Le 12 octobre 2016, Newforma, éditeur de solutions dédiées au PIM (Project Information Management), a réuni des experts reconnus du BIM en France autour d’une discussion ouverte sur les enjeux et les meilleures pratiques d’implémentation du BIM et du PIM.
La nécessaire adoption du BIM challenge fortement le secteur du bâtiment. L’information afflue, les échanges se multiplient afin de favoriser la collaboration et la transparence avec pour corollaire une surmultiplication des données difficilement gérable. Quelles limites, quels enjeux, quels bénéfices à une collaboration accrue ? Comment, dans un tel contexte, gérer de manière fructueuse et sécurisée son capital digital
Les experts BIM Razvan Gorcea (Atelier d’Architecture Michel Rémon), Simon Moreau (Bouygues Immobilier), Aybike Avinal (Bureau Pastier), Jean-Paul Trehen (Egis / référent Mediaconstruct), Jim Forester (Newforma), Daniel Hurtubise et Pierre Roscelli (Renzo Piano Building Workshop) ont partagé leurs expériences d’adaptation aux nouveaux impératifs et attentes du secteur de la construction.
L’adoption du BIM en France : un double enjeu économique et juridique
Lancé en 2014 avec un budget de 20 millions d’euros dans le but de relancer et d’améliorer la performance de l’industrie du bâtiment, le Plan de la Transition Numérique dans le Bâtiment (PNTB) vise à généraliser l’adoption du numérique par l’ensemble des acteurs du secteur, et notamment par les PME et ETI, avec un focus particulier sur la maquette numérique et le BIM. Selon le constat des intervenants de la table ronde, l’implémentation du BIM, et notamment l’achat des logiciels et la formation de l’équipe, reste effectivement couteuse pour certaines entreprises de petite ou moyenne taille. Or, le passage au BIM est obligatoire pour garantir la survie des PME et des ETI du secteur, ce qui est aujourd’hui impossible sans l’aide de l’Etat.
Au-delà de l’aspect financier, en France, les entreprises de toute taille doivent faire face à un autre obstacle à l’adoption du BIM, encore plus important : la contradiction entre l’esprit de la loi MOP[1] et la logique collaborative des processus BIM. De même l’absence d’un catalogue unique de spécifications de la maquette numérique ne simplifie pas l’adoption du système. « Comme il n’y a pas de système de classification largement admis par l’ensemble des acteurs, pour chaque projet de construction, les équipes doivent redéfinir les spécifications en repartant de zéro », a précisé Jean-Paul Trehen, responsable BIM d’Egis et représentant de Mediaconstruct. « Ainsi, bien que les entreprises fassent des premiers pas dans la mise en place de la maquette numérique, ses avantages restent souvent limités dans le contexte en l’absence d’un framework généralisé ».
Afin de changer la donne, la nécessité d’une meilleure communication entre les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage s’impose pour que le besoin de classification unifiée soit remonté un jour jusqu’au niveau législatif. « Aujourd’hui, le BIM est souvent perçu par un grand nombre de maîtres d’ouvrage comme un phénomène de mode, il est donc indispensable de les sensibiliser aux réelles opportunités mais aussi aux enjeux du BIM, tels que la classification, la programmation, etc. », insistait Simon Moreau, BIM Manager de Bouygues Immobilier. En s’appuyant sur l’expérience des Etats-Unis en la matière, Jim Forester, Vice-Président Business Development de Newforma, a conclu : « Un modèle commun de documentation des projets permettrait aux entreprises françaises de réduire considérablement les coûts et d’optimiser la productivité des équipes. Il est donc évident que la classification unifiée de modèles finira par s’imposer tout naturellement ».
La gestion de projets BIM : comment faire face à des volumes faramineux de données ?
L’arrivée du BIM a marqué un grand changement dans le travail des ingénieurs et des architectes. Grâce à un plus grand niveau de détail, les acteurs d’un projet peuvent assurer désormais une meilleure performance pour une construction. Mais force est de constater que le BIM génère de gigantesques volumes de données. « À des fins de comparaison, le même type de projet génère 4 fois plus de feuilles lorsqu’il est réalisé avec un processus BIM. Plus le projet est grand, plus le volume des données est important », ont témoigné Daniel Hurtubise, responsable BIM, et Pierre Roscelli, DSI chez Renzo Piano Building Workshop. « La taille de nos projets varie entre 7 000 m² et 1 000 000 m². Il est donc évident que le stockage pose de grands problèmes pour notre équipe IT, mais au-delà de ça, il devient vite difficile de retrouver le bon document ou la bonne information au bon moment. »
Le constat des intervenants de la table ronde est unanime : pour améliorer l’efficacité de la collaboration autour de la maquette numérique, en plus des logiciels BIM, il est important de mettre à disposition des équipes une plateforme collaborative qui puisse optimiser les échanges entre les acteurs et les aider à naviguer plus facilement dans la masse des informations générées au cours d’un projet. « Le BIM a besoin d’un environnement pour les travaux en cours, d’une plate-forme centralisée qui permette de suivre les évolutions du projet et les validations au quotidien », a souligné Jean-Paul Trehen. Selon les experts, la transparence est une condition sine qua non pour une meilleure productivité de l’équipe bien que l’accès à certaines informations doive évidemment pouvoir être configuré. Un système commun, déployé on-premise ou dans le Cloud, permettrait notamment aux entreprises de mieux réduire les risques liés à la perte de contrôle des informations et d’optimiser les avantages de déploiement de BIM tout en permettant aux entreprises de capitaliser sur leur expérience lors des futurs projets et les projets en cours.
[1] Loi n°85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée