La trêve de facto des fêtes de fin d'année s'est traduite par une amélioration des transports jeudi, avec seulement une ligne de métro totalement fermée (la 7 bis) à Paris et un TGV sur 2 en moyenne. Pour les retours du week-end, la SNCF prévoit de faire circuler deux TGV sur 3.
Le taux de grévistes est cependant tombé à 6,9%, son niveau le plus bas depuis le début du mouvement le 5 décembre, avec un tiers (33,9%) des conducteurs en grève.
Quelques actions locales ont continué à être menées dans la matinée de jeudi.
A Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), des syndicalistes de la CGT ont bloqué des entreprises de transports (STEF, transport frigorifique et TNT) entre 5H00 et 9H00. A Donges (Loire-Atlantique), environ 200 manifestants, parmi lesquels des cheminots et des fonctionnaires territoriaux, se sont rassemblés devant la raffinerie, où la CGT et FO ont lancé un appel à la grève pour trois jours.
A Paris, plusieurs dizaines de manifestants, portant notamment des drapeaux CGT RATP, ont tenté à la mi-journée de se regrouper devant le siège de La République en marche, rue Saint-Anne à Paris. Ils ont été repoussés par les forces de l'ordre vers l'avenue de l'Opéra où la circulation a été brièvement bloquée.
Nouveaux appels à la grève
Avant la journée interprofessionnelle d'actions jeudi 9 janvier, à l'appel de l'intersyndicale CGT-FO-Solidaires-FSU et des organisations de jeunesse qui réclament le retrait de la réforme, de nouveaux appels à la grève ont été lancés.
Des syndicats de professions libérales (infirmières, kinésithérapeutes...) ont appelé à des actions à partir de vendredi. Les avocats se lanceront dans la bagarre lundi et à partir de mardi, la CGT-Chimie a appelé à un durcissement du mouvement, avec des blocages de raffineries, terminaux pétroliers et dépôts pendant quatre jours.
Thierry Defresne, délégué syndical central chez Total, a même évoqué un éventuel arrêt de production, en fonction de l'ampleur de la mobilisation du 9 janvier.
La secrétaire d'État à l'Économie Agnès Pannier-Runacher a jugé jeudi "illégal" ce type de blocage.
Mardi également, l'Unsa ferroviaire (2e) décidera si elle reprend la grève qu'elle avait décidé d'interrompre pendant les fêtes de fin d'année.
Dans ce contexte, les concertations doivent reprendre mardi entre les syndicats et le gouvernement, prié par Emmanuel Macron lors de ses voeux aux Français de trouver un "compromis rapide".
Il s'agira essentiellement de chercher des portes de sortie avec les syndicats réformistes CFDT, CFTC et Unsa.
Pénibilité et âge pivot
Or, le président n'a fait aucune mention mardi de "l'âge pivot", que le numéro 1 de la CFDT, Laurent Berger, a érigé en "ligne rouge".
Depuis la prise de parole d'Emmanuel Macron, il s'est d'ailleurs contenté d'un tweet de voeux, appelant "à plus de solidarité, de fraternité, de justice sociale et d'écologie" que l'année dernière. Il se disait aussi convaincu que "les militants CFDT prendront leur part dans les nombreux combats qui nous attendent".
La CFDT n'a pas appelé dans l'immédiat à participer à la journée du 9 janvier.
Sans prononcer le terme - dont on sait depuis le 3 octobre qu'il ne l'"adore pas, parce que ça donne le sentiment que le travail, c'est pénible" -, Emmanuel Macron a tendu une perche sur la question de la pénibilité. La réforme "prendra en compte les tâches difficiles, pour permettre à ceux qui les exercent de partir plus tôt", a-t-il rappelé.
Créé par la réforme des retraites de 2013, le compte pénibilité incluait à l'origine dix critères, dont le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux. Mais ces quatre items ont été retirés fin 2017 et le gouvernement n'a pas paru prêt à les réintroduire à ce stade. Au grand dam des syndicats réformistes, qui comptent profiter de la concertation pour gagner des points sur cette question.
"Quand vous avez des carrières longues, vous avez déjà un âge de départ qui est différent. La pénibilité doit être prise en compte", a soutenu jeudi la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne sur LCI.
Sur la mise en place progressive d'un âge pivot, en dessous duquel il ne sera plus possible de bénéficier d'une retraite à taux plein, elle a répété que "le système doit être à l'équilibre". "Après, on est ouvert à des propositions syndicales", a-t-elle assuré.
Le calendrier est serré, puisque le projet de loi doit être présentée en conseil des ministres le 22 janvier.
Le Maire appelle à "passer à autre chose" et à trouver "un compromis"
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a estimé vendredi qu'il fallait "passer à autre chose" en trouvant rapidement "un compromis" sur la réforme des retraites afin de limiter les impacts de la grève, notamment sur les artisans et commerçants en Ile-de-France.
Alors que la grève dure depuis maintenant 30 jours, le ministre a rendu visite vendredi matin à des commerçants de la rue Montorgueil dans le IIe arrondissement parisien, auxquels il a assuré le "soutien" du gouvernement face à la baisse de leur activité depuis le 5 décembre.
Il a défendu la "nécessité de passer prochainement à autre chose": "Le Premier ministre va ouvrir une session de discussion la semaine prochaine avec les représentants syndicaux. J'appelle tous les représentants syndicaux à saisir la main qui a été tendue par le Premier ministre pour que nous trouvions ensemble la voie d'un compromis sur cette réforme des retraites", a-t-il ajouté devant les journalistes.
Mi-décembre, les représentants des commerçants et des hôteliers-restaurateurs avaient fait état auprès de l'AFP de chutes d'activité à Paris allant de 25% à 60%, depuis le début de la grève et la période des fêtes de fin d'année n'a pas été plus rose.
Au total, la baisse de chiffre d'affaires atteint 30 à 40% pour les commerçants et artisans à Paris, a indiqué le président de la Chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) Bernard Stalter, qui accompagnait vendredi Bruno Le Maire et sa secrétaire d'Etat Agnès Pannier-Runacher.
"Par rapport au mois de novembre, on a une chute de 35% alors que normalement décembre est meilleur que novembre", a constaté, amer, Laurent Nègre, le propriétaire du bistrot "La grille Montorgueil", lors d'un échange avec le ministre. M. Le Maire a aussi reçu en fin de matinée des organisations professionnelles à Bercy.
Le gouvernement a mis en place des mesures d'étalement de charges et de chômage partiel pour les aider à résister à cette baisse d'activité mais jusqu'ici peu d'entreprises s'en sont saisies.
Mais ce qui a "frappé" le ministre, "au-delà du chiffre d'affaires des commerçants, des hôteliers, des restaurateurs, c'est de mesurer à quel point cette grève pèse sur le moral des Français, sur le moral des salariés, et la fatigue qu'elle représente pour des centaines de milliers de salariés" en Ile-de-France du fait des perturbations dans les transports, a détaillé M. Le Maire.
"La grève perpétuelle n'est pas un avenir souhaitable pour les Français", a-t-il ajouté, défendant la réforme "de justice" proposée par le gouvernement.
"Tout ça doit cesser le plus rapidement possible pour que chacun puisse retrouver une vie normale", a-t-il insisté.