Pourquoi le crédit immobilier n'a plus la cote ?
L'année 2022 a été marquée par un resserrement monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), qui se traduit par une baisse des liquidités et une hausse des taux d'intérêt, avec des répercussions sur les crédits immobiliers.
Si un particulier pouvait encore espérer emprunter à un peu plus de 1% sur 25 ans fin 2021, difficile d'obtenir un prêt à moins de 3% aujourd'hui.
La Banque de France reconnait que cette remontée des taux "rend bien sûr les emprunts moins attractifs et certaines mensualités trop lourdes".
Mais elle estime aussi que "la moindre production du crédit immobilier, qui fait suite à plusieurs années de très forte croissance du crédit à des taux très bas, s'explique aujourd'hui avant tout par la moindre demande des ménages (qui) ont satisfait beaucoup de leurs demandes durant ces années".
Une vision loin d'être partagée par les banques et courtiers, qui mettent en cause une réglementation trop stricte.
Après le taux d'usure, un taux maximum destiné à protéger les emprunteurs mais accusé par ses détracteurs d'empêcher les banques de prêter en période de remontée des taux, les normes définies par le Haut Conseil à la stabilité financière concentrent les tirs.
Depuis le 1er janvier 2022, les banques françaises ne peuvent prêter qu'à condition que le taux d'effort, c'est-à-dire le montant total des dépenses liées à l'habitation rapporté aux revenus, ne dépasse pas 35%, et pour 25 ans maximum (ou 27 ans en cas de travaux préalables à l'emménagement).
Les établissements ont toutefois la possibilité de déroger à ces critères pour 20% des crédits, à condition que ces dérogations concernent essentiellement l'acquisition d'une résidence principale et visent dans un tiers des cas à soutenir des primo-accédants.
Quelles conséquences sur l'immobilier ?
"Ça joue très fortement sur la demande, particulièrement pour les primo-accédants", explique à l'AFP Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents.
"L'effet va être durable, dans les prochaines années, avec un recul de l'âge de la primo-accession", estime-t-il, tout en anticipant "un décalage très fort", entre "d'une part les Français qui sont déjà propriétaires et qui peuvent rester sur le marché", et "d'autre part ceux qui ne peuvent pas y entrer".
Dans l'ancien, la hausse des prix et le nombre de transactions enregistrées par les notaires ont commencé à ralentir nettement, après une flambée à la sortie des confinements, mi-2020. Des tendances qui vont s'accentuer en 2023, prédisent les professionnels.
"Mais il n'y a pas de baisse de l'envie d'acheter. Il y a plus une difficulté matérielle, qui ne concerne pas tout le monde", explique Corinne Jolly, présidente de Particulier à Particulier (PAP).
Dans l'immobilier neuf, en revanche, les ventes dégringolent, plombées aussi par des coûts de construction qui ont explosé depuis la guerre en Ukraine.
Selon les statistiques officielles, le nombre de réservations par les particuliers auprès des promoteurs et aménageurs a chuté de plus de 30% entre le dernier trimestre 2021 et le dernier trimestre 2022.
Quelles pistes sont envisagées ?
Après avoir assoupli le taux d'usure, dorénavant recalculé tous les mois jusqu'en juillet au lieu d'une fois par trimestre, les autorités s'interrogent sur les normes du HCSF.
Le ministère de l'Economie a indiqué vouloir s'assurer que ces règles "ne deviennent pas un obstacle à l'accès au crédit", avant une éventuelle évolution en juin.
Si la Fédération bancaire française a accueilli favorablement la nouvelle, jugeant que la "mise en oeuvre au quotidien (de ces normes) peut se révéler complexe", la Banque de France s'est montrée nettement moins enthousiaste.
Rappelant que les banques n'utilisent pas toute la marge de flexibilité à laquelle elles ont droit, l'institution a jugé qu'un assouplissement "risquerait de pousser nombre de ménages vers des situations de surendettement".
Depuis des années, les banques assurent qu'elles sont suffisamment responsables pour qu'on leur lâche la bride.
Elles estiment notamment qu'en prenant mieux en compte le reste à vivre, soit la somme d'argent restant au ménage pour ses dépenses courantes, après le paiement des dettes, elles pourraient avoir "davantage de clients".