"Le Conseil constitutionnel juge que sont remplies les conditions constitutionnelles et organiques d'ouverture de la phase de la procédure dite du +référendum d'initiative partagée+", écrit le Conseil dans un communiqué, en soulignant que la mise en oeuvre de cette procédure est une "première".
A l'initiative des parlementaires socialistes, quelque 250 députés et sénateurs de droite et de gauche (de LFI à LR, avec le soutien du RN) ont enclenché il y a un mois cette procédure, introduite dans la Constitution en 2008 mais jamais utilisée.
Ils entendent s'opposer à la privatisation controversée du groupe aéroportuaire inscrite dans la loi Pacte pour la croissance et la transformation des entreprises, adoptée définitivement par le Parlement le 11 avril.
Ces élus ont déposé pour cela le 10 avril une proposition de loi référendaire qui prévoit dans son article unique que "l'aménagement, l'exploitation et le développement des aérodromes de Paris" - Roissy et Le Bourget -, "revêtent les caractères d'un service public national".
Mais ce feu vert des "Sages" est loin d'être suffisant pour autoriser la consultation des Français.
La prochaine étape sera pour ses initiateurs de recueillir en neuf mois, par voie électronique, l'approbation qu'au moins 10% du corps électoral, soit plus de 4,7 millions de personnes.
Le groupe PS du Sénat a salué une "décision historique" et "une étape majeure" dans la procédure qui "peut démarrer officiellement". "Les exigences imposées par la Constitution sont lourdes mais avec l'engagement des Français, nous pouvons réussir", ont ajouté ces sénateurs, appelant "à se mobiliser partout en France (...) pour mener ce combat".
Devant la presse, la cheffe de file des député PS, Valérie Rabault, s'est réjouie d'"un premier pas extrêmement important", et le député LR, Gilles Carrez, de cette décision obtenue grâce au "travail de fond" mené par "des parlementaires de toutes sensibilités".
Le projet de loi Pacte ouvre la voie à la vente totale ou partielle des 50,63% des parts détenues par l'Etat dans Aéroports de Paris (ADP), qui est un leader mondial de la conception, de la construction et de l'exploitation d'aéroports. ADP pèse 17,4 milliards d'euros et s'est développé à l'international depuis 2012.
Rapporteur général du projet de loi, Roland Lescure (LREM) s'est dit "un peu surpris" par la décision du Conseil constitutionnel. "L'esprit" du RIP "n'est pas de mettre en concurrence démocratie parlementaire et démocratie directe", a-t-il estimé, soulignant qu'il y avait encore du "temps pour réfléchir" avant le lancement ou non de la privatisation, prévue fin 2019-début 2020.
Avant ADP, les autres principaux aéroports français déjà privatisés
Avant le groupe Aéroports de Paris (ADP), dont la privatisation se heurte à une procédure de référendum d'initiative partagée (Rip), les autres grands aéroports français ont été cédés au secteur privé depuis 2015.
Le Conseil constitutionnel a validé jeudi la proposition de Rip de parlementaires opposés à la privatisation d'ADP, ouvrant la voie à un long processus, inédit en France, pouvant conduire à la consultation de la population sur le sujet.
Nice-Côte d'Azur
En octobre 2016, 60% du capital de la société Aéroports de la Côte d'Azur, qui exploite l'aéroport de Nice et les sites de Cannes-Mandelieu et Saint-Tropez, ont été cédés par l'État français au consortium de droit italien Azzurra Aeroporti (groupe Atlantia de la famille Benetton et EDF Invest), jusqu'en 2044.
Les participations de l'État dans le premier aéroport de France, hors Ile-de-France, sont vendues pour près de 1,2 milliard d'euros. Cette privatisation est inscrite dans la loi Macron de 2015, comme celle de Lyon Saint-Exupéry.
Le département des Alpes-Maritimes a lui aussi vendu 4 des 5% qu'il détenait dans la société au consortium franco-italien.
Lyon-Saint-Exupéry
Les 60% détenus par l'État dans les Aéroports de Lyon ont été cédés en 2016 à un consortium français constitué par les sociétés françaises Vinci Airports, Predica et par la Caisse des dépôts.
Pour le quatrième aéroport du pays, ce consortium a déposé une offre de concession de 535 millions d'euros, qui a été accordée jusqu'en 2047.
Après des bras de fer avec les actionnaires locaux sur les modalités de cette cession, celle-ci n'est aujourd'hui plus remise en cause par les collectivités et la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) locale, qui possèdent près de 40% du capital.
Toulouse-Blagnac
La société Aéroport Toulouse-Blagnac (ATB) a vu 49,9% de son capital vendus à la holding chinoise Casil en avril 2015, sur les 60% détenus par l'État, suscitant encore aujourd'hui de vives contestations.
La privatisation partielle du troisième aéroport français, hors Ile-de-France, négociée à près de 300 millions d'euros, avait été arbitrée par Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie.
Début 2018, l'État a décidé de garder une part de 10,01% sur laquelle la holding chinoise avait une option.
La Cour des comptes a critiqué en octobre 2018 "un acquéreur dont le profil soulève des inquiétudes" quant à "son manque d'expérience en matière de gestion aéroportuaire", "son manque de transparence financière" et ses "liens avec la puissance publique chinoise".
Le 16 avril, la cour administrative d'appel a annulé les décisions portant sur la sélection des candidats au rachat des parts détenues par l'État, sans pour autant remettre en cause le contrat de cession.
Le 7 mai, l'Agence des participations de l'État (APE) a annoncé que celui-ci allait se pourvoir en cassation devant le Conseil d'État, considérant que "le cahier des charges de la privatisation a bien été respecté".