Selon deux indicateurs qui mesurent la confiance des entreprises, le conflit a pour l'instant surtout affecté l'industrie, avec des chaînes d'approvisionnement perturbées, tandis que les services et encore davantage le bâtiment, moins exposés à l'international, ont continué en mars à bénéficier de la reprise de l'activité avec la sortie de la pandémie.
"Globalement la dégradation de la confiance des entreprises pour l'instant n'a pas été très forte", constate Charlotte de Montpellier, économiste à la banque ING.
Le cabinet IHS Markit a même mesuré une accélération de la croissance du secteur privé au mois de mars, après deux mois de tassement liés à la progression du variant Omicron.
Une accélération qui a "exclusivement reposé sur les performances des prestataires de services". La hausse de la production manufacturière, elle, a "fortement ralenti sous l'effet du maintien des perturbations sur les chaînes d'approvisionnement et, selon certaines entreprises interrogées, de la crise en Ukraine", détaille le cabinet dans un communiqué.
En dehors de l'industrie, le secteur du commerce, et particulièrement du commerce de détail, a ainsi vu selon l'Insee la confiance des chefs d'entreprise chuter fortement, traduisant l'inquiétude des consommateurs.
D'une manière générale, le climat des affaires s'est nettement détérioré par rapport à février, tout en restant encore à des niveaux historiquement élevés.
Incertitude et inflation
Contrairement à Markit, l'Insee, dont l'échantillon d'entreprises interrogées est plus large, a mesuré un fléchissement du climat des affaires également dans les services.
"Les entreprises sont attentistes en observant une inflexion de la demande", analyse Philippe Waechter, économiste chez Ostrum Asset Management.
La semaine dernière, l'Insee avait déjà constaté dans sa note de conjoncture que la guerre provoquait un choc de prix, d'incertitude et de confiance.
La situation "risque de se détériorer dans les prochains mois si le conflit continue", selon Charlotte de Montpellier pour qui, à l'inverse, "si le conflit s'arrête, on aura un redressement des indicateurs".
Pour l'instant, le marché du travail reste solide mais il "réagit toujours avec retard", prévient cette économiste.
Si la guerre "s'inscrit dans la durée, on aura une inflexion de l'activité, mais la vraie rupture, ce sera si les entreprises commencent à réduire l'emploi", analyse Philippe Waechter pour lequel un tel retournement serait alors "vraiment préoccupant".
L'inflation qui s'accélère pourrait dans un premier temps entraîner une hausse des commandes des entreprises, celles-ci craignant que les prix n'augmentent encore davantage à l'avenir.
Dans un second temps, "d'ici quelques mois", le risque est de "conduire à une détérioration forte de l'activité économique" lorsque ces achats anticipés cesseront, prévient Charlotte de Montpellier.
Craintes pour l'emploi
Philippe Waechter ne croit pas à une telle hausse des achats à court terme, ni pour les entreprises ni pour les ménages.
"Quand on regarde la confiance des ménages à l'échelle de l'Union européenne, on voit qu'elle baisse déjà de façon significative", ce qui va entraîner un ralentissement de la consommation, estime-t-il.
L'inflation "commence manifestement à avoir un impact sur le comportement d'achat des entreprises donc aussi sur les perspectives économiques globales pour les prochains trimestres", met en garde Charlotte de Montpellier, selon laquelle "on ne peut exclure" d'avoir un PIB en baisse au deuxième trimestre.
Les statistiques du moral des ménages et de l'inflation pour le mois de mars, qui seront publiées la semaine prochaine par l'Insee, sont très attendues par les économistes.