Comme en juin, les risques liés à l'endettement du secteur privé - particuliers et professionnels hors secteur financier - sont en tête déclassement à fin décembre, atteignant encore un niveau de probabilité élevé, explique l'institution monétaire dans son rapport.
Mais la nouveauté réside dans le regain de risques que font peser les taux d'intérêt actuellement très bas, voire négatifs, sur le secteur financier.
Ces deux phénomènes - endettement et taux bas - menacent de s'accentuer au cours des prochains trimestres, prévoit la Banque de France, qui dresse chaque semestre un tableau détaillé des risques pesant sur le système financier en les classant selon trois niveaux d'importance: risque modéré, élevé ou enfin systémique.
Ce sont "deux risques équivalents qui sont les deux faces d'une même pièce", a résumé Jean Boissinot, conseiller des gouverneurs de la Banque de France, lors d'une conférence de presse.
A leur origine, la politique de taux d'intérêt bas et négatifs menée depuis plus de cinq ans par la Banque centrale européenne (BCE) pour redynamiser l'économie, notamment en élargissant l'accès au crédit.
38% d'entreprises endettées à taux variable
En France, le niveau d'endettement du secteur privé n'a cessé de grimper pour s'établir aujourd'hui au-dessus de la moyenne de la zone euro, à 3.197 milliards d'euros au deuxième trimestre 2019 soit près de 134% du produit intérieur brut (PIB).
Du côté des entreprises, la BdF signale l'existence de "poches de risques": la dynamique de leur endettement "peut augmenter le risque de défaut et/ou les difficultés de refinancement en cas de choc macroéconomique", notamment dans un contexte où de nombreux crédits sont signés à taux variables.
Au total, 38% des sociétés non financières ont contracté des dettes à taux variables, selon l'institution.
La croissance rapide du crédit aux ménages, dans l'immobilier notamment, "appelle également une vigilance particulière face à l'assouplissement progressif mais continu des critères d'octroi", ajoute-t-elle.
Dans ce contexte, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), qui rassemble notamment le ministère de l’Économie et la BdF, a recommandé la semaine dernières aux banques de ne pas octroyer de crédit immobilier sur plus de 25 ans et de refuser les dossiers dans lesquels les remboursements représenteraient plus d'un tiers des revenus du ménage.
Assurance chahutée
Appelé à durer, cet environnement de taux bas "affecte les intermédiaires financiers", tels que les banques et assureurs, en réduisant les marges sur les crédits bancaires et en baissant les rendements des placements financiers, constate la Banque de France.
Ce qui pèse sur la rentabilité future des banques mais rend aussi plus difficile la tâche de faire fructifier l'argent, notamment pour les assureurs dont les ratios de solvabilité ont sensiblement baissé ces derniers mois.
Conséquence: les compagnies d'assurances ont dû alimenter leurs provisions en capital pour faire face à d'éventuels coups durs, comme l'exige la réglementation applicable aux fonds propres.
À l'instar de Suravenir, filiale d'assurance du Crédit Mutuel Arkéa, qui a dû être recapitalisée à hauteur de 500 millions d'euros par sa maison mère ou d'AG2R La Mondiale qui a émis un montant similaire en titres de dettes.
Cyber-risque systémique
Egalement surveillés attentivement par la banque centrale française, les risques de marchés où les acteurs naviguent entre des taux de rendement faibles et des valorisations d'actifs très élevés.
Ce qui conduit certains à rechercher de la rentabilité dans "des classes d'actifs plus risquées mais aussi moins liquides" hors du secteur bancaire, a expliqué Ivan Odonnat, directeur adjoint de la stabilité financière à la BdF.
Même si cette part du secteur financier représente un encours environ sept fois moins élevé que celui du secteur bancaire - 1.300 milliards d'euros en France contre 8.900 milliards d'encours bancaire - elle "se développe et il faut la surveiller", a-t-il poursuivi.
Mais "la régulation n'est pas homogène ou harmonisée", a-t-il déploré, précisant que l'institution tentait de mettre en place un pilotage international.
Quant au numérique, s'il redessine la finance et permet des gains de coûts, le recours "massif à des systèmes informatiques fournis par un certain nombre d'acteurs en petit nombre (...) donne une dimension systémique au cyber-risque", a enfin pointé M. Odonnat.