"Il s'agira à ce stade de faire le point de la situation et d'évoquer les raisons de ces difficultés, sur lesquelles les différents acteurs portent des analyses différentes", a précisé à l'AFP un porte-parole du ministère des Transports.
La pénurie de bitume, ce matériau industriel issu du pétrole utilisé pour le revêtement des routes, "est très pénalisante pour nos entreprises", a souligné auprès de l'AFP Pierre de Thé, directeur de la communication de Routes de France, qui regroupe les grands constructeurs du secteur routier parmi lesquels Colas (Bouygues), Eurovia (Vinci) ou Eiffage Route.
"Nous sommes surpris" par cette situation, poursuit-il, "nos entreprises en région nous ont alerté sur le fait qu'elles n'étaient plus livrées en bitume" depuis à peu près trois semaines, ce qui entraîne des arrêts ou des reports de chantiers, ainsi qu'une absence de visibilié sur les chantiers à venir.
Difficultés de transport
La pénurie intervient également à un moment crucial car "c'est au printemps, en été et au début de l'automne, au moment où les conditions météo sont bonnes, qu'on peut faire ces travaux d'entretien. En plein hiver (...) ce n'est pas possible", a insisté Pierre de Thé.
D'autant que la dégradation du réseau routier national est "préoccupante", comme l'a souligné un rapport d'audit réalisé par les bureaux d'études suisses NiBuxs et IMDM pour la Direction des infrastructures des transports. Le document souligne notamment que "17% des chaussées nécessitent des réparations structurelles".
Pour l'association, impossible de déterminer les causes de la pénurie: "on ne sait pas d'où ça vient", affirme M. de Thé, qui fait un rapprochement avec des fermetures de raffineries en France ainsi que des opérations de maintenance, envisageant que cela ait pu "retarder" l'approvisionnement.
Du côté des fabricants en revanche, la réponse est claire: la pénurie n'est pas liée à un problème de production mais à des difficultés d'approvisionnement, en pleine grève SNCF contre la réforme du rail.
Selon l'Union française des industries pétrolières (Ufip), ces difficultés proviennent "essentiellement d'une situation extrêmement tendue, voire déficitaire, au niveau du transport (du) bitume depuis les raffineries ou dépôts vers les usines d'enrobés et de liants".
"La longue période de grève SNCF" contre la réforme du rail "a donné lieu à un report très significatif du trafic ferroviaire sur le transport routier" qui a conduit à "un manque de camions et de conducteurs disponibles", a estimé l'organisation professionnelle dans un communiqué.
Pas d'alternative
Même son de cloche du côté du groupe Total, qui fournit le secteur industriel en bitumes. Le géant pétrolier a assuré auprès de l'AFP rencontrer "des difficultés grandissantes pour assurer le transport de ces produits et livrer ses clients".
Et ce, alors même qu'il a augmenté sa production de bitume "au cours des derniers mois (...) dans un contexte pourtant pénalisant", avec notamment un blocage de ses raffineries et des expéditions de ses produits pendant plusieurs jours.
Le marché des bitumes est "actuellement en expansion et une hausse de la demande est constatée depuis deux ans", a relevé Total.
Même si ce matériau ne représente que 5% de la composition des revêtements des routes, "c'est suffisant pour nous embêter", a confirmé le directeur de la communication de Routes de France, qui précise qu'aucune alternative n'existe, le bitume étant un produit "quasi irremplaçable".
L'association s'attend à ce que la situation perdure jusqu'en septembre, voire octobre. Et craint que les entreprises du secteur ne subissent un revers financier.
"Nos entreprises dépendent à 70% de la commande publique", rappelle Routes de France. "Il peut y avoir des pénalités en cas de retard de chantiers donc nous avons demandé à Bercy de ne pas nous pénaliser sachant que c'est un cas de force majeure".
Le ministère des Transports a toutefois prévenu qu'il était "encore trop tôt pour évoquer les éventuelles décisions qui pourraient être prises".