Emmanuel Macron a dénoncé "les actes de violence et la radicalité de certains blocages", appelant "à la plus grande fermeté à l'égard de leurs auteurs", selon des propos rapportés par Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, à l'issue du Conseil des ministres.
"On pourrait dénoncer la violence de certains de ses propos", a fait valoir le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, qui a réfuté tout "baroud d'honneur" au 51e jour d'une mobilisation entamée le 5 décembre.
"Ce mouvement reste massif, on a des taux de grève importants, il s'inscrit dans la durée et il n'est pas le fait de quelques personnes marginales", a affirmé Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, majoritaire dans l'Éducation, depuis la manifestation parisienne qui réunissait entre 350 et 400.000 personnes selon la CGT, dont de très nombreux enseignants, entre République et Concorde.
"La démocratie sociale et politique ne s'est pas exercée. Espérons que, dans les mois qui viennent, à l' occasion du débat parlementaire et des amendements, la démocratie reprenne un peu ses droits", a insisté le président de la CFE-CGC François Hommeril.
"Marée rouge" au Havre
"Retraités à points, retraités à poil", "Sans profs, la vie n'a pas de classe" et "Des paillettes dans nos retraites", pouvait-on lire sur les pancartes parisiennes.
"C'est vrai que ça commence à être long. Ce n'est pas parce que les transports repartent que la contestation s'essouffle (...). On ne lâchera pas", témoignait Cédric, un infirmier de 34 ans.
Une nouvelle journée interprofessionnelle a été décidée pour le 29 janvier après une réunion vendredi. La CFE-CGC, qui souhaitait faire une "pause", ne s'est pas associée au reste de l'intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU et organisations de jeunesse).
En régions, la CGT Normandie évoquait "une marée rouge" dans les rues du Havre. "Le gouvernement est hautain, il ne prend pas en considération ce qu'on lui dit. Il ne prend plus l'avis des syndicats. Il veut faire passer sa réforme coûte que coûte, déplorait Cécile Chamignon, fonctionnaire de 40 ans, dans le cortège lyonnais.
A Montpellier, où la manifestation s'est élancée en fin de matinée, on pouvait lire sur les pancartes "Age pivot, âge pipeau" ou "Re-Traite moi bien".
Quelque 200 avocats du barreau de Bordeaux se sont réunis sur les marches du tribunal, en robe et portant tous des masques blancs, symbolisant selon l'un d'eux "la mort promise à 30% des avocats à cause de la réforme des retraites". Le Conseil national des barreaux (CNB), qui a rencontré jeudi le Premier ministre Édouard Philippe, a déploré vendredi qu'il n'y ait eu "aucune nouvelle proposition". Il décidera samedi de la suite du mouvement de grève.
Pour Carole, professeur de français de 40 ans à Clermont-Ferrand, "plus le gouvernement parle plus ça me révolte".
Tour Eiffel fermée
Dans l'éducation, le taux de grévistes était de 15,84% dans le primaire et de 10,30% dans le secondaire (collèges et lycées), selon le ministère, mais de 40% pour chacun d'après les syndicats. Des chiffres en hausse par rapport à la mobilisation du 16 janvier.
A Paris, la Tour Eiffel était fermée.
Dans les transports, après un quasi-retour à la normale ces derniers jours le trafic était de nouveau perturbé: quasi-normal sur les TGV et l'international, il était de 70% pour les TER et Intercités et 60% dans les Transiliens à la SNCF, où le taux de grévistes a atteint 13,9% vendredi matin.
Le réseau RATP était moins fluide avec seulement trois lignes de métro qui fonctionnaient normalement.
Une grosse centaine de journalistes se sont déclarés en grève vendredi, à Mediapart, Libération ou Télérama notamment.
L'exécutif s'en tient à son calendrier. Adoptés en Conseil des ministres, les deux projets de loi - l'un organique, l'autre ordinaire - visant à créer un "système universel" de retraite par points vont être transmis à l'Assemblée nationale pour un débat en séance publique à partir du 17 février en vue d'un premier vote début mars.
En parallèle, les discussions se poursuivent entre gouvernement, syndicats et patronat sur des points-clés comme la pénibilité, le minimum de pension, les fins de carrière et l'emploi des seniors.
Autant de sujets qui rendent incertain le coût final de la réforme, dont "l'équilibre d'ici 2027" est renvoyé à une "conférence des financeurs" qui sera lancée le 30 janvier et doit proposer une solution avant la fin avril. La CGT et FO n'ont pas encore indiqué si elles y participeraient.
