L'objectif "c'est d'offrir à Notre-Dame une restauration à la hauteur de la place qu'elle occupe dans le coeur des Français et dans le monde entier", a plaidé le ministre de la Culture Franck Riester.
Le projet de loi entend pour cela organiser et contrôler le recueil et l'utilisation des dons qui ont afflué et coordonner les travaux délicats à mener sur un joyau du patrimoine.
Si l'ensemble de l'opposition a approuvé l'objectif, exprimant son déchirement face à la dégradation de ce monument national presque millénaire, elle a dénoncé une "loi d'exception inutile" menée dans "la précipitation" et instaurant des "dérogations inadmissibles" aux règles du patrimoine.
Après deux lectures à l'Assemblée et au Sénat entrecoupées de l'échec d'une commission mixte paritaire sur un texte de compromis, le dernier mot revient aux députés sur un texte assez peu modifié à l'issue des débats parlementaires.
Chef d'oeuvre de l'art gothique, la cathédrale de Paris a été frappée le 15 avril par un incendie qui a détruit sa charpente et la flèche de Viollet-le-Duc.
Le projet de loi entend répondre à l'ambition fixée par le président Emmanuel Macron de voir l'édifice restauré en cinq ans.
"Un délai ambitieux, volontariste qui permet de mobiliser l'ensemble des équipes concernées", a avancé M. Riester, l'opposition dénonçant un objectif irréaliste motivé par les jeux olympiques de Paris en 2024.
"Nous ne confondons pas vitesse et précipitation", s'est défendu le ministre rappelant que la cathédrale n'est pas encore "totalement sauvée", qu'il existe toujours "un risque" d'effondrement.
"Prudence sur les dons"
Le texte entérine l'ouverture au 16 avril d'une souscription nationale pour recevoir les dons promis par les particuliers, des entreprises et des collectivités, dont le montant annoncé dépasserait les 850 millions d'euros.
Le ministre a cependant appelé à la prudence ceux qui évoquaient déjà des excédents: "seuls, un peu plus de 10% des promesses de dons ont été concrétisés" et "le coût des travaux n'est pas encore chiffré", a-t-il souligné.
Le projet de loi accorde une déduction fiscale exceptionnelle de 75%, dans la limite de 1.000 euros aux donateurs particuliers, contre 66% dans le droit commun. Un dispositif contesté notamment par Jean-Luc Mélenchon (LFI) pour qui ces dégrèvements d'impôts seront au final payés par le reste des contribuables.
Au regard de l'ampleur des sommes en jeu, des mécanismes de contrôle ont été prévus pour s'assurer de leur bonne gestion.
Un établissement public à caractère administratif et placé sous la tutelle du ministre de la Culture, sera chargé d'assurer la conduite et la coordination des études et des travaux avec l'aide d'un Conseil scientifique.
Il devrait, selon des députés, être présidé par l'ancien chef des armées, Jean-Louis Georgelin, 70 ans, déjà chargé d'une mission spéciale sur la rénovation de Notre-Dame par l'exécutif.
Mais la principale pomme de discorde entre majorité et oppositions a porté sur les dérogations aux règles d'urbanisme et de protection de l'environnement prévues dans le texte pour accélérer les travaux.
En réponse aux critiques, le gouvernement a accepté de figer dans la loi certaines d'entre elles, concernant "l'architecture préventive", "la durée d'instruction des autorisations temporaires" ou encore "l'autorisation de certaines publicités sur des bâches ou des palissades de chantier".
Mais d'autres, portant sur la voirie, l'urbanisme ou le code de l'environnement seront fixées par ordonnances, contrairement au souhait des sénateurs.
"Ces assouplissements dépendent d'un projet qui n'est pas encore défini", a plaidé le ministre.
La question architecturale a également été discutée, même si elle n'est pas abordée directement dans le texte.
Ainsi, certains parlementaires, inquiets de l'expression: "geste architectural contemporain" évoquée par Emmanuel Macron à propos de la future flèche, ont exigé sans succès l'engagement d'"une reconstruction à l'identique" ou "fidèle à son "dernier état visuel connu".
