BNP Paribas Personal Finance, connue en France sous la marque Cetelem, a été reconnue "coupable de pratique commerciale trompeuse" et de "recel" de ce délit, et condamnée à l'amende maximale de 187.500 euros et à d'énormes dommages et intérêts.
En cause, la commercialisation en 2008 et 2009 de prêts à haut risque, libellés en francs suisses mais remboursables en euros, dans des contrats qui n'ont "jamais mentionné le risque de change", qui était pourtant "la caractéristique principale" de l'emprunt, a souligné le tribunal.
Les sommes dues par la banque - avec des dommages et intérêts différents selon les emprunteurs - se chiffrent en dizaines de millions d'euros.
Deux associations de consommateurs, parties civiles, ont obtenu chacune plus d'un million d'euros au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs.
Le tribunal a en outre décidé de l'exécution provisoire de sa décision avec le "versement des dommages et intérêts alloués": ce qui va contraindre la banque à effectivement verser ces sommes même si elle décide de faire appel.
La décision a été accueillie par un tonnerre d'applaudissements dans une salle bondée. Les emprunteurs, "ruinés mais tellement soulagés" selon une jeune retraitée, ont souri ou essuyé une larme.
"Un tournant"
"Pour mes clients, c'est une formidable victoire et un tournant dans cette affaire: plus aucune juridiction française ne pourra ignorer cette condamnation désormais", s'est réjoui Charles Constantin-Vallet, avocat de 1.300 parties civiles.
Pendant plus d'une heure, la présidente Cécile Ramonatxo a détaillé les motivations du tribunal, décrivant un emprunteur "trompé" par les "clauses absconses" d'un contrat truffé de "termes techniques" inaccessibles à la majorité des consommateurs.
La particularité du prêt est qu'il est libellé en francs suisses mais remboursable en euros. Résultat: quand après la crise financière de 2008, l'euro décroche face à la devise helvète, quelque 4.600 emprunteurs voient flamber les montants à rembourser.
Beaucoup doivent encore un capital supérieur au montant emprunté alors qu'ils payent depuis plus de dix ans. Plus de 2.300 emprunteurs se sont constitués partie civile au procès.
La banque, qui réfute toute pratique illégale, avait plaidé la relaxe et n'a pas encore indiqué si elle allait faire appel. "La décision rendue ne nous apparaît pas cohérente avec celles prononcées jusqu'à présent par les juridictions civiles", a déclaré à l'AFP l'un de ses avocats, Me Ludovic Malgrain.
En effet: alors que la justice a rendu au civil quelque 80 décisions favorables à la banque, cette condamnation au pénal va, pour Me Constantin-Vallet créer un précédent.
"C'est une sanction très sévère à l'égard de la banque par la première juridiction qui a examiné l'ensemble des éléments dans cette affaire", a réagi l'avocat.
Une "décision profondément humaine" aussi, qui n'oblige pas les emprunteurs à attendre pour être indemnisés, même en cas d'appel, a relevé Me Constantin-Vallet.
A l'issue de l'audience, Hervé, ingénieur de 58 ans, n'en revenait toujours pas. Avec son épouse, ils avaient emprunté 147.000 en 2008 pour acheter un petit appartement dans le Bordelais, et doivent encore 149.000 euros à la banque.
"On a obtenu 56.000 euros de dommages, plus chacun 10.000 euros de préjudice moral, et 3.500 euros de frais de justice. On va pouvoir vendre le T2 et tout solder. On respire", a-t-il expliqué.
Médecin, sapeur-pompier, femme de ménage ou ouvrier: après l'éprouvante audience de novembre où ils étaient venus dire leur cauchemar financier, ils sont tous revenus pour "écouter la justice", serrés sur les bancs du public ou debout.
Après l'audience, ils se sont rassemblés autour de leur avocat dans l'atrium du rez-de-chaussée, pour "comprendre" la décision. Et finalement ovationner celui qui porte depuis des années leur dossier et leurs "misères".