De quoi parle-t-on ?
Portée par la majorité présidentielle, les Républicains (LR) et le Rassemblement national, la mesure autorise les entreprises privées à proposer à leurs salariés de convertir leurs jours de réduction du temps de travail (RTT) non pris en une rémunération.
Monétisées, ces RTT sont "rémunérées comme des heures supplémentaires", indique le ministère du Travail, et sont exonérées de toute cotisation et impôt.
Si l'employeur donne son accord, le salarié peut monétiser autant de RTT qu'il le souhaite.
"La logique de la mesure est bien de permettre au salarié de travailler plus et d'augmenter ainsi sa rémunération", précise l'entourage du ministre du Travail Olivier Dussopt.
Cette logique n'est pas sans rappeler le "travailler plus pour gagner plus", slogan de Nicolas Sarkozy lors de son élection en 2007, qui défendait déjà le rachat des RTT.
Le gouvernement souhaitait limiter ce dispositif à 2023, les sénateurs LR voulaient le pérenniser. Au final, le rachat sera possible jusque fin 2025.
Qui est concerné ?
Tous les employés ne pourront pas en bénéficier. La mesure ne s'applique qu'aux salariés du privé qui ne disposent ni de compte emploi-temps (CET), ni de forfait jours, selon le ministère du Travail.
Le CET, dans les entreprises où il est appliqué, permet aux salariés d'épargner leurs jours de repos non pris et de gagner, à terme, une rémunération.
Tandis qu'avec le forfait jours, les salariés du privé peuvent demander à leur employeur - qui in fine décide - de troquer leurs RTT contre une majoration de salaire.
Et du côté de la fonction publique, les 5,6 millions de salariés disposent déjà des "dispositifs du CET et donc de possibilités de monétisation", rappelle le cabinet d'Olivier Dussopt.
Avec cette réforme, tous les salariés bénéficiant de RTT pourront ainsi, d'une manière ou d'une autre, monétiser ces journées.
Selon des données du ministère du Travail datées de 2011 (derniers chiffres communiqués), parmi les salariés du privé qui ne sont pas au forfait jour, 45% disposent de RTT en plus de leurs 25 jours de congés payés.
En moyenne, les Français ont indiqué en 2015 disposer de 33 jours de congés par an (congés payés, congés d'ancienneté et RTT).
Qu'en pensent les syndicats et le Medef ?
Pendant la campagne présidentielle, la première organisation patronale, le Medef, a appelé à élargir le rachat de RTT à tous les salariés du privé pour "améliorer significativement le pouvoir d'achat des salariés".
"La mise en place de ce dispositif est assez simple, surtout pour les TPE-PME", avance auprès de l'AFP un porte-parole du Medef. Ce projet "répond à une attente" des salariés du privé qui pouvaient perdre des jours de RTT, sans compensation, quand ils n'ont pas pu les poser, assure-t-il.
Mais ce dispositif suscite l'ire des syndicats qui déplorent un "coup de canif" dans le régime des 35 heures hebdomadaires.
Le lien entre rachat de RTT et hausse de pouvoir d'achat est "dangereux", s'inquiète Vincent Gautheron, à la commission exécutive de la CGT. "Les salariés vont voir les RTT comme une source potentielle de revenus et renoncer au temps supplémentaire pour se reposer", ajoute-t-il auprès de l'AFP.
Pour Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, "invoquer sans cesse l'objectif du plein emploi tout en faisant travailler plus ceux qui ont déjà un emploi relève du paradoxe !".
FO pointe également le manque à gagner avec l'exonération de toute charge sociale lors du rachat de ces RTT. "C'est de la perte nette pour les caisses de la Sécurité sociale", regrette Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO.
Le président de la CFTC Cyril Chabanier redoute, lui, que "les entreprises (disent) qu'elles n'ont pas besoin d'augmenter les salaires, puisque les salariés (peuvent) racheter leurs RTT". "Les négociations sont déjà difficiles, mais cette mesure va encore plus inciter les entreprises à augmenter a minima les salaires".