Six ans après l’accident, le plan d’action déployé par TEPCO, exploitant de la centrale, pour assainir le site, évacuer les combustibles nucléaires stockés dans les piscines des réacteurs accidentés, gérer l’eau contaminée et les déchets a progressé, même si beaucoup reste à faire. La récupération des combustibles nucléaires fondus (« coriums ») demandera de nombreuses années et sera d’autant plus complexe que la preuve d’un percement des cuves des trois réacteurs (1, 2 et 3) a été apportée et que les coriums semblent s’être déposés sur les radiers, sous les cuves des réacteurs.
Le programme de décontamination des territoires continu, permettant le redémarrage de l’activité économique et le retour progressif des populations. Dans les prochains mois, le retour des populations pourrait s’accélérer avec l’arrêt des aides pour les personnes déplacées issues de territoires décontaminés et rouverts.
Avec l’arrêt provisoire de ses réacteurs nucléaires, le Japon produit l’essentiel de son électricité (87%) à partir d’énergies fossiles. La hausse des émissions de CO2 a même conduit le Japon à sortir de la trajectoire fixée par le Protocole de Kyoto.
Fin 2015 à la COP 21, le Japon a affirmé vouloir réduire de 26 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 2013. Pour parvenir à cet objectif, le gouvernement mise sur les énergies bas carbone. En 2030, les énergies renouvelables pourraient ainsi représenter jusqu’à 23% du mix électrique et l’énergie nucléaire 21 %.
Impact radiologique de l’accident
Les populations locales
La surveillance épidémiologique des habitants de Fukushima s’étalera sur 30 ans6. Une enquête a été réalisée sur l’ensemble des personnes qui résidaient dans la préfecture de Fukushima au moment de l’accident (plus de 2 millions de personnes). Au total, 564 083 personnes ont répondu à l’enquête. Parmi elles, seules 15 ont reçu plus de 15 mSv (la plus haute dose étant 25 mSv) durant les 4 premiers mois suivant l’accident.
Un deuxième suivi, qui consiste en un bilan thyroïdien (échographie, puis biopsie en cas de d’anomalie), est également réalisé depuis l’accident sur les enfants qui étaient alors âgées de 0 à 18 ans, soit 367 707 personnes. Cette campagne d’analyses est périodique (tous les deux ans) afin de constater l’éventuelle augmentation des cas. La première campagne a débouché sur la détection d’une tumeur cancéreuse qui a été retirée pour 98 enfants, soit un taux d’incidence de 11 pour 100 000. Des campagnes similaires ont été menées dans des préfectures japonaises non touchées par les retombées radioactives (Aomori, Yamanashi…), afin de comparer les résultats, le taux d’incidence était alors compris entre 23 et 130 pour 100 000. Il n’y a donc pour l’instant aucun lien entre les retombées radioactives et l’incidence des cancers de la thyroïde.
Les personnes évacuées à la suite de l’accident sont également suivies régulièrement pour des bilans de santé globaux. Les conséquences sur l’état de santé général comprennent la prise de poids, l’augmentation de problèmes hépatiques (probablement à cause de l’alcool) et d’insuffisances rénales, des syndromes dépressifs, etc. Ces problèmes ont tendances à baisser au fur et à mesure du temps, confirmant le rôle de l’évacuation dans leur survenue.
Le dernier type de population suivie était celui des femmes enceintes. Hormis une très légère hausse du taux d’avortement entre 2011 et 2012 (respectivement 0,06 % et 0,8 %) – qui baisse en 2013 (0,04 %) –, les taux de fausses couches, de naissances prématurées et de malformations à la naissance sont comparables à la moyenne nationale japonaise.
Les travailleurs du nucléaire
Concernant les travailleurs du nucléaire, la loi autorise une exposition cumulée maximum en cas d’urgence de 250 mSv. À ce jour, sur les 46 490 personnes ayant travaillé sur la centrale, seulement 6 travailleurs ont dépassé cette limite, et 174 ont dépassé 100 mSv (ancienne limite, reprise en novembre 2011, leur nombre est stable depuis cette date). Le Comité scientifique de l'ONU sur les conséquences des émissions radioactives (UNSCEAR) estime que sur ces 174 travailleurs, 2 à 3 cas de cancers additionnels pourraient survenir en plus des 70 cancers environ attendus en l’absence d’exposition. Aucun décès de travailleur n’a jusqu’à maintenant été attribuable à l’exposition aux radiations.
