Initié par Patrick Bouchain, électron libre de l'architecture et concepteur du Lieu unique à Nantes, le projet de rénovation de ce bâtiment de 6.000 m2, situé en plein centre-ville, a été sélectionné cette année à la Biennale d'architecture de Venise.
Quand l'imposant édifice, en partie vétuste et inoccupé, entre dans le giron de la municipalité après avoir été propriété de l'Etat, c'est un casse-tête pour les élus.
"Porter une commande publique classique pour créer une énième institution culturelle coûterait des dizaines de millions d'euros", explique Sophie Ricard, l'architecte qui supervise le projet. "On ne peut pas non plus détruire un bâtiment inscrit dans un périmètre historique ni le donner pour un euro symbolique à un promoteur privé. Résultat, les patrimoines se retrouvent bloqués".
En quelques années, cet édifice du 19e siècle à la sévère architecture néoclassique est devenu pourtant le symbole d'une rénovation participative aujourd'hui citée en exemple.
Pour sortir de l'impasse, l'ancien maire PS de Rennes Daniel Delaveau sollicite en 2012 Patrick Bouchain. S'ouvre alors "l'Université foraine", vaste concertation sur le "non-programme" de Pasteur qui se traduit par une occupation éphémère des lieux et se nourrit des besoins des habitants.
Pendant près de deux ans, Pasteur est "mis à l'épreuve par l'usage", c'est-à-dire ouvert à tous ceux dont le projet n'est pas forcément "assouvi au sein des institutions publiques classiques".
En ouvrant le bâtiment à toutes les expérimentations qui ne trouveraient pas leur place ailleurs, la ville espère inventer un projet auquel elle n'aurait pas forcément pensé. "Aujourd'hui, les bâtiments culturels sont de moins en moins dédiés à un usage unique et deviennent poreux à la société", reconnaît Sylvie Robert, conseillère municipale.
"Lieu d'effervescence"
Jusqu'à sa mise en chantier fin 2017, l'Hôtel Pasteur devenu "hôtel à projets" a donc accueilli gratuitement, entre "une heure et trois mois", des dizaines de particuliers, associations, écoles ou institutions désireuses de sortir de leurs murs. Des univers si éloignés qu'ils ne se seraient probablement jamais rencontrés sans ce projet.
"L'objectif est de rendre visibles des projets invisibles dans la ville", revendique Sophie Ricard, pour qui "il manque des lieux ouverts à l'expérimentation".
Les groupes de parole de personnes précaires lancés par le psychiatre Philippe Le Ferrand ont ainsi permis "d'amener vers le soin des personnes plus ou moins à la rue, qui ont accepté de venir dans un lieu neutre alors qu'elles refusaient de se rendre en hôpital psychiatrique", témoigne le médecin.
L'association Breizh Insertion Sport s'efforce, elle, d'ouvrir la pratique du sport (tennis, boxe, squash, etc) aux plus démunis, tandis que la ressourcerie rennaise La Belle Déchette est née à Pasteur.
"Pasteur, ça se vit, il y a une effervescence qu'il n'y a pas ailleurs", témoigne Delphine Battour, dont l'association Houraillis aide les compagnies de théâtre émergentes.
Forte des conclusions de "l'Université foraine, la mairie choisit en 2015 de réaliser une école maternelle au rez-de-chaussée du bâtiment, dont l'ouverture est prévue en septembre 2019, et de conserver l'"hôtel à projets" sur 3.000 m2. Elle investit par ailleurs 11 millions d'euros pour rénover l'extérieur.
En attendant, le chantier ouvre régulièrement ses portes au public lors de performances artistiques ou de chantiers-école. Une "assemblée des partenaires" planche également sur le modèle économique de Pasteur, qui restera un lieu "d'élaboration de projets" et "non de diffusion ou de consommation", précise Sophie Ricard.
Présenté à la Biennale d'architecture de Venise, Pasteur s'inscrit dans une démarche de développement durable, selon l'architecte. "Le ministère a choisi pour la première fois des lieux en reconversion. Faire du développement durable c'est aussi reprendre possession de l'architecture dont on hérite et lui redonner une valeur", plaide-t-elle.