Selon une première estimation publiée mercredi par l'Insee, la hausse du produit intérieur brut (PIB) a plafonné à 1,5% sur l'ensemble de 2018, loin des 2,3% atteints l'année précédente.
Ce résultat est conforme aux dernières prévisions de l'institut de statistiques, mais inférieur à l'objectif du gouvernement, qui tablait officiellement sur 1,7% de croissance, après avoir envisagé une progression de 2%.
"Malgré la dégradation de l'environnement international et le mouvement des gilets jaunes, la croissance française est solide. Notre politique donne des résultats", a néanmoins estimé sur Twitter le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
Sur le seul quatrième trimestre, l'économie française a de fait limité la casse. En décembre, l'Insee avait abaissé sa prévision de 0,4% à 0,2%, invoquant les conséquences du mouvement des "gilets jaunes". D'après l'organisme public, la croissance en fin d'année a finalement atteint 0,3%.
Comparé à 2017, "le ralentissement est extrêmement marqué", souligne néanmoins Mathieu Plane, économiste à l'OFCE. "Le chiffre de 1,5% s'explique en grande partie par l'acquis de croissance" hérité de 2017. "Sur la seule année 2018, la croissance n'a pas dépassé 1%", rappelle le chercheur.
Un avis partagé par Stéphane Colliac, économiste chez Euler Hermes, qui juge "la dynamique" de l'économie française "vraiment faible". "Au quatrième trimestre, on a surtout une contribution des exportations nettes", sinon "on aurait une croissance d'à peu près zéro", souligne-t-il.
Consommation en berne
Selon l'Insee, les dépenses des ménages ont en effet fortement ralenti entre octobre et décembre, dans le contexte des "gilets jaunes". "On est passé de 0,4% à 0%, alors même qu'on avait une accélération du pouvoir d'achat", lié à la baisse de la taxe d'habitation, souligne Alexandre Mirlicourtois, économiste chez Xerfi.
Sur l'ensemble de 2018, la consommation a augmenté de 0,8% seulement. "C'est proche de ce qu'on avait en période d'austérité", rappelle Mathieu Plane, qui attribue cette faible dynamique aux perturbations de fin d'année mais aussi au calendrier fiscal du gouvernement, qui a fait passer les hausses d'impôts avant les allègements fiscaux.
Autre point négatif: l'investissement, qui a lui aussi ralenti (+2,9% contre +4,7% en 2017), en raison de la baisse de l'investissement des ménages (-0,4% après -0,1%), venue contre-balancer en partie la bonne tenue de l'investissement des entreprises (+3,9%, après +4,4%).
"Plus ça va, plus la dynamique de l'investissement résidentiel se retourne. Elle est maintenant franchement dans le rouge", souligne notamment Stéphane Colliac.
En moyenne annuelle, les exportations se sont elles aussi essoufflées (+3,1% après +4,7% en 2017), malgré un rebond notable au quatrième trimestre (+2,4% après +0,2% au troisième), lié au dynamisme des livraisons de matériel aéronautique et naval.
Le ralentissement des exportations ayant été moins marqué que celui des importations (+1,1% après +4,1%), les échanges extérieurs -- talon d'Achille de l'économie française -- ont malgré tout davantage contribué à l'activité l'an dernier (+0,6 point de croissance) qu'en 2017 (+0,1 point).
Risques internationaux
Cette faible dynamique fait planer un doute sur la capacité de rebond de l'économie française, dans un contexte d'essoufflement de l'activité mondiale, lié aux tensions commerciales entre Pékin et Washington, et aux incertitudes sur le Brexit. "Le contexte international et européen est plutôt anxiogène", rappelle Alexandre Mirlicourtois.
Dans ses dernières prévisions, le FMI a abaissé sa prévision de croissance pour l'Hexagone à 1,5% en 2019. Le gouvernement, de son côté, prévoit une croissance de 1,7%. "Nous sommes conscients de la détérioration du climat économique international" mais l'activité en France est "plus solide que celle de beaucoup de ses partenaires", a justifié Bruno le Maire.
Selon Bercy, l'économie française devrait ainsi bénéficier en 2019 d'une hausse de la consommation. Les mesures pour le pouvoir d'achat "commencent à être comprises" et "devraient constituer un relais de croissance", assure l'entourage de M. Le Maire, qui évoque "des perspectives de niveaux de vie futurs plus favorables".
"On a des possibilités de rebond parce que qu'il y a des mesures qui ont été prises sur le pouvoir d'achat", reconnaît Alexandre Mirlicourtois. Mais "le climat social n'est toujours pas revenu à la normale, donc il y a toujours un point d'interrogation", ajoute-t-il.
Un avis partagé par Mathieu Plane, qui appelle à la prudence concernant 2019. "On peut s'attendre à un effet de rattrapage" mais "tout va dépendre de ce qui va se passer dans les prochains mois", souligne l'économiste, qui rappelle que jusqu'à présent, "les gains de pouvoir d'achat se sont traduits par une hausse de l'épargne et non de la consommation".