C'est dans une copropriété en cours de rénovation complète du 12e arrondissement de Paris que le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, et son homologue de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, ont choisi de se déplacer pour annoncer ce plan.
Il s'agit d'un enjeu majeur pour la transition énergétique, puisque les bâtiments résidentiels et tertiaires représentent 45% de la consommation du pays en énergie.
Le plan fixe l'objectif de rénover 500.000 logements par an, une ambition déjà affichée, sans succès, durant le quinquennat précédent, en mobilisant 14 milliards d'euros sur cinq ans, planifiés dans le cadre du Grand Plan d'investissement annoncé par le Premier ministre, Edouard Philippe.
Dans le détail, le gouvernement a repris l'objectif de 100.000 logements HLM annuels rénovés par les bailleurs sociaux, et vise 250.000 logements particuliers rénovés, également par an, grâce à des mécanismes existants (crédit d'impôt, ECO-PTZ, certificats d'économie d'énergie, etc.).
Le gouvernement a déjà prévu de réformer certaines de ces aides, comme le CITE (crédit d'impôt pour la transition énergétique), qui sera transformé en prime en 2019 et exclura à la mi-2018 certains travaux (fenêtres et portes d'entrée notamment).
Une "mission" planchera aussi sur de "nouvelles incitations réglementaires ou fiscales", comme par exemple un bonus-malus appliqué sur la taxe foncière ou lors de la vente des logements, en fonction de leur performance énergétique.
"Sur le plan juridique, c'est tout à fait possible, à condition de ne pas porter atteinte au droit de propriété", a déclaré M. Hulot aux Echos.
Il s'agit pour le gouvernement de voir comment "un certain nombre de fiscalités, notamment la fiscalité locale, pourraient tenir compte également de l'efficacité énergétique des bâtiments", a estimé de son côté Julien Denormandie, secrétaire d'Etat à la Cohésion des territoires, vendredi matin sur Public Sénat / TV5 Monde.
"On dit juste: il faut ouvrir toutes les pistes de travail. En fonction des études que l'on fera, on décidera si oui ou non, il faut aller dans cette voie", a-t-il ajouté.
Le plan gouvernemental vise aussi la rénovation de 150.000 "passoires thermiques" par an, ces logements les plus énergivores.
1,8 milliard pour le parc de l'Etat
La France compte 7,4 millions de logements privés particulièrement énergivores (étiquetés F ou G), occupés par 2,6 millions de ménages modestes, rappelait mi-octobre le collectif d'association "Rénovons".
Pour ces ménages, l'enjeu est aussi financier, un logement mal isolé renchérissant les dépenses de chauffage.
Quelque 50.000 logements privés occupés par des ménages modestes sont actuellement rénovés annuellement grâce aux aides publiques du programme "Habiter mieux".
Le programme du président de la République, Emmanuel Macron, a pour objectif d'avoir rénové en 2022 la moitié des passoires énergétiques occupées par des propriétaires précaires et l'interdiction de louer de tels logements à partir de 2025.
L'Etat va aussi agir sur son propre parc immobilier pour "faire des bâtiments publics des bâtiments exemplaires", en rénovant le quart d'entre eux en cinq ans.
Pour cela, un milliard d'euros supplémentaires, soit 1,8 milliard d'euros au total, seront consacrés aux travaux nécessaires, en priorité dans les bâtiments scolaires.
Les collectivités territoriales pourront aussi bénéficier de 3 milliards d'euros de prêts de la Caisse des dépôts (CDC) sur le quinquennat.
Pour débloquer les actions de rénovation énergétique, le gouvernement veut créer un "service public de la performance énergétique de l'habitat" qui offrira un "guichet unique" pour informer les Français sur les aides existantes, souvent très mal connues.
Le plan espère aussi pouvoir massifier certains travaux "simples" (isolation des combles, changement d'équipement de chauffage, etc.) et faire baisser leur coût grâce aux économies d'échelle dégagées.
Ces rénovations, "faciles à reproduire, pourront faire l'objet d'opérations territoriales, programmées, sur un grand nombre de bâtiments du même type, en mobilisant des acteurs privés", dit le gouvernement.
Aussi le diagnostic de performance énergétique (DPE) sera "renouvelé" fin 2018 pour le rendre plus fiable, et le dispositif permettant aux entreprises d'être reconnues garantes de l'environnement (RGE), critiqué par des associations de consommateurs, sera "amélioré tout en limitant son coût".
Possible bonus-malus énergétique sur les logements
Le gouvernement réfléchit à un dispositif de bonus-malus sur les logements en fonction de leurs performances énergétiques, a déclaré Nicolas Hulot dans un entretien diffusé jeudi, à la veille de la publication de la feuille de route de l'Etat en la matière.
Nous réfléchissons (...) à une modulation des taxes foncières ou des droits de mutation en fonction du diagnostic de performance énergétique des logements", a affirmé le ministre de la Transition écologique aux Echos.
"Sur le plan juridique, c'est tout à fait possible, à condition de ne pas porter atteinte au droit de propriété. Une mission a été lancée pour explorer les différentes options possibles", a souligné M. Hulot dans cet entretien conjoint avec son collègue chargé de la Cohésion des territoires Jacques Mézard, dont le portefeuille inclut le logement.
La feuille de route du gouvernement en matière de rénovation énergétique des bâtiments, qui sera présentée dans le détail vendredi matin, prévoit selon M. Hulot d'investir "entre 10 et 12 milliards d'euros au cours du quinquennat", notamment via le crédit d'impôt transition énergétique.
Au chapitre des nouvelles annonces, M. Hulot a évoqué dans l'entretien la rénovation d'ici à 2022 d'"un quart" du parc des bâtiments publics, des écoles aux mairies en passant par les hôpitaux. "1,8 milliard d'euros seront également investis dans la rénovation des bâtiments publics, appartenant à l'Etat et 3 milliards d'euros pour ceux des collectivités locales".
Dans cet entretien, le ministre s'est également fixé l'objectif de rénover "500.000 logements par an (dont 100.000 logements sociaux) en concentrant les efforts sur 150.000 +passoires thermiques+".
Côté aides, "les propriétaires privés bénéficieront des subventions de l'agence nationale de l'habitat (Anah) ainsi que du crédit d'impôt transition énergétique, CITE, qui sera tranformé en prime en 2019", a confirmé M. Hulot.
"Les Français ont souvent du mal à savoir les aides auxquelles ils ont droit, et les travaux éligibles. Nous accompagnerons le déploiement de guichets uniques sur le territoire où chacun pourra trouver toutes les informations et avoir accès à tous les dispositifs", a indiqué de son côté M. Mézard.