"En prévoyant que le défaut de présentation d'un pass sanitaire constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l'objectif poursuivi", indique le Conseil constitutionnel.
Les Sages soulignent que le législateur "a entendu exclure" que le défaut de pass "puisse constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement d'un salarié en contrat à durée indéterminée", disposition un temps prévue par le gouvernement mais supprimée lors du parcours législatif.
Ils jugent que la procédure de suspension du contrat de travail sans rémunération pour les salariés concernés par l'obligation de pass sanitaire n'est pas contraire à la Constitution.
Ils observent notamment que la mesure est temporaire, l'obligation du pass ne courant que jusqu'au 15 novembre, que la suspension prend fin lorsque le salarié produit "les justificatifs requis" ou encore qu'un salarié peut se voir proposer un autre poste au sein de l'entreprise.
"Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées doivent être écartés", souligne le Conseil.
Le ministère du Travail a salué auprès de l'AFP la validation par les Sages des mesures prévues "pour inciter les salariés à se faire vacciner et faciliter la mise en oeuvre des nouvelles obligations" pour lutter contre l'épidémie.
"Ainsi de nombreuses solutions s'offrent aux employeurs et aux salariés: autorisation d'absence pour aller se faire vacciner, entretien entre l'employeur et le salarié, utilisation de jours de congés ou de RTT, affectation temporaire sur un autre poste, recours au télétravail, suspension du contrat de travail le temps que le salarié se conforme à ses obligations", a-t-on souligné de même source.
"Le texte adopté par le Parlement prévoyait cependant une différence de traitement entre le CDD et le CDI que le Conseil Constitutionnel n'a pas jugé justifiée. La suspension pourra s'appliquer mais le CDD ne pourra pas être interrompu avant son terme", a poursuivi le ministère.
La décision des Sages ne change toutefois pas le fait que le droit commun du Code du travail peut s'appliquer en matière de licenciement, estiment certains juristes, à l'instar de Déborah David, avocate spécialisée en droit du travail.
Le seul défaut de pass sanitaire "n'est pas une cause réelle et sérieuse de licenciement", mais d'autres motifs peuvent être valables, même si les employeurs ne devront licencier qu'en cas "d'extrême nécessité" et "extrêmement bien motiver la décision", a-t-elle indiqué à l'AFP.
Mais pour Christophe Noël, avocat spécialisé en droit du travail, il n'est "pas sûr du tout que le droit commun s'applique", ce qui créé "une insécurité juridique terrible".
"En principe, le droit commun autorise un employeur à licencier un salarié dont le contrat est suspendu trop longtemps ou si cela cause un trouble caractérisé dans l'entreprise", mais il n'est pas certain que l'on puisse licencier des salariés sur ces motifs, dit-il, ajoutant être convaincu que "les décisions seront disparates parce que la loi est mal foutue".