L'Assemblée de Corse vote un plan de développement et d'aménagement durable

Le plan de développement et d'aménagement durable pour la Corse (PADDUC), véritable projet de société de 3.000 pages, a été adopté vendredi par 36 voix sur 51 après deux jours de débats. Ce plan vise notamment à assurer pour trente ans l'équilibre entre la protection de la nature et du patrimoine et le développement socio-économique de l'île.

"Nous avons élaboré ce projet collectivement et votre vote marquera un moment important de notre histoire que les Corses attendent depuis plus de trente ans", a déclaré la conseillère exécutive Maria Guidicelli en ouvrant le débat.

Cheville ouvrière de ce plan élaboré depuis quatre ans, Mme Guidicelli, membre de la majorité de gauche au pouvoir en Corse, s'est félicité du "dialogue voulu" par toutes les composantes de l'assemblée.

"Il est vital aujourd'hui, a-t-elle ajouté, de mettre un coup d'arrêt à une situation qui ne cesse de se dégrader (et) il est temps que des digues soient posées (...) pour arrêter l'hémorragie foncière".

Qualifié toutefois de "tromperie" par les organisations de défense de l'environnement, qui estiment que ce plan ne permettra pas d'enrayer la spéculation et la bétonisation de la Corse, le PADDUC prévoit notamment de préserver 105.000 hectares d'espaces stratégiques agricoles.

Il souligne aussi l'importance de promouvoir l'économie productive pour dégager l'île des seules industries du tourisme et du BTP. Insistant sur le caractère politique du document, le dirigeant de la coalition nationaliste Femu a Corsica (Faisons la Corse, 11 élus sur 51), Jean-Christophe Angelini, a évoqué les "craintes et les menaces" pesant sur le plan.

44 amendements

Ce groupe a déposé dix amendements pour marquer, selon un autre dirigeant de la coalition, le maire de Bastia Gilles Simeoni, "l'irréductible fidélité au fil historique de la lutte du peuple corse pour la défense de sa terre".

"Sans attendre l'évolution constitutionnelle qui est inévitable, la Corse que nous voulons construire ensemble repose sur le peuple corse et sur la co-officialité de la langue", mentionnés dans le texte, a ajouté M. Simeoni. Pour l'indépendantiste Josepha Giacometti du parti Corsica Libera (3 élus), "ce document n'est pas assez contraignant".

Ce PADDUC est le premier document de ce type élaboré par les élus insulaires depuis l'adoption d'un schéma d'aménagement préparé par l’État et adopté en 1992 et après l'abandon d'un précédent PADDUC en 2009. Présenté par la droite, alors majoritaire à l'assemblée territoriale, il axait le développement de la Corse sur l'économie résidentielle et la construction à outrance de résidences secondaires.

Sous la pression des défenseurs de l'environnement et des nationalistes, notamment, ce PADDUC avait été abandonné, ce qui n'a pas empêché le BTP de connaître un fort développement sur fond d'"urbanisation anarchique", aujourd'hui dénoncée par Mme Guidicelli, et de spéculation foncière et immobilière.

La Corse a été parallèlement le théâtre d'une forte poussée de la pauvreté et du grand banditisme sur fond de règlements de comptes de type mafieux. Par la voix de l'élue UMP Stéphanie Grimaldi, la droite, rejoignant des réserves déjà émises par l'État, a souligné la "fragilité juridique" et les risques d'inconstitutionnalité du plan en raison de ses références au peuple corse et à la co-officialité de la langue corse, déjà votées par l'assemblée.

Mme Grimaldi a aussi dénoncé "les contraintes et le blocage" imposé en matière de constructions nouvelles. Ce PADDUC, a-t-elle déclaré, est "un projet de non développement dépourvu de dimensions prospectives entendant imposer une vision restrictive" des lois sur la protection du littoral.