Matignon a informé des élus locaux, peu avant une déclaration du Premier ministre Edouard Philippe à la sortie du Conseil des ministres à l'Elysée.
"C'est officiel. C'est abandonné", a déclaré à l'AFP Philippe Grosvalet, président du syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest et président du conseil départemental de Loire-Atlantique.
Prévenu par un conseiller de Matignon, il a fustigé "un véritable reniement" et "une très très mauvaise décision du président de la République".
L'alternative devrait être d'aménager l'actuel aéroport Nantes-Atlantique, comme l'envisageaient des médiateurs dans leur rapport remis le 13 décembre.
Explosion de joie dans la Zad
Malgré les multiples rejets des recours en justice des anti-aéroport, le soutien au projet d'une majorité des élus de Bretagne et des Pays-de-la-Loire, et un référendum consultatif local favorable (55,17%) en Loire-Atlantique en juin 2016, l'exécutif a préféré lâcher "NDDL".
"Grande victoire des zadistes", a déploré le patron des sénateurs LR et ancien président des Pays de la Loire, Bruno Retailleau.
L'annonce de la décision a déclenché une explosion de joie dans la Zad, où une vingtaine d'occupants ont ouvert du champagne, entonné des chants et se sont tombés dans les bras, a constaté un photographe de l'AFP.
Une banderole proclamant "Et toc" était posée sur la tour de garde située en plein coeur de la ZAD, là où aurait dû être bâtie la tour de contrôle.
"C'est une immense joie pour tous ceux qui ont lutté contre le projet. Je pense aux anciens de la lutte qui sont partis", s'est pour sa part réjoui Julien Durand, porte-parole de l'Acipa, principale association d'opposants.
Né dans les années 60, relancé en 2000, attribué à Vinci par appel d'offres en 2010, l'aéroport "du Grand Ouest" a traversé un demi-siècle pour finalement devenir le symbole des atermoiements du quinquennat Hollande et le conflit environnemental le plus emblématique du pays.
Malgré l'abandon, Edouard Philippe s'est engagé à mettre un terme à la "zone de non-droit" de la "Zad", cette vaste "zone d'aménagement différée" de 1.600 hectares, rebaptisée "zone à défendre" par les opposants.
Les terres "retrouveront leur vocation agricole", a promis M. Philippe.
Pour ses partisans, le nouvel aéroport devait permettre d'assurer le développement attendu du trafic aérien depuis Nantes, une des villes françaises à la plus forte croissance, face à la saturation attendue de Nantes-Atlantique dans sa version actuelle.
Le Premier ministre reçoit les parlementaires de Loire-Atlantique en début d'après-midi à Matignon.
On repart pour dix ans
Le mouvement anti-aéroport, qui prévoit une conférence de presse deux heures après l'annonce de M. Philippe, s'est donné rendez-vous mercredi à 18H à "La Vache Rit", une grange servant de lieu de rassemblement en plein coeur de la ZAD.
Pour ses partisans, le nouvel aéroport devait permettre d'assurer le développement attendu du trafic aérien depuis Nantes, une des villes françaises à la plus forte croissance, face à la saturation attendue de Nantes-Atlantique dans sa version actuelle. Et ainsi améliorer la desserte de toute la Bretagne.
"Il faudra gérer la déception des partisans de l'aéroport, c'est une désillusion pour eux c'est certain", reconnaît un parlementaire. "Mais ce sont principalement des élus, il n'y a pas de mouvement citoyen de masse pour l'aéroport", juge-t-il.
Pour ses opposants, Notre-Dame-des-Landes était devenu un de ces "grands projets inutiles", condamnant un beau bout de bocage au nom du développement d'un mode de transport contradictoire avec les objectifs de la France de réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
L'agrandissement de Nantes-Atlantique, une option longtemps écartée par les pouvoirs publics en raison notamment de la présence d'une zone naturelle protégée à proximité et de la problématique du survol de Nantes, reste toutefois entouré d'incertitudes.
"Il s'agit de rallonger la piste vers le sud, l'extension des terminaux, l'aménagement des pistes de circulation pour les avions et changer la pente de la piste pour réduire les nuisances sonores", explique un des élus partisans de cette option.
