En 2020, "le bâtiment devrait chuter de 18% (et) ça serait 120.000 emplois en danger", a résumé Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), lors d'une conférence de presse.
C'est la première fois que la fédération évalue aussi précisément les conséquences de la crise du coronavirus et du strict confinement décrété en France entre mars et mai pour éviter la propagation de la maladie.
Contrairement à d'autres secteurs, comme la restauration, les chantiers n'ont pas été officiellement contraints de fermer. Mais ils y ont, dans les faits, été largement obligés pendant des semaines, le temps d'instaurer des mesures sanitaires.
Ces mesures restent au cœur des inquiétudes du secteur, malgré la reprise quasi complète des chantiers, car elles coûtent cher.
Elles "sont aujourd'hui (...) très largement supportées simplement par les entreprises" plutôt que leurs clients privés ou publics, a prévenu M. Salleron. "Aujourd'hui, les entreprises travaillent à perte, elles perdent du pognon", a-t-il insisté.
Le gouvernement a pourtant pris des mesures présentées comme des aides au secteur, à l'occasion du nouveau budget de crise examiné cette semaine à l'Assemblée. Il a annulé plusieurs mois de charges pour les petites entreprises ayant subi une chute de leurs revenus - une mesure qui va d'ailleurs au-delà du seul bâtiment - mais le secteur en veut plus et exige une suppression générale cette année.
Plus largement, le secteur et le gouvernement sont en désaccord sur le calendrier de mesures dédiées au bâtiment. Celui-ci les veut dès maintenant, mais l'exécutif les réserve pour un grand plan de relance à l'automne.
A ce titre, la fédération a présenté mardi son propre plan, évalué à cinq milliards d'euros par an. Il prévoit surtout d'élargir les aides destinées aux particuliers en matière de rénovation et de construction.
Il s'agit en premier lieu de MaPrimeRénov', qui concerne les travaux d'isolation et que la fédération veut rouvrir aux ménages les plus aisés, actuellement exclus, ainsi qu'élargir aux résidences secondaires.
En matière de construction de logements, l'organisation veut notamment relever les montants du prêt à taux zéro (PTZ), une aide à l'achat dont l'État a réduit l'ampleur ces dernières années.
Téléchargez la note conjoncturelle de la FFB en cliquant ici.
Le plan de relance proposé par la FFB
Rénovation énergétique
- La mesure phare : dynamiser très fortement les travaux de performance énergétique globale en portant CITE/MaPrimeRénov’ à 400 €/ m² pour tous les ménages.
- En complément dans CITE/MaPrimeRénov’ :
- diminution du reste à charge pour les ménages modestes (400 €) et très modestes (200 €) ;
- réintégration des déciles 9 et 10 ;
- réintégration des chaudières au gaz THPE ;
- ouverture aux résidences secondaires en Zone de revitalisation rurale (ZRR).
- Surcoût budgétaire : 1,9 Md€ par an.
Rénovation énergétique
- CEE :
- « coup de pouce » pour la rénovation globale des maisons individuelles ⇒ aide relevée d'environ 50 €/m² à 200 €/m² ;
- financement d'un nouveau Contrat d'accompagnement énergétique (CAE), permettant de suivre et conseiller un client après rénovation énergétique.
- TVA à 5,5% pour tous les travaux (1,4 Md€ par an).
Accession à la propriété
- Rétablir un PTZ à 40 % du montant d'opération :
- pour les zones B2 et C dans le neuf ;
- pour les zones A et B1 dans l'ancien avec travaux.
- Porter la quotité à 60 % toutes zones si atteinte d'une performance énergétique « supérieure » :
- pour les constructions : « label RE 2020 » à définir ;
- pour les rénovations : saut de 2 classes du Diagnostic de performance énergétique (DPE) après travaux.
- Surcoût budgétaire : 0,6 Md€ par an.
Investissement locatif privé
- Remplacer fiscalité confiscatoire + dispositifs fiscaux dérogatoires par un système de droit commun général, durable, simple et lisible :
- amortissement du prix d'acquisition du bâti sur 50 ans (2% l'an) dans le neuf et l'existant, pour le stock et le flux + amortissement accéléré sur 20 ans (5% l'an) si atteinte du « label RE 2020 » en neuf ;
- amortissement des travaux sur 15 ans + amortissement accéléré sur 10 ans si saut de deux classes DPE ;
- déductibilité du revenu locatif brut des intérêts d'emprunt (sans limite), des petits travaux et des charges locatives ;
- déficit foncier imputable sans limite sur le revenu global positif.
- Économie budgétaire : 0,5 Md€ par an.
Non résidentiel
- Suramortissement pour la construction de bâtiments non résidentiels privés.
- Majoration de 1 milliard d'euros de la Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), notamment pour accompagner le déploiement de centres de collecte des déchets professionnels.
- Lancement d'un grand plan EHPAD.
Mesures d'accompagnement
- Obtenir l'assouplissement des deux recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (taux d'effort < 33% et prêts immobiliers < 25 ans).
- Définir clairement ce qui est visé dans la lutte contre l'artificialisation.
- Choc de simplification administrative :
- division par deux des délais d'instruction des permis bloqués;
- accélération de la dématérialisation des permis ;
- création d'un permis déclaratif dans un périmètre sous permis d'aménager ou en zone d'aménagement concerté ;
- relèvement à 100.000 euros du seuil des appels d'offre.