A partir de jeudi, les 2.000 automobilistes qui empruntent en moyenne chaque jour la RD5 pour sortir de Tourouvre rouleront pendant un km sur des panneaux solaires collés sur la chaussée.
Ces 2.800 m2 de dalles aux allures de carrelage plastifié doivent permettre de produire l'équivalent de l'éclairage public d'une ville de 5.000 habitants, selon la direction de Wattway, le projet co-inventé par Colas et le CEA Tech. Elles sont fabriquées par la Scop SNA à Tourouvre.
L'ensemble des travaux est couvert par une subvention d'Etat de 5 millions d'euros hors taxe, précise le conseil départemental.
Quatre sites pilotes en France
Depuis quelques mois, le concept est déjà expérimenté sur quatre sites pilotes (deux en Vendée, un à Septèmes-les-Vallons, près de Marseille, un dans les Yvelines) sur des parkings, ou devant des bâtiments publics. Les surfaces sont beaucoup plus petites, de 50 à 100 m2 de dalles solaires.
A la Roche-sur-Yon, par exemple, depuis juin, "pratiquement tous les week-ends des voitures électriques viennent recharger leur batterie à la borne du complexe sportif et culturel Vendéspace, alimentée par 50 m2 de dalles solaires. Les cellules photovoltaïques n'ont pas bougé. Ca fonctionne parfaitement bien", assure à l'AFP le député LR de la Vendée Alain Leboeuf qui préside le Syndicat départemental d'énergie (Sydev), partenaire de cette expérimentation.
Ailleurs, les dalles pourraient alimenter les aires d'autoroutes ou les maisons isolées, précise Wattway.
La route solaire ornaise est une "première mondiale", explique Jean-Charles Broizat, directeur de Wattway, ce que confirment les concurrents.
Au nord d'Amsterdam, une piste cyclable solaire de 70 m est en service depuis deux ans, sur une voie où passent quelques 2.000 vélos par jour. Si le revêtement a mal résisté au premier hiver, le problème a été résolu depuis: la piste "SolaRoad" vient d'être prolongée de 20 mètres, assure TNO, société à l'origine du projet. "Nous avons des projets de routes solaires publiques pour 2018", précise Sten de Wit, de TNO.
L'Allemagne est aussi sur les rangs. "Nous projetons une route test de 150 m près de Cologne à l'été 2017, puis une route publique fin 2017", explique Donald Müller-Judex, ingénieur à l'origine du projet Solmove, basé en Bavière.
Aux Etats-Unis, le Missouri "travaille" à l'installation d'environ 19 m2 sur un trottoir à proximité de la Route 66, indique à l'AFP Tom Blair, ingénieur au ministère des Transports de cet Etat (MoDOT) sans donner de date.
Objectif ambitieux mais coût élevé
A chaque fois, le concept est de coller sur la route des panneaux solaires protégés par une résine pour produire de l'électricité. Avantage: la production d'électricité ne gêne personne sur ces surfaces qui ne sont en moyenne occupées par les voitures que 20% du temps, selon Colas. Avec un million de km de routes, la France pourrait ainsi en théorie accéder à l'indépendance énergétique en pavant le quart de ses routes, met en avant la société.
Inconvénient: les panneaux à plat produisent moins d'électricité que les panneaux inclinés. Pour "300 kWh installés", les dalles Wattway produisent "5 à 10 kW de moins" que les toitures, selon M. Broizat.
Les sceptiques attendent aussi de voir si les panneaux résisteront effectivement, avec le temps, en dehors des laboratoires, au passage des poids-lourds et aux intempéries.
Surtout, le modèle économique reste à trouver: "Aujourd'hui Wattway est à 17 euros le watt-crête (unité de mesure de l'énergie solaire) raccordé", selon M. Broizat, contre 1,3 euro pour le solaire en grande toiture, selon le syndicat des énergies renouvelables (SER).
Mais Wattway compte d'ici à 2020, "rejoindre" le prix de production du solaire classique. Un objectif "ambitieux" mais "réaliste", selon Colas. Car le coût de production de l'énergie solaire classique a diminué de 60% entre 2009 et 2015, selon le SER.