La situation sur place
Le stockage de l’eau contaminée
Les réacteurs accidentés de la centrale de Fukushima Daiichi sont maintenus à une température de 20 à 30°C par injection continue d’eau douce. Chaque jour, environ 350 tonnes d’eau radioactive sont donc extraites par le système de refroidissement (eau recyclée des circuits d’épuration à laquelle s’ajoutent les entrées d’eau depuis la nappe phréatique, les bâtiments n’étant plus étanches). Conservées sur le site, il y en a désormais près d’un million de m3 dans 1 300 réservoirs.
Un système complet de traitement des eaux est désormais en place. Ces différents procédés de décontamination se révèlent particulièrement efficaces et traitent entre 1 300 et 2 000 m3 par jour. Aujourd’hui, la majeure partie du stock a été traitée (plus de 90 %). Parallèlement, des réservoirs de moins bonne qualité, installés en urgence dans les premières années, et présentant des risques de fuites, sont remplacés par des réservoirs soudés de 2 000 m3 installés dans des rétentions étanches. L’autorité de sûreté japonaise n’a pas encore autorisé le rejet en mer des eaux épurées.
Sous le contrôle de l’autorité de sûreté japonaise, TEPCO a mis en place un système de contrôle des rejets en mer des eaux contaminées de la nappe phréatique. Celui-ci se décline en trois systèmes :
- Un prélèvement d’une partie des eaux phréatiques amont pour limiter les entrées dans les réacteurs, et leur rejet en mer après contrôle.
- La construction d’une paroi étanche de 800 m de long descendant à 23 m de profondeur en bord de mer jusqu’à une couche géologique argileuse étanche. L’eau de la nappe, contaminée suite à son passage dans et autour des réacteurs, est prélevée en amont de cette paroi, traitée et rejetée en mer après épuration depuis fin 2015. Les rejets en mer ont ainsi été drastiquement réduits.
- Une paroi étanche de 1 400 m entourant complètement les 4 réacteurs, descendant également à 23 m de profondeur a été réalisée entre 2014 et 2016. Elle fait appel au gel d’une épaisseur d’environ 3 m d’épaisseur du sol. Cette technique est également utilisée en architecture pour la construction de tunnels à proximité de rivières. Mise en service fin 2016, cette paroi étanche vise à réduire le débit entrant de la nappe phréatique dans les soubassements des réacteurs et limiter ainsi les volumes d’eau contaminée.
L’évacuation des combustibles nucléaires
Une étape importante a été franchie fin 2014 par TEPCO avec le retrait des combustibles de la piscine du réacteur 4, la plus chargée en combustibles nucléaires. L’électricien y a retiré, avec deux mois d’avance sur le calendrier initial, les 1 533 assemblages de combustible (dont 1 331 usés) qui s’y trouvaient.
L’opération, complexe, imposait de débarrasser complètement les débris autour de la piscine, de décontaminer les surfaces libérées et de construire au-dessus une structure de confinement équipée de moyens de manutention de charges permettant de lever les containers blindés de transport des combustibles usés. La difficulté était encore accrue par la volonté de ne pas faire porter au bloc réacteur, fragilisé, l’ensemble de la nouvelle installation.
L’expérience acquise est prise en compte pour les projets d’évacuation des combustibles des piscines des réacteurs 1, 2 et 3. L’exploitant prévoit d’achever ces opérations d’ici 2020. Le hall supérieur du réacteur 3 a été totalement déblayé et un nouveau hall de manutention avec son équipement a été préfabriqué hors site et devrait être monté en 2017. Le hall provisoire du réacteur 1, monté en 2012, a été démonté afin d’engager le déblaiement des structures supérieures.
Ces opérations sont réalisées à l’aide de robots téléopérés pour éviter la contamination des opérateurs.
