Votée le 17 août 2015, la loi rendait obligatoire l'Isolation Thermique par l'Extérieur (ITE) en cas de ravalement de façade des bâtiments, exceptés ceux présentant des spécificités énergétiques et architecturales. Les associations nationales de protection du patrimoine dont Maisons Paysannes de France, regroupées dans le G8 Patrimoine, avaient obtenu qu'un décret précise les catégories de bâtiments concernés et ceux exemptés (en fonction de la date de leur construction ou des matériaux mis en oeuvre).
Or le décret du 30 mai 2016 avec application au 1er janvier 2017 généralise l'ITE à tous les bâtiments. Ce décret, relatif aux "travaux embarqués" (c’est-à-dire rendus obligatoires à l’occasion d’autres travaux) confirme les craintes des associations. Ce texte complexe - malgré les protestations émises lors de la consultation du public - est à la fois irrespectueux de la loi qu’il entend appliquer, coûteux pour les propriétaires, inutile et désastreux pour la qualité architecturale.
Alerter les propriétaires
Il crée en effet une obligation générale d’isolation par l'extérieur pour tout propriétaire entreprenant des « travaux de ravalement importants » ou de réfection de toiture. Or, cette technique conduit à masquer et à détruire les façades d’origine et génère d’importants problèmes sanitaires. Afin de s’exonérer de cette obligation, hors quelques exceptions patrimoniales, un propriétaire devra faire dresser par un architecte - qui sera généralement celui de l’opération - une « note argumentée justifiant de la valeur patrimoniale ou architecturale de la façade et de la dégradation encourue » (nouvel article R 131-28-9 II du code de l’urbanisme). Le décret impose en définitive la rémunération d’un professionnel pour ne pas isoler son bien n’importe comment...
Sauver notre patrimoine et notre cadre de vie
Les associations avaient pourtant obtenu satisfaction s’agissant de l’isolation par l’extérieur dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, texte que le décret ignore. Ainsi, la loi prévoit que les travaux de rénovation énergétique tiennent « compte des spécificités énergétiques et architecturales du bâti existant », l’obligation ne s’appliquant qu’à certaines « catégories de bâtiments » à déterminer par la voie réglementaire, tandis que le terme « isolation par l’extérieur » était volontairement supprimé de la liste des travaux obligatoires afin de privilégier d’autres techniques moins intrusives.
Dans le cadre du décret d’application de la loi, les associations demandaient par conséquent que certaines catégories de bâtiments - à définir par leurs matériaux constitutifs ou leur date d’édification - soient exclues de l’obligation d’isolation (un propriétaire pouvant cependant y recourir volontairement). Il s’agissait de concentrer les effets de la loi sur les constructions des Trente Glorieuses, les plus énergivores et dotées des façades les moins ornées. Ainsi, selon une circulaire du ministère de l’écologie de juillet 2013, les bâtiments construits avant 1948 « bénéficient de performances énergétiques relativement bonnes, proches des constructions du début des années 1990 » et ne représentent que le tiers du parc des logements.
Les associations demandaient également que toute isolation par l’extérieur (volontaire ou obligatoire) soit soumise à un diagnostic indépendant, confié notamment aux Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), afin d’en éclairer la pertinence et les modalités. Elles proposaient finalement de limiter l’obligation d’isolation du bâti ancien aux travaux d’aménagement des combles, première source de déperdition d’énergie dans ces constructions. Ces propositions ont été rejetées par l'ajournement sine die du processus de consultation établi au ministère de l’Environnement et par la reprise du projet de décret initial.
Faire des économies d’énergie logiques et adaptées
En livrant ainsi nos maisons à l’industrie du prêt-à-isoler, ce texte tient pour négligeable leur valeur culturelle et esthétique. La France, première destination touristique mondiale par la beauté et la diversité de ses paysages naturels et bâtis, est ainsi atteinte dans sa richesse. L’idée de relancer l’économie par des travaux obligatoires, instrumentalisation de la lutte contre le réchauffement climatique, est à très courte vue. Les ravages des changements systématiques de menuiseries anciennes ne doivent pas être étendus aux façades elles mêmes.
Un décret qui fait aussi fi des très nombreux et intéressants travaux, menés aussi par les propres services de l’État, qui montrent la diversité de notre bâti, de ses qualités thermiques et des solutions correctrices le cas échéant. Devant ces menaces inédites pour notre cadre de vie, et dans l’attente d’évolutions, les associations nationales de protection du patrimoine reconnues d’utilité publique ont déposé un recours gracieux fin juillet contre ce décret afin de préciser les catégories de bâtiments concernés par cette loi.
A défaut, les associations sont déterminées à saisir le Conseil d’Etat de sa légalité, convaincues qu’aucune relance durable ne peut résulter de l’enlaidissement de notre pays.