Repli tactique ou retraite au clairon ? Au nom de la "guerre" contre le Covid-19, le chef de l’État a annoncé lundi soir "que toutes les réformes en cours seraient suspendues à commencer par la réforme des retraites".
"Toute l'action du gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l'épidémie", s'est-il justifié.
A l'entendre, il ne s'agirait que d'un simple report. Un de plus dans l'histoire mouvementée de cette promesse de campagne devenue, après deux années de gestation laborieuse, le symbole d'un quinquennat controversé.
Déterminé à instaurer son "système universel" de retraite censé remplacer les nombreux régimes existants, l'exécutif venait pourtant de remporter la première manche d'un affrontement homérique contre ses mutiles opposants.
Une bataille gagnée à l'usure contre les syndicats d'abord, après des semaines de grève et une dizaine de manifestations, et par KO à l'Assemblée ensuite, où le gouvernement a dégainé l'arme du 49-3 pour couper court à l'obstruction délibérée des députés de gauche.
Revanchards, les vaincus ont forcément bien accueilli l'annonce du président de la République. "Dans la situation actuelle, c'était vraiment le minimum", a réagi Philippe Martinez sur RTL.
"Je pense que c'est une bonne chose pour tout le monde", a ajouté le numéro un de la CGT, qui avait choisi la veille, avec ses alliés (FO, CFE-CGC, FSU, Solidaires) de reporter une conférence sur le financement des retraites prévue le 24 mars et une nouvelle journée de mobilisation programmée le 31.
Calendrier compromis
"Maintenant, il va y avoir un grand trou, un vide", a prédit Michel Beaugas, secrétaire confédéral de Force Ouvrière, qui demande toujours le "retrait pur et simple" de cette réforme.
Ou à tout le moins qu'elle soit "reportée à très longtemps pour pouvoir y intégrer les conséquences économiques liées au coronavirus", car "la récession qui s'annonce aura forcément des conséquences sur le salariat".
Une position partagée à droite par Bruno Retailleau: "Pour le moment c'est un report, mais j'espère que ce sera ensuite une annulation, en tout cas il faut revoir complètement la copie", a déclaré le président des sénateurs LR sur Radio Classique.
Peu après, sur la même antenne, la présidente du RN Marine Le Pen s'est dite "réjouie de voir que le président de la République a suspendu l'ensemble des réformes que nous avons combattues", en particulier celle des retraites.
Des témoignages de satisfaction qui attestent d'un retournement de situation. L'objectif d'une adoption définitive "avant l'été", encore affiché début mars par Edouard Philippe, est désormais compromis.
Or, le Premier ministre avait affirmé que ce délai devait être tenu pour que "certaines dispositions puissent s'appliquer le 1er janvier 2022", notamment l'entrée dans le "système universel" de la génération née en 2004 et le minimum de pension à 1.000 euros net pour une carrière complète.
"Si nous voulons que le dispositif entre en vigueur, il faut que nous ayons le temps de le mettre en place", expliquait-il.
Le projet de loi renvoie en effet à une vingtaine d'ordonnances qui doivent préciser, entre autres, l'organisation de la future Caisse nationale de retraite universelle ou les mesures "permettant d'atteindre l'équilibre financier" d'ici à 2027. Mais ça, c'était avant le coronavirus.