"S'il n'y a pas d'avancée, on va rester sur cette situation extrêmement explosive", a reconnu vendredi le numéro 1 de la CFDT Laurent Berger.
Sept semaines de mobilisation contre la réforme des retraites
Rappel des principales étapes de la mobilisation contre la réforme des retraites, de la journée d'action du 5 décembre à la présentation du projet, vendredi en conseil des ministres.
Ce projet de réforme vise à supprimer les 42 régimes existants (privés, spéciaux, des fonctionnaires etc.) pour créer un système de retraite universel par points.
Forte mobilisation
Le 5 décembre a lieu la première journée nationale d'action. La grève, reconductible à la SNCF et à la RATP, perturbe fortement les transports. Chez les enseignants, elle atteint des taux records depuis 2003 malgré des promesses gouvernementales de revalorisations salariales.
Entre 806.000 manifestants (selon le ministère de l'Intérieur) et 1,5 million (selon la CGT) défilent en France, dont 65.000 à 250.000 à Paris.
"Transitions progressives"
Le lendemain, le Premier ministre Edouard Philippe se dit ferme sur "la disparition des régimes spéciaux" mais prêt à des "transitions progressives".
"Nous tiendrons jusqu'au retrait", prévient le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. Le 10 décembre, entre 339.000 (ministère de l'Intérieur) et un million de personnes (CGT) manifestent en France (31.000 à 180.000 à Paris).
Age pivot
Le 11, Edouard Philippe annonce que le système universel s'appliquera à partir de la génération 1975. Mais chez certains fonctionnaires et agents de régimes spéciaux, les premières générations concernées seront celle de 1980, voire 1985.
Pour résorber le déficit du système, un dispositif de bonus-malus incitera à travailler plus longtemps, avec un "âge d'équilibre" atteignant 64 ans en 2027.
Cet âge pivot appliqué progressivement dès 2022 fait basculer la CFDT, favorable sur le principe au système universel, dans le camp des opposants. "La ligne rouge est franchie", selon son secrétaire général Laurent Berger.
Delevoye démissionne
Après une semaine de révélations sur des activités bénévoles non déclarées et d'autres rémunérées, le haut-commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye démissionne le 16 décembre. Il est remplacé par le député LREM du Nord Laurent Pietraszewski.
A l'appel cette fois de l'ensemble des syndicats, entre 615.000 (Intérieur) et 1,8 million (CGT) de personnes manifestent le 17 en France (76.000 à 350.000 à Paris).
CGT, FO, CFE-CGC, Solidaires et FSU réclament le retrait du projet, CFDT, CFTC et Unsa l'abandon de l'âge pivot.
Des "avancées"
Le 19 décembre, à l'issue de rencontres avec les partenaires sociaux, Edouard Philippe relève des "avancées" mais les transports restent perturbés pendant les congés de fin d'année.
Au fil des jours, des concessions sont accordées à une dizaine de professions (policiers, pilotes de ligne, marins, danseurs de l'Opéra ...).
Appel au compromis
Le 31 décembre, Emmanuel Macron demande au gouvernement de trouver "un compromis rapide".
Le 7 janvier, la concertation gouvernement/syndicats reprend.
Entre 452.000 (Intérieur) et 1,7 million de personnes (CGT) manifestent le 9 en France (56.000 à 370.000 à Paris).
Retrait sous conditions de l'âge pivot
Le 11, alors que les opposants à la réforme défilent à nouveau (149.000 manifestants en France selon l'Intérieur, 500.000 d'après la CGT), Edouard Philippe se déclare "disposé à retirer", sous conditions, l'âge pivot de 64 ans en 2027.
Le Premier ministre invite les partenaires sociaux à participer à une "conférence de financement" suggérée par Laurent Berger. Mais il prévient que, faute d'accord d'ici fin avril, le gouvernement agira par ordonnance.
CFDT, Unsa et CFTC répondent favorablement. CGT, FO et Solidaires appellent à de nouvelles actions pour le retrait du projet. Le 16, 187.000 personnes manifestent en France, selon l'Intérieur.
La mobilisation se poursuit dans les ports, raffineries, à la Banque de France, à l'Opéra de Paris ou chez les avocats, elle s'essouffle dans les transports.
Une majorité d'assemblées générales votent la suspension de la grève illimitée à la RATP à partir du lundi 20 janvier, après 46 jours.
Septième journée d'action le 24, jour de présentation du projet de loi en conseil des ministres.