Que propose le gouvernement ?
Une forme de compensation: le compte professionnel de prévention - aussi appelé "compte pénibilité" - serait étendu aux fonctionnaires et aux agents des régimes spéciaux, notamment ceux qui peuvent aujourd'hui partir en retraite à 57, voire 52 ans.
Créé par la réforme des retraites de 2013, ce dispositif peut financer une formation, un temps partiel sans perte de salaire ou un départ anticipé dès 60 ans.
Seuls y ont droit aujourd'hui les salariés du privé exposés à un "environnement physique agressif" (bruit, températures extrêmes, milieu hyperbare) ou à un rythme particulier (travail de nuit, répétitif ou en équipes alternantes).
L'extension au secteur public concernerait "250.000 personnes supplémentaires", soit au total "1,8 million de salariés et fonctionnaires", selon Matignon.
Au passage, "les seuils relatifs au travail de nuit ser(aient) abaissés", de sorte que "20 à 30% des infirmières et des aides-soignantes pourr(aient) obtenir des droits à ce titre".
Pour le moment, il faut justifier d'un minimum de 120 nuits par an, avec au moins une heure travaillée entre 00H00 et 05H00.
Autre geste d'ouverture, "il n'y aur(ait) plus de limite" à l'utilisation du compte pénibilité "pour faire du temps partiel ou de la formation".
Ce qui permettrait par exemple à un salarié exposé "longtemps" à un facteur de pénibilité de "bénéficier en fin de carrière de plus de 3 années à mi-temps payé temps plein", contre 2 ans et demi maximum actuellement.
Que réclament les syndicats ?
Une véritable reconnaissance: le compte pénibilité incluait à l'origine dix critères, dont le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux.
Ces quatre items ont toutefois été modifiés fin 2017: les employeurs ne sont plus obligés de les déclarer et les salariés concernés doivent faire reconnaître une maladie professionnelle et un taux d'incapacité permanente supérieur à 10% pour obtenir un départ anticipé avant 62 ans.
La CFDT, qui défend le compte pénibilité depuis le départ, espérait une "réouverture du débat" à la faveur de la réforme des retraites.
Déçu par les annonces du Premier ministre, Édouard Philippe, mercredi, son secrétaire général, Laurent Berger, déclarait aux Échos qu'"il y a encore des marges de progrès", notamment "sur la pénibilité en réintégrant des critères".
Le premier syndicat français peut compter sur l'appui de la CFTC et de l'Unsa qui réclament également une prise en compte de la pénibilité "à la hauteur de ce que vivent les travailleurs".
"Rien ne garantit que toutes les situations réellement pénibles donneront lieu à compensation, quels que soient les statuts", estime la CFTC.
"Des négociations doivent s'ouvrir rapidement et bien concerner l'ensemble des métiers", insiste l'Unsa.
Pourquoi ça coince ?
Précisément parce que MM. Macron et Philippe ont vidé le compte pénibilité de sa substance dès leur arrivée au pouvoir.
Fin mai 2017, deux semaines à peine après sa nomination à Matignon, le Premier ministre annonçait son intention de "mettre en œuvre un dispositif plus simple".
Ce qui fut fait dès juillet, via une des ordonnances portées par Muriel Pénicaud. La ministre du Travail s'était alors félicitée d'une "solution" qui "libère les PME d'une obligation usine à gaz", reprenant à son compte une expression du Medef.
Le patronat, qui n'a jamais caché son hostilité a ce nouveau droit jugé "inapplicable", avait pour sa part salué le "pragmatisme" de l'exécutif nouvellement élu.
Quelques mois plus tard, Mme Pénicaud avait lancé une mission sur les risques chimiques. Ses conclusions ont été publiées fin août 2018, en même temps qu'un rapport censé préfigurer une réforme de la santé au travail... sans cesse reportée.