Vers la récupération des coeurs détruits (« coriums »)
L’exploration de l’intérieur des 3 réacteurs accidentés requiert la réalisation de nombreux robots d’exploration adaptés à chaque situation et devant, pour certains, être en mesure de résister à des niveaux de radioactivité extrêmement élevés. Les locaux ont ainsi pu être explorés et une cartographie des ambiances radioactives établie afin de préparer leur nettoyage et la déconstruction des équipements pour faciliter l’accès aux coriums.
En 2016, pour la première fois, un robot a pu accéder au puits sous la cuve du réacteur 2 et a pu ainsi démontrer qu’une part du corium avait traversé le fond de la cuve du réacteur, percé un platelage donnant accès aux mécanismes de contrôle des réacteurs (en fond de cuve contrairement aux réacteurs français) et s’écouler sur le socle de béton en fond du puits de cuve. La difficulté de récupération du corium, dans un espace confiné et encombré, se confirme donc d’autant plus que l’ambiance radioactive est extrêmement élevée et qu’il n’est pas certain qu’il sera possible d’intervenir sous eau.
La récupération des débris de combustible fondu dans les réacteurs accidentés de Fukushima Daiichi est une étape primordiale dans le programme de démantèlement de la centrale qui demandera entre 30 et 40 ans.
Le stockage temporaire des déchets radioactifs issus de la décontamination
Les déchets du chantier de Fukushima Daïchi sont entreposés à la périphérie du site. Il s’agit pour l’essentiel de déchets de très faible activité et de moyenne activité à vie longue (terres, végétaux, structures en béton…).
Le gouvernement japonais avait envisagé en 2014 la réalisation d’un site de stockage national des déchets résultants de l’assainissement des territoires contaminés. Faute de consensus sur ce projet, le gouvernement a demandé à chaque préfecture d’organiser ses propres entreposages.
Un site de stockage intérimaire a été construit à proximité de Fukushima Daiichi, sur les communes de Futaba et Okuma. Les propriétaires des terrains sur lesquels est implanté le site ont cédé leurs biens ou les ont loués pour 30 ans, durée prévue d’exploitation du site de stockage. Les travaux ont débuté le 3 février 2015. Le site s’étend sur 16 km² et accueillera 30 millions de tonnes de déchets.
La décontamination de l’environnement et le retour des populations
La décontamination des territoires
A l'inverse des autorités soviétiques puis ukrainiennes après l’accident de Tchernobyl, le Japon a décidé de « reconquérir » les territoires contaminés. Six ans après l’accident, les actions massives de décontamination et de revitalisation se poursuivent tant dans les zones évacuées que dans celles contaminées mais non évacuées.
Le programme de décontamination des territoires progresse conformément aux objectifs. Les niveaux de contamination ont fortement diminué et permettent le retour progressif des habitants dans les zones évacuées. Mais la décontamination reste difficile à mettre en oeuvre dans certaines zones, notamment dans les forêts.
Les méthodes de décontamination utilisées réduisent l’exposition interne et visent à élimer la contamination radioactive de l’environnement humain en raclant le sol, récupérant les feuilles mortes, lavant ou essuyant la surface contaminée d’objets divers, etc. Les sols contaminés peuvent aussi être recouverts par de la terre saine et les champs et jardins labourés.
Le retour des populations
Il reste difficile de prévoir combien de personnes retourneront vivre dans les communes qu’elles ont quittées il y a 6 ans. De nombreuses familles et personnes, notamment les jeunes, se sont réinstallées dans d’autres territoires.
Depuis avril 2014 le retour à tout ou partie de 6 communes a été autorisé (soit pour des séjours permanents, soit en période diurne seulement). Quatre villages devraient rester interdits pour plus longtemps. Une étape importante est prévue fin mars 2017 avec l’arrêt des aides au logement attribuées aux personnes évacuées, quand l’accès à leur commune a été de nouveau autorisé. Cette décision pourrait conduire à des retours plus importants mais fait l’objet d’un débat. Début 2016, 79 000 personnes étaient encore déplacées dont 48 000 dans la préfecture de Fukushima.
