Ce contrat de 2 ans pour fournir à la filiale de Bouygues 7.000 m2 de dalles destinés aux tout premiers parkings et routes solaires ouverts au publics dans le monde, "c'est une chance inespérée pour SNA et pour Tourouvre-au-Perche", pense Guy Monhée, maire de cette commune de l'Orne de 3.400 habitants.
Cette coopérative ouvrière emploie 77 personnes en CDI, et une vingtaine d'intérimaires pour Noël, après avoir supprimé 40 postes en 2015. La société est en conflit à ce sujet avec d'anciens salariés.
En redressement judiciaire depuis un an, la coopérative espère sortir de cette procédure début février et dégager à nouveau des bénéfices en 2018, précise prudemment Hervé Emery, le PDG de l'entreprise qui réalise 80% de son chiffre d'affaires dans les CDs et DVD, 10% dans les routes solaires (qui occupent 23 salariés) et 10% dans les panneaux photovoltaïques classiques destinés aux toitures.
Les dalles Wattway fabriquées par SNA produisent déjà depuis quelques mois de l'électricité sur quatre sites pilotes en France. Et pour la première fois, une route départementale longue d'un kilomètre et couverte de dalles solaires sera inaugurée jeudi à Tourouvre.
"L'espoir est réel. Le chiffre d'affaires 2016 devrait être supérieur à celui de 2015 (12 millions d'euros), une première depuis 2005 et le déclin du marché des CD et DVD", précise Hervé Emery.
Entre-temps, la PME fondée en 1980 sur les cendres d'une entreprise belge qui fabriquait des électrophones, s'est diversifiée dans l'assemblage de panneaux solaires.
Reconversion pas si complexe
En septembre 2010, sur les conseils des vendeurs allemands de machines à fabriquer les CDs, SNA investit 50 millions d'euros pour se lancer dans l'assemblage de panneaux photovoltaïques. Techniquement, la reconversion n'est pas si complexe car il y a des points communs entre les CDs et les panneaux solaires.
Mais trois mois plus tard, en décembre 2010, le gouvernement décide de baisser progressivement les tarifs de rachat de l'électricité solaire par crainte d'être dépassé par la demande et de dépenser trop d'argent dans ces contrats de rachat sur 20 ans, estime M. Emery, directeur général depuis 2009.
"Avec en plus la concurrence des Chinois, des reportages en défaveur du solaire, des problèmes avec des panneaux concurrents mal fabriqués: on n'a plus vendu un panneau. Ca a été la catastrophe jusqu'en 2012", poursuit le PDG.
Près d'un poste sur deux
Selon l'Agence pour l'environnement (Ademe), 14.500 emplois ont été détruits dans la filière photovoltaïque entre 2010 et 2012, soit près d'un poste sur deux en France.
Mais depuis, petit à petit, "les gens qui avaient acheté des panneaux bas de gamme parce qu'ils nous trouvaient 10, 15, 20% plus chers, sont revenus vers nous car ils en ont eu assez d'avoir des problèmes avec leurs installations", assure Christophe Coeuru, responsable commercial photovoltaïque de SNA.
Mais lorsqu'en 2015 Colas s'est mis à chercher un fabricant pour ses routes solaires, la société n'a pas eu l'embarras du choix. "On avait consulté trois entreprises", précise Jean-Charles Broizat, directeur de Wattway.
"Quand vous faites un panorama de l'industrie photovoltaïque, c'est catastrophique, vous trouvez des pertes abyssales, une industrie sclérosée, dominée par l'Asie", poursuit M. Broizat.
Si SNA s'en est sortie, c'est qu'elle ne s'est pas lancée dans le tout solaire et qu'elle a misé sur la qualité plutôt que de tenter de rivaliser avec les prix des concurrents chinois, affirment ses dirigeants.
Pour continuer à se diversifier, elle va bientôt relancer la production de vinyle, abandonnée en 2003.
L'éventuel renouvellement du contrat avec Colas au-delà de décembre 2017 "dépendra des résultats de l'expérimentation".