Inondations, crues, neige, verglas et fortes gelées, le climat de ce début d'année 2018 n'a pas été tres favorable à la construction. Ces conditions, certes hivernales mais plutôt atypiques au regard des normales saisonnières, ont concerné une grande partie du territoire, perturbant le déroulement de nombreux chantiers. L’impact de ces intempéries de février 2018 est par ailleurs amplifié par la référence à un mois de février 2017 particulièrement dynamique, qui avait, rappelons-le, « surcompensé » un mois de janvier plombé par le froid ! Au total, la lecture conjoncturelle sur ce début d’année est donc compliquée et il faudra attendre les mois de mars-avril pour retrouver la tendance de fond de l’activité. Selon toute vraisemblance, les moteurs de la demande restent enclenchés et les indicateurs disponibles suggèrent que les carnets de commandes demeurent bien garnis, dans les travaux publics comme dans le bâtiment.
Petit coup de froid sur le BPE et les granulats en Février
Après un mois de janvier très pluvieux, le grand froid et la neige ont fait leur apparition en février sur une bonne partie de la France. Si les intempéries ont perturbé le trafic routier, elles ont également impacté les chantiers du bâtiment et des travaux publics et, par voie de conséquence, le marché des matériaux. Selon les premières estimations du mois de février, les livraisons de BPE auraient reculé de -5,5% par rapport au mois de janvier (CVS-CJO). Le recul est encore plus marqué par rapport à il y a un an (-15%) mais, pour mémoire, février 2017 avait été exceptionnellement élevé sous l’effet d’un “rattrapage” du plongeon de janvier. Sur les trois derniers mois connus, la production de BPE se contracte donc de -3,8% au regard du trimestre précédent et atteint quasiment son niveau d’il y a un an (-0,5%). De fait, en cumul sur les deux premiers mois de l’année, la production de BPE s’inscrit en recul de -2,5% sur un an, même si, en cumul sur douze mois elle reste nettement haussière (+6,4%).
Du côté des granulats, le froid semble avoir eu un impact plus limité et surtout plus modéré que la forte pluviométrie de janvier. Ainsi, l’activité s’est redressée de +6,5% par rapport au mois précédent mais elle affiche un repli de -6% par rapport au très bon mois de février 2017. De sorte que, sur les trois derniers mois connus, les livraisons de granulats ont reculé de -3,1% sur un trimestre et de -1,1% sur un an. En cumul sur les deux premiers mois de l’année, l’activité granulats se replie de -2,5% mais demeure en hausse de +3,6% en cumul sur douze mois. Après un quatrième trimestre très dynamique (+6,7% sur un an en données CJO) et une année 2017 qui a enfin renoué avec une croissance solide (+5%), l’indicateur matériaux devrait pâtir lui aussi de ce début d’année chahuté. En données provisoires, il afficherait un repli de l’ordre de -2% sur les deux premiers mois l’année.
Atterrissage graduel dans le bâtiment
Même si le mois de février a été marqué par un léger rebond des permis, la dynamique globale de construction de logements neufs tend à se modérer. En glissement annuel sur les trois derniers mois à fin février, la hausse des mises en chantier ralentit à +6,3% contre +5% pour les autorisations. Pour autant, en cumul sur douze mois, on comptabilise encore 504.800 permis à fin février 2018 et 427.300 logements commencés, soit des progressions respectives de +8% et +12,5%. Cet “essoufflement” des permis constaté ces derniers mois, lié pour partie à une certaine maturation du cycle, relève sans doute aussi d’un environnement institutionnel moins incitatif. En effet, dans un contexte où les prix immobiliers restent tendus et où les taux d’intérêt, certes à bas niveau, ont cessé de baisser (1,62% en janvier 2018 selon la Banque de France), le recentrage des mesures de soutien sur des cibles plus restreintes contribue à dégrader la solvabilité des ménages. L’indicateur de solvabilité calculé par l’Observatoire du Crédit Logement confirme ce diagnostic, baissant de -2,4% entre le deuxième semestre 2016 et le deuxième semestre 2017 sur le marché du neuf et le coût moyen relatif d’une acquisition immobilière est à ses niveaux les plus élevés avec près de 5 années de revenus nécessaires pour l’achat d’un logement.
Pour autant, le moral des entrepreneurs du bâtiment reste bien orienté. En mars, après avoir été impacté par les intempéries, le climat conjoncturel s’est de nouveau légèrement amélioré et les professionnels sont plus optimistes pour les prochains mois. Même s’ils sont jugés un peu moins bien garnis, les carnets de commandes demeurent bien au-dessus de leur moyenne de longue période (avec 7,4 mois de travail en stock contre 5,5 mois en moyenne). Si l’activité se modère un peu dans le logement, il est vrai qu’elle reste vigoureuse du côté du bâtiment non résidentiel dont les permis et les mises en chantier progressent encore respectivement de +10,7% et de +11,6% en glissement annuel les trois derniers mois à fin février, ce qui alimente les perspectives d'activité des professionnels.
TP : début d’année encourageant
Au-delà des intempéries dont les effets se feront immanquablement ressentir sur l’activité des travaux publics au premier trimestre, les facturations ont enregistré une forte hausse en janvier 2018 (+20,1% sur un an selon la dernière enquête de la FNTP) en liaison avec des opérations de grande ampleur initiées en 2017 (Grand Paris Express, Plan de relance autoroutier, Plan Très Haut Débit, projets de Transport Collectifs en Site Propre – TCSP…). À l’inverse, les marchés conclus se sont repliés de -22% au regard d’un mois de janvier 2017 “dopé” par les attributions de projets du Grand Paris Express ; un recul donc très relatif et qui masque en fait une bonne dynamique des prises de commandes, selon la FNTP. Le redressement de l’emploi ces derniers mois en témoigne tout comme l’opinion des chefs d’entreprise qui ne sont plus que 1,4 sur 10 à déplorer des carnets de commandes inférieurs à la normale pour la saison.
Perspectives matériaux 2018
Avec ce début d'année très chahuté, la dynamique conjoncturelle manque un peu de lisibilité même si tous les signaux semblent rester au vert. L'impact final des intempéries sur les volumes annuels étant difficile à estimer, il apparaît prématuré, à ce stade, de revoir nos prévisions. Aussi, compte tenu des indicateurs disponibles dans le bâtiment et les TP , l'activité du BPE devrait décélérer en 2018 (+ 4 % contre + 6,7 % en 2017) tandis qu'elle s'accélérerait dans le granulats (+ 3,5 % contre + 2,3 % en 2017).