"Rallonger la piste en tant que tel prendrait six semaines. Au total, je pense qu'en deux ans tout peut être réglé", juge le même.
Une version vivement contestée par les élus partisans de Notre-Dame-des-Landes, comme l'ex-président LR de la région Pays de la Loire, Bruno Retailleau ou la maire PS de Nantes Johanna Rolland, selon qui "on repart pour dix ans".
Un éventuel abandon du projet soulève aussi la question de l'indemnisation prévue pour Vinci qui, selon le rapport remis à Edouard Philippe, pourrait aller jusqu'à 350 millions d'euros.
Le PDG de Vinci Xavier Huillard a évoqué mardi un contrat "béton" après des rumeurs démenties de contestation de certaines clauses du contrat par l'État.
Certains élus suggèrent une négociation avec le géant du BTP, également exploitant de Nantes-Atlantique et qui se place en vue de la possible privatisation d'Aéroports de Paris (ADP).
Le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes en 10 dates-clés
Le projet contesté de construction d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes, remonte aux années 1960. En voici les dix dates-clés:
1965/70: choix du site
Le préfet de Loire-Atlantique lance en 1965 la recherche d'un site pour un nouvel aéroport dans le Grand Ouest. La zone de Notre-Dame-des-Landes est préférée à 17 autres. Ce choix est validé en 1970 par le Comité interministériel d'aménagement du territoire (Ciat).
1974: création de la ZAD
Une zone d'aménagement différé (ZAD) de 1.225 hectares est créée sur le site de Notre-Dame-des-Landes, entraînant la préemption progressive de terres par le conseil général de Loire-Atlantique.
2000: relance du projet
Le 26 octobre 2000, le Premier ministre socialiste Lionel Jospin relance le projet, mis en sommeil plus de 25 ans. Un débat public, mené jusqu'en 2003, n'apporte aucun consensus. Le décret déclarant le nouvel aéroport d'utilité publique (DUP) est publié le 10 février 2008 au Journal officiel, après avis favorable de la commission d'enquête.
2009: occupation
Des militants anti-capitalistes commencent à occuper la ZAD en août 2009 après la tenue d'un "Camp action climat".
2010: concession à Vinci
Vinci remporte en décembre l'appel d'offres pour la conception, le financement, la construction et l'exploitation du futur aéroport pour une période de 55 ans.
2012/13: "commission du dialogue"
Suspendant l'opération "César", visant à expulser les occupants de la ZAD, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault met en place fin 2012 une "commission du dialogue". Celle-ci conclut en avril 2013 à l'utilité du projet, tout en recommandant une amélioration des mesures de compensation environnementales.
2015: feu vert aux travaux
Le 30 octobre 2015, la préfecture de Loire-Atlantique annonce la reprise des travaux pour 2016, après le rejet en juillet des recours environnementaux déposés par les opposants et la confirmation par le Premier ministre Manuel Valls de la poursuite du projet. Le 25 janvier 2016, la justice valide l'expulsion des derniers agriculteurs et riverains historiques vivant sur la ZAD.
26 juin 2016: consultation locale
Les électeurs de Loire-Atlantique votent en faveur de la construction du nouvel aéroport, à plus de 55% des voix, lors d'une consultation organisée par le président de la République, François Hollande, qui promet que le résultat sera respecté. Malgré la validation par la justice des arrêtés autorisant les travaux, mi-novembre, le gouvernement de Bernard Cazeneuve abandonne le 9 décembre son objectif d'une évacuation de la ZAD, prévue à l'automne.
13 décembre 2017: ultime rapport d'experts
Après une mission de six mois, trois médiateurs nommés par l'exécutif pour, "une dernière fois, regarder les choses" et "faire baisser la tension" sur ce dossier très contesté, remettent leur copie au Premier ministre, proposant deux options, soit la construction du nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, soit le réaménagement de celui existant de Nantes Atlantique. Le gouvernement promet une décision "claire" et "assumée" sur la poursuite ou non du projet avant fin janvier 2018.
18 janvier 2018: abandon du projet
Le Premier ministre Edouard Philippe annonce lors d'une conférence de presse l'abandon du projet de construction d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, optant pour un réaménagement de l'aéroport actuel de Nantes Atlantique.