qui contournent les règles du détachement et leurs donneurs d’ordre seront renforcées :
Une amende administrative de 2.000 € au maximum avec un plafond global à 500.000 € sera prononcée, en l’absence de déclaration préalable de détachement, ou lorsque les documents utiles au contrôle de la régularité du détachement, exigibles en langue française, ne sont pas présentés par l’employeur à l’inspection du travail ;
La suspension d’un mois de l’activité d’un prestataire étranger qui a détaché des salariés sera maintenue jusqu’à régularisation :
- En cas de manquement grave à l’ordre public social (non respect du SMIC, de la durée maximale de travail et des conditions de travail et d’hébergement) ;
- En cas de non présentation des documents et informations permettant de vérifier le respect de ces règles de droit du travail.
- Les composantes du salaire minimum devant être versé par l’employeur étranger à un salarié détaché en France seront clarifiées dans la loi : il sera ainsi précisé que le salaire minimum est constitué également de tous les accessoires de salaire prévus par les conventions collectives ;
- Une entreprise ne pourra plus détacher des salariés lorsqu’elle exerce une activité habituelle, stable et continue en France, ou lorsqu’elle n’exerce aucune activité hors simple gestion dans son État d’origine.
Les sanctions qui concernent le donneur d’ordre qui n’aura pas rempli son obligation de vigilance seront renforcées :
- Il encourra, à ce titre, une amende administrative de 2.000 €, au maximum, par salarié détaché, avec un plafond global à 500.000 € ;
- Il sera également tenu de transmettre une déclaration de détachement à l’inspection du travail, lorsque l’employeur des salariés détachés en France n’aura pas respecté cette obligation ;
- Enfin, il devra enjoindre l’employeur de salariés détachés en France de respecter l’obligation de rémunérer ses salariés au salaire minimum. A défaut de rompre le contrat qui les lie, le donneur d’ordre sera tenu au paiement de ces rémunérations.
Il ne sera ainsi plus possible de faire porter la responsabilité de ce manquement sur son seul sous-traitant.
L’efficacité du contrôle du respect des conditions d’hébergement sera accrue, donnant la possibilité aux inspecteurs du travail de pouvoir pénétrer dans tout local destiné à l’hébergement collectif des travailleurs afin de contrôler leur conformité au code du travail.
Une carte d’identification professionnelle sera délivrée à chaque travailleur détaché travaillant dans le secteur du bâtiment ou des travaux publics. Elle comportera des informations relatives au salarié et à son employeur.
Quand ?
Immédiat.
Projet CIGEO
La mise en œuvre du stockage souterrain des déchets nucléaires sera sécurisée.
Ce qui bloque
Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) est le projet industriel développé par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, en vue de trouver une solution pérenne pour la gestion de déchets hautement radioactifs. Son coût estimé est supérieur à 20 Md€, représente l’un des plus grands projets d’infrastructure d’ici 2025, et générera 2 000 emplois pendant sa construction.
La France produit plus de 75 % de son électricité de son parc nucléaire, construit progressivement depuis 1957 ; cette production génère des déchets dont une faible part de déchets hautement radioactifs qui sont aujourd’hui entreposés sur les sites des centrales ou sur le site de l’usine de la Hague dans l’attente d’une solution définitive de gestion. Dans la foulée de l’adoption de la loi Bataille en 1991, différentes techniques de gestion définitive ont été expertisées et ont conclu que le stockage à grande profondeur était une solution sûre et incontournable.
Après poursuite des études, un site géologiquement favorable a été identifié à Bure où un premier laboratoire souterrain a été construit tandis qu’était défini le projet de centre industriel de stockage géologique. Après le débat public mené en 2013 sur la mise en œuvre du projet Cigéo, il convient aujourd’hui de définir précisément les conditions du stockage sur le site de Bure.
Ce qui a été adopté
La loi prend en compte le débat public mené en 2013, ce qui est nécessaire pour la poursuite du projet. Elle définit tout d’abord la notion de réversibilité (cf. encadré), ce qui est indispensable pour circonscrire précisément les travaux à réaliser. Il s’agit d’une recommandation du débat public de 2013.
Elle introduit également la réalisation d’une phase industrielle pilote, qui permettra de tester in situ les solutions mises en œuvre, avec notamment des essais de récupération de colis de déchets. Cette phase de tests avait également été recommandée lors du débat public en 2013. Ses résultats feront l’objet d’un rapport de l’ANDRA et d’avis de l’ASN et des collectivités locales concernées.
Enfin, la loi apporte des précisions techniques nécessaires à court terme pour adapter les conditions de maîtrise foncière et les jalonnements administratifs avec la spécificité souterraine de l’installation et la progressivité du développement de l’ouvrage.
La notion de réversibilité applicable à CIGEO
La réversibilité est la capacité, pour les générations successives, à revenir sur des décisions prises lors de la mise en œuvre progressive du système de stockage. La réversibilité doit permettre de garantir la possibilité de récupérer des colis de déchets déjà stockés pendant une période donnée et d’adapter l’installation initialement conçue en fonction de choix futurs. La loi impose que des revues de la mise en œuvre de ce principe de réversibilité soient organisées au moins tous les dix ans.
Quand ?
2017 : dépôt de la demande d’autorisation de création du projet industriel par l’ANDRA.
2020 : début des travaux.
2025 : lancement de l’exploitation, pour une durée de 130 ans.
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