En publiant jeudi ses chiffres définitifs de l'emploi salarié au premier trimestre 2022 (+0,3%) l'Insee a lâché une petite bombe en annonçant avoir revu fortement à la hausse (+240.000) les créations d'emplois nettes, déjà élevées, de ces deux dernières années.
En conséquence selon l'Insee, au premier trimestre 2022, l'emploi salarié (public et privé) dépassait de 2,9% (soit +750.500 emplois) son niveau d'un an auparavant.
"Près d'un cinquième de cette hausse sur un an s'explique par le dynamisme des contrats en alternance, notamment en apprentissage", souligne l'Insee.
En cause, un changement méthodologique qui conduit l'Insee à intégrer les alternants (bénéficiaires d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation) dans ses évolutions conjoncturelles de l'emploi, ce que l'Institut ne faisait pas jusque présent.
Or, les alternants, qui sont des salariés, "relèvent sans ambiguïté de l'emploi, selon les définitions du Bureau international du travail (BIT)", souligne l'Insee.
Quasi-doublement
"L'apprentissage ayant fortement augmenté en 2020 et surtout en 2021", cette révision conduit à comptabiliser 240.000 créations d'emplois supplémentaires entre fin 2019 et fin 2021", annonce l'Institut.
Selon la Direction des études statistiques du ministère du Travail (Dares), 732.000 contrats ont été signés en 2021 contre 369.000 en 2019.
Ce quasi-doublement s'explique à la fois par la réforme de 2018, qui a libéralisé l'apprentissage en termes de conditions d'entrée et d'offre de formation, et par les aides décidées pendant la crise --5.000 euros pour l'embauche d'un mineur, 8.000 pour un majeur-- et prolongées jusque la fin de l'année.
Si le contrat de professionnalisation a lui diminué sur la même période, de 218.700 à 120.600, la hausse totale des contrats d'alternance reste spectaculaire.
Cela signifie-t-il pour autant que la baisse du chômage, et notamment des 15-24 ans (en diminution de 4,5 points sur un an), est due à la hausse du nombre d'apprentis ?
C'est la thèse défendue par le leader LFI Jean-Luc Mélenchon qui considérait mardi sur France Inter que "le chômage est masqué par le recours à l'apprentissage" et que les apprentis "ne sont pas des embauchés".
Mais différentes publications de l'Insee démente cette thèse.
Au premier trimestre, le taux de chômage s'élève à 7,3% de la population active (-0,8 point sur un an), son plus bas niveau depuis 2008. Il ne baisse pas seulement chez les jeunes mais aussi chez les 25-49 ans (-0,7 sur un an) et reste stable chez les seniors (plus de 50 ans).
"Mélenchon se prend pour l'Insee"
"Monsieur Mélenchon se prend pour l'Insee (...), sauf qu'il dit des choses fausses puisque le chômage baisse", a ironisé jeudi matin le ministre du Travail Olivier Dussopt sur LCI. Pour lui, c'est aussi "un mépris abyssal" de "dire à des gens qui sont en apprentissage qu'ils n'occupent pas un vrai emploi".
Dans sa dernière note de conjoncture, l'Insee reconnait que "la forte hausse du nombre de contrats en alternance soutient nettement la progression du taux d'activité et du taux d'emploi des jeunes".
Fin 2021, le taux d'emploi se situait ainsi "5,3 points au-dessus de son niveau de fin 2015 dont 2,9 points liés au développement de l'alternance".
Mais cela signifie aussi que près de la moitié de la hausse de ce taux d'emploi est liée à d'autres contrats que l'alternance (CDI, CDD...).
L'impact sur la baisse du chômage est lui plus limité car les entrées en contrat d'apprentissage ne sont pas dans leur majorité le fait de demandeurs d'emploi mais d'étudiants. "En 2020, 53,9% des entrants en apprentissage étaient en études avant le début du contrat et seulement 28,1% étaient déjà en apprentissage ou demandeurs d'emploi", selon l'Insee.
Selon les derniers chiffres publiés par la Dares, en juillet 2021, un an après leur sortie d'études, 69% des apprentis et 49% des lycéens professionnels de niveau CAP à BTS étaient en emploi salarié dans le privé.