Les principales mesures du projet de loi Notre-Dame
Souscription nationale, déduction fiscale, contrôle des fonds recueillis, dérogations à certaines règles d'urbanisme: voici les principales dispositions du projet de loi pour la restauration et la conservation de Notre-Dame qui doit être définitivement adopté mardi par le Parlement.
Ouverture d'une souscription nationale
Ouverture depuis le 16 avril d'une souscription nationale sous l'autorité du président de la République. Elle a pour objet le financement de la conservation et de la restauration de la cathédrale et de son mobilier. Les dons pourront également servir au financement de la formation des professionnels disposant des compétences particulières qui seront requises pour les travaux.
Le produit des dons versés depuis le 16 avril par les personnes physiques ou morales, en France ou à l'étranger, auprès du Trésor public, du Centre des monuments nationaux ainsi que des trois fondations habilitées (Fondation de France, Fondation du patrimoine et Fondation Notre Dame) sera reversé à l'État ou à l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame.
Participation des collectivités
Les collectivités pourront participer à la souscription au titre de la solidarité nationale. Il s'agit de confirmer par la loi que leurs subventions sont bien compatibles avec la notion d'intérêt public local à laquelle elles sont soumises. Leurs versements seront considérés comme des subventions d'équipement.
Déduction fiscale pour les dons
Le taux de réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons et versements effectués par les particuliers est porté à 75%, dans la limite de 1.000 euros par an (contre 66% dans le droit commun).
Ce montant ne sera pas pris en compte pour l'appréciation des plafonds de versements au bénéfice d'autres oeuvres, y compris celles ouvrant droit à un taux de réduction d'impôt majoré (loi Coluche).
Cette mesure exceptionnelle ne s'appliquera qu'aux dons effectués entre le 16 avril et le 31 décembre 2019.
Contrôle de l'utilisation des fonds
Au regard de l'ampleur des dépenses de restauration, un comité exceptionnel de contrôle est mis en place, en plus des contrôles habituels. Il réunira le premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions des Finances et de la Culture de l'Assemblée et du Sénat, et sera chargé de s'assurer de la bonne gestion et du bon emploi des fonds recueillis.
L'Etat ou l'établissement public publiera chaque année un rapport sur les fonds recueillis, leur provenance, leur affectation et leur consommation.
Le gouvernement remettra également au Parlement avant le 30 septembre 2020 un rapport détaillant les dons perçus au titre de la souscription nationale et les réductions d'impôt auxquelles ils ont donné lieu.
Création d'un établissement public
Un établissement public à caractère administratif et placé sous la tutelle du ministre de la Culture sera créé.
Il aura pour mission "d'assurer la conduite, la coordination et la réalisation des études et des opérations concourant à la conservation" et la restauration de Notre-Dame.
Son président et la moitié de ses membres représenteront l'Etat au Conseil d'administration où siègeront également des représentants de la ville de Paris et du diocèse.
Un Conseil scientifique, placé auprès du Président, sera consulté sur les études et opérations de conservation et de restauration.
Le texte prévoit une dérogation aux règles de la limite d'âge des dirigeants de la fonction publique. Selon certains députés, il s'agit de permettre à Jean-Louis Georgelin, ancien chef d'état-major des armées (70 ans), chargé par le chef de l'État d'une mission pour la reconstruction de Notre-Dame, de présider l'établissement public.
Dérogation aux règles
Des dérogations au code du patrimoine sont autorisées concernant "l'archéologie" préventive, les "installations temporaires" ou encore "l'autorisation de certaines publicités sur des bâches ou encore des palissades de chantier".
Le gouvernement est par ailleurs autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai d'un an après la promulgation de la loi, des dérogations aux règles de voirie, d'environnement et d'urbanisme. Un projet de loi de ratification de chaque ordonnance sera déposé devant le Parlement dans les trois mois suivant leur publication.