En octobre 2016, une enquête de la NHK estimait que 74 % des 25 000 personnes qui avaient quitté la préfecture de Fukushima volontairement après le 11 mars 2011, n’avaient pas l’intention d’y retourner. Par ailleurs, malgré les efforts du gouvernement pour redynamiser la région, la question de l’emploi n’est que très partiellement réglée.
Les denrées alimentaires
En ce qui concerne les productions agricoles des territoires ouverts, elles sont largement en dessous des seuils, sauf rares exceptions (certains champignons par exemple), de même qu’en ce qui concerne la pêche en eau vive. En revanche, la pêche de poissons dans les fonds sédimentaires à proximité du site reste interdite en raison de la fixation du césium dans ces sédiments.
De tous les aliments qui ont été testés depuis 2011 (dont des céréales, des fruits et légumes, de la viande et du lait), les taux de contamination totaux ont diminué pour atteindre un taux négligeable, rendant possible leur consommation. Tous les résultats obtenus ont révélé des niveaux en deçà de 100 becquerels par kilo, limite instaurée par les autorités japonaises au lendemain de la catastrophe.
L’energie nucléaire au Japon
Une autorité de sûreté nucléaire renforcée
En 2012, la Nuclear Regulatory Authority (NRA) a remplacé l'Agence de sûreté nucléaire et industrielle (NISA) et la Commission de sûreté nucléaire (NSC), très critiquées pour leur gestion de l’accident. Sous tutelle du ministère de l'environnement, l’indépendance de la NRA est garantie par son statut. En mars 2014, les 384 salariés de la JNES (Japan Nuclear Energy Safety Organization, similaire à l’IRSN en France) ont intégré officiellement les équipes de la NRA qui compte maintenant près de 1 000 personnes. La NRA dispose désormais d’une compétence technique qui assoit encore sa crédibilité.
Des réacteurs prêts à redémarrer
Pour obtenir l’autorisation de redémarrage d’un réacteur, l’exploitant dépose un dossier auprès de la NRA. Après examen, l’autorité de sûreté donne son avis. En cas d’autorisation de redémarrage, la préfecture est ensuite sollicitée. Les associations peuvent alors se mobiliser et demander l’arrêt du redémarrage de l’installation. Si cette mesure aboutit, l’exploitant ne redémarre pas le réacteur. Avant mars 2011, le Japon exploitait 54 réacteurs nucléaires. L’accident a détruit 4 des 6 unités de la centrale Fukushima Daiichi. Les 2 autres réacteurs ont définitivement été sortis du réseau électrique.
Le gouvernement japonais s’est dit favorable au redémarrage de certains réacteurs. Environ 42 réacteurs sont susceptibles de redémarrer (22 dossiers de redémarrage ont été déposés en février 2016 concernant 12 réacteurs à eau pressurisée et 10 à eau bouillante, comme ceux de Fukushima) et 12 sont définitivement arrêtés. Par ailleurs, la poursuite de la construction de deux réacteurs a été autorisée. Le prototype de surgénérateur rapide de Monju a été définitivement arrêté et son démantèlement engagé.
Six unités ont été autorisées à redémarrer par l’autorité de sûreté. 3 sont actuellement en fonctionnement, 2 ont fonctionné pendant deux mois, début 2016, avant d’être arrêtées sur décision judiciaire, et 1 devrait pouvoir redémarrer en 2020. Ce sont tous des réacteurs à eau pressurisée dans des zones ne présentant pas de risque majeur sur le plan environnemental (séisme, tsunami). Trois réacteurs ont par ailleurs obtenu l’autorisation d’être exploités plus longtemps, des travaux de maintenance sont en cours.
L’avenir de l’énergie nucléaire au Japon
Pour atteindre ses objectifs climatiques, le Japon s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 26 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2013. Pour y parvenir, le gouvernement prévoir de produire 44 % de son électricité à partir de sources bas carbone. A cet horizon, le nucléaire pourrait représenter 21 % de la production d’électricité et les énergies renouvelables 23%. En dépit de ces efforts, en 2030, le mix électrique restera dominé par les énergies fossiles