Mohammed, plombier et bénévole aux JO de Paris
"La France a toujours eu besoin de main d’œuvre étrangère, mon père est venu travailler sur des chantiers en France dès la fin des années 1960, alors pourquoi nous mettre de côté ?", s'interroge ce plombier-électricien franco-marocain.
Le quadragénaire est arrivé en Ile-de-France en 2010 avec un visa Schenghen qui a expiré après quelques mois, le plongeant dans l'irrégularité. Avec son certificat de plomberie, il trouve rapidement du travail dans le BTP, mais faute de papiers, il n'est pas déclaré.
Or les fiches de paie sont indispensables pour prétendre à une régularisation et sortir de la précarité. "Certains mois je n'étais pas payé car l'entreprise me disait qu'elle n'avait plus d'argent", raconte Mohammed qui en veut aux "patrons voyous" qui "profitent" de sa situation.
Après six ans de travail au noir, il trouve enfin un employeur acceptant de le déclarer ce qui lui permet en 2021 de déposer une demande de régularisation exceptionnelle par le travail. Mais il n'obtient jamais de réponse de la préfecture : "refus implicite" dans le jargon administratif.
"Je fais beaucoup d'efforts pour m'intégrer, je travaille dur", confie, lassé, Mohammed, bénévole lors des Jeux olympiques.
Déterminé à sortir de l'ombre, il s'est engagé dans une nouvelle demande. Après plusieurs mois à tenter de prendre rendez-vous sur le site de la préfecture, il a obtenu une convocation... un an plus tard.
"Ma vie est ici maintenant", poursuit Mohammed qui dit ne pas avoir de doute sur son utilité à la France dont il a fait preuve pendant le Covid où il figurait parmi les professions autorisées à travailler pendant le confinement.
Joseph, en galère à Marseille pour être déclaré
A 29 ans, ce Camerounais compte cinq ans de présence en France et autant d'années d'expérience dans les métiers du BTP (électricité, peinture...) et la climatisation, mais seulement huit fiches de paie, contre douze requises.
"J'ai commencé par travailler dans une entreprise de climatisation pendant quasiment un an et demi", explique Joseph qui est payé à cette époque 40 euros par jour.
"Petit à petit", son patron l'envoie seul en intervention, alors il ose lui demander une augmentation, mais ce dernier lui dit "+non je ne peux pas parce que tu n'as pas de papiers+" et refuse de le déclarer.
"Je travaillais de 8h à 17h, mais je pouvais aussi finir à 19h-20h pour le même prix. Il sait que tu ne peux rien faire, c'est frustrant", témoigne le sans-papier.
Grâce au site le "Bon coin", il trouve un nouveau patron qui le paye 60 euros par jour, en raison de son expérience. Pendant près de deux ans il exerce le métier de plaquiste et peintre, mais là encore on refuse de le déclarer.
En janvier 2024, il est finalement débauché sur un chantier. Son nouvel employeur qui le paie 80 euros par jour engage les formalités pour le déclarer en lui proposant un CDD à mi-temps payé 1.080 euros par mois.
Mais cinq mois plus tard, l'employeur tombe malade et ne lui renouvelle pas son CDD. Depuis juin il contacte des entreprises, mais toutes veulent qu'il travaille au noir.
Amine, employé d'hôtel à Biarritz
"Je suis arrivé en 2018. J'ai dormi trois ans à la rue, sous une tente, à Biarritz. C'était difficile", explique Amine (prénom d'emprunt), Malien de 34 ans dont le visa de travail expire bientôt.
Il a d'abord connu les "petits boulots, comme aider une dame à décharger sa voiture et porter ses affaires", puis la "plonge dans un restaurant": "J'étais bien payé, je faisais beaucoup d'heures supplémentaires, mais le patron me parlait très mal. J'étais sans papier, mais je veux travailler avec le respect".
Depuis 2021, il travaille dans un hôtel: "j'amène les peignoirs, les gels douche, je donne des coups de main au restaurant de l'hôtel..". Il travaille beaucoup mais se dit "bien traité, déclaré".
"Ils m'ont recruté un été, même sans passeport, car ils ne trouvaient vraiment personne. Le mois dernier, après avoir rassemblé toutes mes fiches de paies et d'impôts, j'ai eu mes papiers, valables un an", rapporte l'homme, qui va "bientôt avoir un petit garçon avec (sa) femme, une Française".
"Si tu fais ton boulot, que tu respectes les gens, les institutions, tu dois avoir le droit de rester. A Biarritz tous les hôtels ont besoin de travailleurs. Ils n'arrivent pas à trouver", raconte-t-il. "Quand on travaille, on paie l'assurance maladie, le chômage, on paie plein de choses", rappelle-t-il, en précisant qu'il n'était pas éligible ces dernières années à l'Aide médicale d'Etat (AME, destinée aux sans-papiers) en raison de revenus trop élevés.